Georges-Jean Arnaud - Subversive Club

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Le Dynamics-Club est un de ces clubs élitiques internationaux, créés aux Etats-Unis pour développer par tous les moyens le respect et le progrès du libéralisme économique.
Sous des dehors culturels et philanthropiques il n’est en fait qu’une arme de guerre des Multinationales contre la liberté de choix des peuples européens.
Maxime Carel, le héros de ce roman de politique-fiction, le découvrira au cours d’une aventure cauchemaresque.
Le Commander agissant pour le Sénat américain mène parallèlement une enquête sur les motivations du Club et sur l’origine des grosses subventions que cet organisme privé peut recevoir.

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Décidément moutonniers, tous les gens présents parurent soudain effrayés et se mirent à protester avec de plus en plus de hargne.

— O.K. ! O.K. ! cria H.H. en montant sur l’estrade. J’ai oublié de préciser que ces tests vous seront rendus. Bien évidemment. Vous pourrez en faire ce que vous voudrez ensuite… Et si madame veut en confectionner des papillotes, je n’y suis pas opposé encore que nos firmes proposent des rouleaux pour les frisettes bien plus efficaces.

L’art de retourner une assemblée paraissait inné chez lui. Mais Maxime pensait plutôt qu’il s’agissait du fruit d’une longue expérience.

— Vous pourriez en prendre photocopie…

— Voyons, mon vieux, nous croyez-vous vraiment dotés de mentalités de voyous ? Nous sommes les membres d’un club qui prône l’honnêteté, le fairplay, la loyauté dans la conduite des affaires. Nous n’allons pas, du jour au lendemain, nous transformer en maîtres chanteurs tout de même. Le gros homme renonça. Il s’appelait Charvin et plus tard Maxime chercha en vain son nom sur la liste des heureux élus.

Maxime Carel s’efforça de répondre avec mesure, ne voulant pas non plus inspirer des méfiances s’il se montrait un trop farouche défenseur de l’Internationalisme capitaliste.

— Ça gaze ? lui demandait Pochet de temps en temps.

Il se contentait de sourire. Plus loin Clara Mussan le regardait en gonflant ses joues et en soupirant d’un air excédé. Cette petite séance d’écriture avait l’air de l’ennuyer profondément.

Lorsqu’il eut remis sa double feuille, il quitta la salle de conférence, alla boire un jus de fruit au bar de l’hôtel. Pierre Montel l’y rejoignit.

— J’espère que vous serez sélectionné, dit-il en commandant un scotch. Vous verrez que vous ne le regretterez pas.

Il parlait, le cher président du club, comme s’il était certain que pour lui le problème ne se posait pas.

— C’était très important et j’espère que la gravité de l’affaire ne vous a pas échappé. Ce cher Hugues Harlington plaisante souvent, mais soyez certain que ce n’est pas un petit rigolo.

— Je m’en doute, répondit Maxime avec prudence.

Peu à peu les gens affluaient au bar mais personne ne parlait de ce qui venait de se passer. Maxime eut même l’impression qu’ils n’avaient qu’une hâte, oublier comme s’ils n’étaient pas fiers d’eux-mêmes et avaient honte.

— Vous parlez d’une corvée, dit Clara Mussan en le rejoignant. Je me suis arrangée pour ne pas être sélectionnée. Toutes ces histoires m’ennuient et je veux mener mon affaire à ma guise. Si Mitterrand et Marchais viennent au pouvoir, qu’y puis-je ? Je ne crois pas qu’on supprime d’un coup les entreprises de travail temporaire. Certes, on les réglementera sévèrement, mais ainsi des tas de margoulins seront éliminés…

— Avez-vous pensé que le plein emploi entraînerait rapidement votre disparition ? lui dit-il.

Voyant qu’elle perdait son sourire, il s’en voulut de lui gâcher son insouciance.

— Mais vous avez raison, inutile de s’en faire à l’avance.

— Vous croyez qu’on pourrait changer le cours des événements dans le cas où tout serait chamboulé ?

— Je ne sais pas, dit-il.

Malgré tout, son après-midi et sa soirée furent gâchées par la pensée qu’on était en train d’éplucher ses réponses. Pourquoi avoir donné de lui une image qui ne correspondait pas à sa personnalité ? Uniquement pour faire plaisir à Patricia et en savoir davantage sur ce qui se préparait quelque part dans le sud de cet immense pays ? Parce qu’il l’avait trompée avec Clara Mussan et cherchait en quelque sorte à réparer cette infidélité ?

— Je vous trouve tristounet, lui déclara la jeune femme alors qu’ils dînaient dans un restaurant grec de la 8 eAvenue.

— Excusez-moi, dit-il.

— Des ennuis ?

— Pas du tout…

— Est-ce ce test qui vous préoccupe ?

— Je ne sais pas. Qu’en pensez-vous vous-même ?

