— Votre majordome anglais m’a appelé… Il a précisé qu’une VIP est prête à payer le triple de la course pour… comment il a dit ça… pour de la velocidad y discreción . Et comme vous le voyez : pas de lumière !
— C’est parfait. Merci, répondit Langdon.
Bien joué, Winston !
L’homme tendit la main à Ambra pour l’aider à monter. La jeune femme se réfugia aussitôt dans la cabine pour se réchauffer. Le pilote fit un grand sourire à Langdon.
— C’est elle ma VIP ? La señorita Ambra Vidal ?
— Velocidad y discreción , lui rappela Langdon.
— ¡ Sí, sí !
Le pilote s’installa à la barre et lança les moteurs. Quelques instants plus tard, le bateau filait à l’ouest sur le ruban noir du Nervion.
À bâbord, se dressait l’araignée géante, éclairée par les gyrophares des voitures de police. Au-dessus de leur tête, un hélicoptère de la télévision bourdonnait dans le ciel.
Le premier de l’essaim !
Langdon sortit la carte de visite où était inscrit BIO-EC346. N’importe quel chauffeur de taxi comprendrait, lui avait assuré Edmond. Évidemment, il ne se doutait pas qu’il s’agirait d’un bateau.
— Notre ami anglais, cria Langdon pour se faire entendre malgré le vacarme des moteurs. Il vous a indiqué notre destination ?
— Oui, oui ! Je lui ai dit qu’on pouvait presque y aller en bateau. Presque ! Il a répondu que ça irait. Vous devrez marcher sur deux ou trois cents mètres.
— Aucun souci. Il y en a pour longtemps ?
L’homme désigna la voie expresse qui longeait le Nervion sur la droite.
— Vous voyez le panneau là-bas ? C’est un peu plus long par le fleuve.
AEROPUERTO BILBAO (BIO)

7 KM
Langdon sourit en voyant le panneau. Les paroles d’Edmond lui revenaient en mémoire. « Ce code est simplissime, Robert. » C’était vrai. En résolvant l’énigme, il avait mesuré à quel point c’était un jeu d’enfant.
BIO était effectivement un code. Mais pas plus compliqué à décrypter que BOS, LAX ou JFK.
Le reste des caractères s’imposaient d’eux-mêmes.
EC346.
Langdon n’avait pas envisagé qu’Edmond ait un jet privé, mais si cet avion existait, il était probable que son numéro d’identification commençait par « E » pour Espagne.
Si Langdon avait montré cette carte à un chauffeur de taxi conventionnel, celui-ci l’aurait déposé devant les portes de l’aéroport de Bilbao et la sécurité l’aurait accompagné jusqu’au pied de l’avion.
J’espère que les pilotes sont prévenus de notre arrivée, se dit Langdon, en regardant le musée disparaître derrière eux.
Il songea un instant à rejoindre Ambra en cabine, mais la fraîcheur était vivifiante. Et il préférait lui laisser un peu de temps pour reprendre ses esprits.
Moi aussi, j’en ai besoin, pensa-t-il en se dirigeant vers la proue.
À l’avant du bateau, le visage fouetté par le vent, Langdon retira son nœud papillon et le glissa dans sa poche. Il déboutonna le col de sa chemise et respira à pleins poumons l’air de la nuit.
Cher Edmond… qu’avez-vous fait ?
En écoutant le laïus de l’archevêque Valdespino, le commandant Diego Garza fulminait.
Ce ne sont pas vos affaires ! avait-il envie de lui rétorquer. Retournez à vos missels !
Une fois encore, l’archevêque se mêlait de politique. Caché dans l’ombre, Valdespino se lançait dans un sermon enflammé, rappelant à Julián l’importance des traditions, la piété légendaire des anciens rois et reines, et l’influence bénéfique de l’Église en temps de crise.
Pas maintenant !
Ce soir, Julián devait faire preuve de finesse diplomatique. Ce n’était pas le moment de parasiter son esprit avec les élucubrations d’un prélat qui ne pensait qu’à son intérêt personnel.
