Bernard Minier - Le Cercle

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Prix des Bibliothèques et des Médiathèques de Grand Cognac 2013
Biographie de l'auteur Un coup de fil surgi du passé, un e-mail énigmatique, qui signe peut-être le retour du plus retors des serial-killers, précipitent le commandant Martin Servaz dans une enquête dangereuse, la plus personnelle de sa vie.
Un professeur de civilisation antique assassiné, un éleveur de chiens dévoré par ses animaux… Pourquoi la mort s’acharne-t-elle sur Marsac, petite ville universitaire du Sud-Ouest, et son cercle d’étudiants réunissant l’élite de la région ?
Confronté à un univers terrifiant de perversité, Servaz va rouvrir d’anciennes et terribles blessures et faire l’apprentissage de la peur, pour lui-même comme pour les siens.
Après le succès de
, déjà traduit dans de nombreux pays, Bernard Minier, le maître des atmosphères sombres et oppressantes, nous entraîne dans une nouvelle intrigue à couper le souffle, qui renouvelle les lois du genre.
BERNARD MINIER est né à Béziers et a grandi dans le Sud-Ouest. Après
, prix du meilleur roman francophone du festival 2011 de Cognac,
est deuxième roman.

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Sans plus réfléchir, il porta une main à son ceinturon et en défit la boucle. Elle inspira profondément.

— Arrête… non… ne fais pas ça, dit-elle.

Elle savait pertinemment que cette sorte de message avait l’effet exactement inverse sur ce genre d’homme. Il s’attaqua ensuite à sa braguette, lentement, sans la quitter des yeux. Fit un dernier pas en avant. Ce fut au moment où sa grosse main maladroite s’évertuait à défaire un bouton réticent, le troisième, tandis que l’autre tenait toujours l’arme, que les jambes de Ziegler se refermèrent brusquement autour de ses chevilles — comme une pince — et qu’elle les replia violemment vers elle, ses propres chevilles croisées en un nœud fatal.

Elle vit la lueur de surprise dans ses yeux quand il perdit l’équilibre. Il battit l’air de ses mains. Tomba de tout son poids. Sa tête alla heurter durement la plinthe. Mais ce fut l’arme que Ziegler ne quitta pas des yeux quand elle tomba entre eux. Un coup partit, assourdissant. Un sifflement suraigu vrilla son oreille, comme celui d’une fusée de feu d’artifice, et un souffle chaud caressa sa joue lorsque le petit morceau de métal passa tout près d’elle et alla se ficher dans le mur quelque part derrière avec un claquement sec. Un nuage de fumée s’éleva et une âcre odeur de cordite envahit le couloir. Elle rampait déjà, gigotant, se trémoussant, se poussant désespérément des pieds et des fesses sur le plancher, et elle s’empara du pistolet au moment où il le cherchait lui-même des yeux en se frottant l’arrière du crâne. Elle roula sur le flanc, l’épaule écrasée contre le plancher, le regard dirigé vers ses pieds et, au-delà, vers Zlatan lui-même, l’arme tenue dans ses mains menottées, contre ses fesses, pointée vers lui.

— Ne bouge plus, CONNARD ! Si tu fais le moindre geste, je te vide le chargeur dans le ventre, espèce de sale enfoiré de merde !

Il eut un rire mauvais. Ses yeux étaient deux puits de ténèbres, ils fixaient le trou noir du canon dans le dos de Ziegler, sourcils froncés.

— Et tu comptes faire quoi, maintenant ? ironisa-t-il. Me tuer ? Ça m’étonnerait… On va rester là longtemps ? C’est moi qui ai ton iPhone, je te le rappelle. Et la clé de tes menottes. T’as vu ta position ? Dans deux minutes, ton bras sera complètement ankylosé !

Il la regardait avec l’assurance tranquille du prédateur qui a tout son temps. Il avait raison. Le sang avait déjà du mal à circuler dans son épaule coincée sous elle, et la main qui tenait l’arme dans son dos était agitée de petits tremblements. Bientôt, elle tremblerait trop pour pouvoir viser correctement et, de son côté, il aurait récupéré suffisamment pour se jeter sur elle.

— Tu as foutrement raison, décréta-t-elle en souriant.

Il lui lança un regard étonné. Aussitôt après, le coup partit et il hurla de douleur quand son genou explosa, sa rotule pulvérisée par la balle.

— Putain, t’es cinglée ! hurla-t-il en se tordant de douleur et en se tenant la jambe à deux mains. Tu aurais pu… tu aurais pu me tuer, merde !

— Exact, lui lança-t-elle. Dans cette position, j’ai tiré au jugé, tu t’en doutes. J’aurais pu te toucher n’importe où… Au ventre, à la poitrine, à la tête… Qui sait où la prochaine balle t’atteindra ?