Clara haussa les épaules, leva son verre de vin à la résine.

— Rien du tout. Je m’en fous. Je n’ai pas cherché à me faire sélectionner et il est possible qu’ils me jugent comme une sorte de gauchiste qui cache bien son jeu. Pourquoi vous inquiéteriez-vous si vous avez répondu en toute franchise ?

CHAPITRE III

Comme des étudiants inquiets sur le résultat de leur examen, les Dynamiciens s’agglutinaient devant la liste qu’une des hôtesses venait d’afficher dans la salle de conférence.

— Vous avez vu mon nom ? Je viens de lire le vôtre… Ah ! ils ont mis un K au lieu d’un C. Je suppose que c’est moi…

— Moi j’ai envie de refuser bien que j’y sois. Après tout ça ne me dit rien.

— Ma femme ne va pas aimer rester seule à New York.

Marcel Pochet fumait à califourchon sur une chaise les bras posés sur le dossier.

— Vous faites pas de souci, Carel, j’ai vu votre nom.

— Merci, dit Maxime. Je ne pensais pas être sélectionné.

Le syndicaliste C.N.T. le regarda comme s’il doutait de la sincérité de ses paroles. Clara surgit du groupe des Dynamiciens en effervescence, hocha la tête. Il lui sembla qu’elle était un peu pâle. Plaquant là Marcel Pochet, il la rejoignit alors qu’elle s’installait dans un siège de velours grenat.

— Vous êtes acceptée ?

— Bien sûr, fit-elle, mais pourtant j’ai répondu sans faire d’efforts… Nous serons donc ensemble ?

Il apprécia la réflexion, pensa qu’elle ne voulait pas reconnaître, par simple pudeur, qu’elle avait tout fait pour être du voyage dans le Sud. Ils ignoraient toujours l’endroit où l’on devait les conduire.

— De quoi sera-t-il question aujourd’hui ?

— Je l’ignore, fit-elle. C’est un certain John Matton qui parle.

— Il sera question de ce que peuvent faire les clubs pour que les libertés occidentales soient défendues, dit Marcel Pochet assis un rang derrière eux.

Maxime faillit lui faire remarquer qu’il ne cessait de le poursuivre, y renonça.

John Matton était un homme d’une quarantaine d’années, aux cheveux blancs, à la figure lisse et rose. Il fit un rapide historique du club, établit des comparaisons avec le Rotary et le Lion’s, insista sur le fait que les différences n’étaient pas très grandes.

— Lorsque vous êtes entrés chez nous, vous avez fait le serment de vous montrer dignes de notre compagnie. Vous avez été choisi parce que chacun dans votre spécialité, qu’il s’agisse de commerce, d’industrie, de professions libérales, vous avez montré vos grandes capacités. Vous avez prouvé que vous étiez les meilleurs, que vous aviez magnifiquement réussi. Mais n’oubliez pas que vous devez cette réussite à un système qui tient compte de l’individu, de la personnalité. Un système qui loin de mépriser la compétition lui trouve toutes les qualités, lorsqu’elle est franche, honnête, justifiée.

Comme toujours, Maxime se laissait aller à des développements intimes. Bien sûr, il avait réussi à décrocher ce poste de directeur des Laboratoires mais deux autres ingénieurs se trouvaient en concurrence avec lui. Avec des chances égales, sauf une Lui connaissait bien le grand patron. Ce dernier possédait un voilier de compétition, classe I et à plusieurs reprises Maxime avait embarqué pour des courses-croisières. Jusqu’au jour où le grand patron lui avait demandé de le représenter à bord, la fois où il souffrait de coliques néphrétiques. Et ce jour-là avait été décisif. La Giraglia. Une course que le grand patron n’avait jamais pu gagner, se classant toujours dans les cinq premiers cependant. Maxime se revoyait à bord du grand voilier. Le navigateur radio leur avait alors apporté la nouvelle insensée. Ils étaient en tête, avec plusieurs heures d’avance sur le second. En quelques minutes il avait dû prendre sa décision. Gagner la Giraglia avec le bateau du patron ? Bien entendu on parlerait surtout du voilier, de son propriétaire mais aussi de lui… Ce jour-là il avait composé avec les principes sacrés de la compétition. Il avait donné des ordres pour que la route soit modifiée légèrement de façon à tomber dans une zone de calme plat. L’équipage, le skipper même pliés depuis toujours à obéir sans discuter au grand patron, avaient accepté cette erreur, les poings sérés, les yeux durs. Mais ils avaient accepté. Le classe I était arrivé deuxième à Toulon. Et il avait été nommé directeur des Laboratoires. Plus tard il en avait eu des sueurs froides. Il avait failli ne pas comprendre que le grand patron lui faisait passer un test définitif. En gagnant la course croisière, il se perdait sans appel.

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