Par chance, le bourdonnement de son téléphone interrompit le soliloque de Valdespino.
— Sí, dime , répliqua Garza en haussant la voix. (Il se plaça volontairement entre le prince et l’archevêque.) ¿ Qué tal va ?
— Commandant, c’est Fonseca. Je suis encore à Bilbao. Je crains que l’assassin soit parvenu à s’enfuir. Uber a perdu sa trace. Tout se passe comme s’il avait un coup d’avance sur nous.
Ravalant sa colère, Garza poussa un long soupir et répondit d’un ton égal :
— Je comprends. Pour le moment, votre priorité est la sécurité de Mlle Vidal. Le prince l’attend. Et je lui ai assuré qu’elle serait ici sous peu.
Il y eut un long silence à l’autre bout du fil. Bien trop long.
— Commandant… Je suis désolé, mais j’ai de mauvaises nouvelles de ce côté aussi. Il semble que Mlle Vidal et le professeur américain aient quitté le musée… sans nous.
Garza faillit en lâcher le téléphone.
— Répétez-moi ça ?
— Mlle Vidal et M. Langdon se sont enfuis. Elle s’est débarrassée de son téléphone pour que nous ne puissions plus la suivre. À l’heure actuelle, nous ne savons pas où elle est.
Il sentit sa bouche s’ouvrir malgré lui. À présent, le prince le regardait. Valdespino s’approchait, les sourcils froncés.
— Parfait !… Ce sont d’excellentes nouvelles ! lança Garza en hochant la tête avec conviction. Bon travail. On vous attend donc plus tard dans la soirée. Revoyons juste les questions de sécurité. Un instant, s’il vous plaît…
Garza couvrit le téléphone et adressa un sourire rassurant au prince.
— Tout va bien. Je sors régler quelques détails logistiques et je reviens. Comme ça, vous pourrez parler tranquillement tous les deux.
Garza n’avait aucune envie de laisser Julián seul avec Valdespino, mais il n’avait pas le choix. Il se rendit dans la pièce voisine et ferma la porte derrière lui.
— ¿ Qué diablos ha pasado ? souffla-t-il dans le téléphone.
Tandis que Fonseca racontait son histoire, Garza peinait à garder son calme.
— Les lumières se sont éteintes d’un coup ? Un ordinateur s’est fait passer pour un vigile et vous a mis sur une fausse piste ? Vous croyez que je vais avaler ça !
— Je sais que c’est difficile à croire, mon commandant, mais c’est la vérité. Ce qu’on n’arrive pas à comprendre, c’est le revirement de l’ordinateur.
— Le revirement ? Mais c’est qu’un putain de programme !
— Au début, il était coopératif. Il a identifié le tireur, il nous a donné son nom, il a tenté d’empêcher le meurtre, et c’est lui qui a découvert que le tueur s’était enfui dans un Uber. Et d’un coup, il s’est mis à agir contre nous. Je suppose que Langdon a dû lui dire quelque chose qui ne lui a pas plu, parce qu’après il n’était plus le même.
Décidément, Garza était bien trop vieux pour ce monde…
— Inutile de vous dire combien il serait gênant pour le prince, sur un plan personnel comme politique, si on apprenait que sa fiancée s’est échappée avec quelqu’un. Et que la Guardia Real s’est fait avoir par un robot !
— Nous en sommes parfaitement conscients, mon commandant.
— Vous savez pourquoi ils se sont enfuis ? C’est totalement incompréhensible.
— Tout ce que je peux vous dire, c’est que le professeur Langdon n’avait aucune envie de venir à Madrid. Ça, c’est évident.
Et il aurait fui une scène de meurtre ?
C’était bizarre. Quelque chose ne tournait pas rond.
— Fonseca, il est vital que vous retrouviez Mlle Vidal et que vous la rameniez au Palais avant que cette affaire ne s’ébruite.
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