Elle le vit pâlir. Sans plus s’occuper de lui, elle tira ses deux bras menottés en arrière selon un angle de quarante-cinq degrés par rapport à son dos, l’arme à une quarantaine de centimètres du sol, et elle garda le doigt appuyé sur la détente, tirant à l’aveugle à travers la petite pièce derrière elle, en direction de la fenêtre qu’elle avait aperçue en passant. Le tonnerre assourdissant des déflagrations fit siffler ses tympans et ricocha comme une balle de squash sur les murs du couloir. Dans son dos, elle entendit les vitres de la petite pièce exploser bruyamment. Les oreilles bourdonnantes, il lui sembla percevoir des cris dans la rue en contrebas.

— Cette fois, je crois que la cavalerie ne va pas tarder à arriver, répliqua-t-elle, satisfaite.

Une nouvelle idée jaillit, évidente, spontanée, terrifiante s’il avait raison, il était en danger lui aussi. Là, tout de suite. Dans cet hôpital. Car, contrairement à ce qu’il pensait, l’assassin savait où le trouver. Savait qu’il était plus vulnérable que jamais. Savait que c’était une chance unique.

Servaz songea, avec un haut-le-cœur, qu’il était probablement déjà en route.

Assis au bord du lit, il sentait la terreur couler en lui. Il n’y avait pas une minute à perdre, il fallait déguerpir d’ici. Vite. Se planquer quelque part. Il tâta ses vêtements : il portait une sorte de pyjama léger en coton. Il chercha de nouveau la sonnette à tâtons, appuya dessus. Rien.

Fumiers !

Son regard se porta instinctivement autour de lui, bien qu’il ne vît rien, et il se leva, les mains tendues en avant. Il tâta les murs. Sentit sous ses doigts un revêtement granuleux, des tuyaux en pagaille, et finit par repérer une chaise près de la tête du lit sur laquelle était posé un grand sac en plastique. Sa main plongea à l’intérieur. Ses vêtements… Il se dépêcha de retirer son pantalon de pyjama et d’enfiler son jean à la place, récupéra son téléphone portable sur la table de nuit proche et le glissa dans sa poche, puis il se chaussa. Quand il eut terminé, sans même nouer ses lacets, il se dirigea vers l’endroit où était censée se trouver la porte.

Il l’ouvrit. Le couloir lui parut étrangement silencieux. Il se demanda où était passé le personnel. Puis un mot s’alluma dans son cerveau : football . Il y avait sans doute d’autres matches que ceux de l’équipe de France à regarder. À moins qu’ils n’aient été appelés à un autre étage. Manque de personnel, crédits en berne : l’éternelle rengaine… Il se faisait tard, le personnel de jour était rentré chez lui. L’angoisse l’envahit, il tourna la tête à droite et à gauche. Il se sentit tout à coup très exposé, vulnérable au milieu de ce couloir désert.

Tous les sens en alerte, il tendit les bras devant lui jusqu’au moment où ses mains trouvèrent le mur d’en face. La même surface granuleuse que dans la chambre. Il décida de la suivre et choisit arbitrairement de partir vers la gauche. Il finirait bien par tomber sur quelqu’un. Il faillit trébucher sur un chariot rangé contre le mur, le contourna, reprit sa progression, ses mains toujours au contact du mur. Des tuyaux, des papiers épinglés sur un panneau de liège, un boîtier avec une clé et une chaînette — peut-être pour l’alarme incendie… Il envisagea un instant de tourner la clé. Puis il atteignit un angle. En fit le tour. Se redressa.

— Il y a quelqu’un ? S’il vous plaît, aidez-moi !

Personne. Sa poitrine l’oppressait, une sueur froide descendait le long de son dos, sous la chemise d’hôpital qu’il portait pardessus son jean. Il continua le long du mur, à tâtons. Tout à coup, il s’immobilisa. Ses doigts venaient de rencontrer une plaque de métal qui faisait saillie, un bouton… Un ascenseur ! La main tremblante, il s’empressa d’appuyer sur le gros bouton carré et perçut un ping en guise de réponse. Ses oreilles captèrent le vrombissement de la cabine se mettant en mouvement. Les portes s’ouvrirent quelques secondes plus tard en chuintant. Il fit un pas à l’intérieur lorsqu’une voix derrière lui le héla.

— Hé ! Où allez-vous comme ça ?

Il entendit l’homme entrer à son tour dans la cabine et les portes de l’ascenseur se refermer sur eux.

— Quel étage ? demanda la voix à côté de lui.

— Rez-de-chaussée, répondit-il. Vous êtes un membre du personnel ?

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