Elle sursauta.
— Impossible ! Pas maintenant ! Je ne peux pas laisser mes amis. Attendez.
Elle l’embrassa, pour l’empêcher de protester. La langue tournait autour de la sienne comme une bête vivante. Elle lui caressait lentement le dos et il sentait les ongles le griffer légèrement à travers le mince tissu de son complet. On n’aurait pas passé une feuille de papier à cigarettes entre leurs deux corps.
Un mauvais plaisant mit un twist et les couples s’écartèrent un peu, pour sauver les apparences. Tania se mit à danser à deux mètres de lui, donnant des coups de hanche comme une négresse en délire. Malko eut encore plus envie d’elle. Elle était belle, animale et jeune.
Autour d’eux, on flirtait avec autant de passion.
Malko commençait à comprendre pourquoi un célèbre médecin de Téhéran avait amassé une fortune considérable en refaisant des pucelages aux jeunes filles de bonne famille, dans ce pays où une fille ne se marie que vierge…
À part quelques malheureuses très laides, qui se bourraient de pistaches sur les divans, et les petits groupes de joueurs, tous les couples qui étaient là se préparaient visiblement à faire l’amour ; quand déjà, ils ne le faisaient pas…
Malko en avait assez de la station verticale. Il entraîna Tania jusqu’à un divan libre, rafla au passage deux coupes de Champagne et s’installa confortablement.
Tania s’était presque étendue, il en profita pour glisser la main le long de sa jambe, jusqu’à l’endroit où le bas s’arrêtait. Elle gémit :
— Arrêtez !
Mais elle ne lâcha pas le cou de Malko. La robe légèrement relevée au-dessus du genou, elle était vraiment très excitante. Malko remarqua que dans le dos le fourreau de soie était coupé d’une interminable fermeture Éclair, facile à défaire.
Un domestique passa tout près d’eux pour enlever les cendriers pleins. Il n’eut pas un regard pour la jeune fille, offerte sur le divan. Lui et dix de ses pareils circulaient au milieu des couples enlacés, enlevant les verres, renouvelant les boissons, nettoyant, silencieux, muets et absents comme des fantômes. Toute cette dépravation mondaine les laissait indifférents. Ils n’auraient jamais d’aussi belles femmes, alors à quoi bon rêver ? Et, en cas de révolution, ils seraient cent pour en violer une…
— Je voudrais vous faire l’amour dans cette robe, murmura Malko à l’oreille de Tania.
— Quelle drôle d’idée ! souffla-t-elle.
Elle rit un peu et glissa une main dans la chemise de Malko.
Lui ressentait l’exaltation qui le prenait chaque fois qu’il allait avoir une femme dont il avait eu très envie et qu’il allait ainsi gagner son pari contre lui-même. Tania, il l’avait « sentie », comme un dresseur tâte un fauve. Il avait tout de suite pensé qu’il ferait l’amour avec elle. Sans savoir comment ni où. Ce n’était pas de la fatuité mais une sorte de sixième sens, qui le trompait rarement. Maintenant qu’il la tenait pantelante entre ses bras, il jouissait délicieusement de sa victoire virtuelle sur cette fille si inaccessible en apparence.
Tania se coula encore un peu plus contre lui. Elle l’embrassa et murmura :
— Il faut que je vous quitte. On parle vite, ici à Téhéran. Je vous rejoindrai après. Si vous vous ennuyez, dansez un peu avec Saadi, la pauvre. Elle est toute seule ce soir, je crois…
Quelle vipère !
La jeune fille passa dans une autre pièce, et Malko ferma les yeux, étendu sur le divan. La soirée était aussi agréable qu’il l’avait escompté. C’était amusant, que la petite Saadi soit là ! Cela donnait encore plus de piquant à l’affaire.
Autour de lui, les couples s’en donnaient à cœur joie. Il y en avait de moins en moins, d’ailleurs ; ils disparaissaient un à un ; à croire que la maison avait cent cinquante chambres… Malko essaya d’apercevoir Saadi. En vain. Le père devait décourager les éventuels amateurs d’un flirt trop poussé.
Tania revint. Elle était encore allée se parfumer. Elle s’allongea contre Malko et l’embrassa longuement.
— Encore un peu de patience, dit-elle. Ils seront bientôt presque tous partis. Nous partirons à notre tour.
— Où irons-nous ?
— À cent mètres d’ici, il y a une petite maison, où nous hébergeons parfois. Elle est vide en ce moment ; nous y serons plus tranquilles qu’ici à cause des domestiques.
Tout cela semblait parfait. Malko avait de nouveau terriblement envie de Tania et le lui fit sentir. Cette fois, elle ne se déroba pas.
— Je partirai la première, et tu me suivras, murmura-t-elle à son oreille. Pour sauver les apparences. Viens.
Comme pour l’encourager, elle le tutoyait.
Elle se leva, alla jusqu’au buffet, échangea quelques mots avec un couple qui dansait et sortit sur la terrasse. Il faisait frais et tous les invités étaient rentrés. Tania demeura quelques instants appuyée au rebord de pierre, puis brusquement, disparut aux yeux de Malko, comme happée par l’obscurité. Il avança à son tour et découvrit que la terrasse se terminait sur un escalier descendant dans le jardin.
Il s’engagea à son tour et suivit une allée de gravier. Il s’arrêta un instant : devant lui s’éloignaient les pas de Tania.
Rassuré, il se hâta de la rattraper. Le sentier serpentait entre de grands arbres. Soudain Malko se trouva au pied d’un bâtiment noir. Tania l’appela à voix basse :
— Tu es là ?
Il la rejoignit et prit la main tendue.
— Nous sommes presque arrivés, murmura-t-elle.
Ils se retrouvèrent sur une autre terrasse, beaucoup plus petite. Toujours guidé par Tania, Malko pénétra dans une pièce qui sentait le renfermé et le pétrole. Elle lâcha sa main.
— Attends, j’allume.
Deux lampes basses aux abat-jour verts s’allumèrent près de Malko. La pièce était petite, meublée d’un grand divan, de deux chaises et d’une table basse.
— Nous sommes bien, non ? souffla Tania. Ici personne ne viendra nous déranger.
Elle enlaça Malko et lui donna un baiser violent. Il l’entraîna sur le divan, mais elle se dégagea doucement.
— Attends, dit-elle. Chez nous il y a des coutumes à observer. Nous avons inventé le strip-tease bien avant les Européens, mais ici il porte un autre nom… Reste où tu es.
Sous la table, il y avait un électrophone, qu’elle mit en marche. Aussitôt s’éleva une aigrelette musique arabe, très entraînante.
— Ça te plaît ? demanda Tania.
Sans attendre sa réponse elle commença à onduler devant lui.
Tout en dansant, elle défit la fermeture de sa robe et d’un coup de reins, la fit glisser à ses pieds. Elle n’avait plus qu’un soutien-gorge noir en dentelle, un slip de la même couleur et des bas très foncés, qui gainaient ses merveilleuses jambes. Toujours au rythme de la musique, elle entreprit de donner à Malko une éblouissante leçon de danse du ventre…
Il en avait la bouche sèche. Elle était encore plus belle que ce qu’il avait imaginé.
Elle s’approcha et le frôla de son ventre, tout en dansant ; il l’attrapa par les hanches et l’attira contre lui. Elle se dégagea d’un coup de reins, en laissant traîner sur le cou de l’homme ses longues griffes rouges.
— Un peu de patience ! souffla-t-elle.
Elle se recula et, d’une main, dégrafa son soutien-gorge, puis l’enleva d’un coup et s’arrêta net. Elle avait des seins splendides, attachés haut, écartés et presque trop lourds pour son buste assez frêle.
— Viens, maintenant ! fit-elle.
Malko se rua plutôt qu’il n’avança.
Au moment où il allait la saisir il y eut derrière lui un frôlement et il eut l’impression de recevoir le plafond sur la tête. La silhouette de Tania tangua un instant devant ses yeux, souriante, et tout devint noir alors que la tête de Malko heurtait le plancher.
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