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Hugues Pagan: Les Eaux mortes

Здесь есть возможность читать онлайн «Hugues Pagan: Les Eaux mortes» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию). В некоторых случаях присутствует краткое содержание. Город: Paris, год выпуска: 1987, ISBN: 978-2-86930-047-7, издательство: Éditions Payot & Rivages, категория: Полицейский детектив / Триллер / на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале. Библиотека «Либ Кат» — LibCat.ru создана для любителей полистать хорошую книжку и предлагает широкий выбор жанров:

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Hugues Pagan Les Eaux mortes

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On en revient toujours au même, à des rues, des ports et de la pluie, des coins de porte et des néons sanglants ou blafards, des trottoirs sans fonds, des rafales de steal guitar tirées à la hanche, en balayant, des caniveaux et des pièces semées de détritus et de verre brisé, de lamentos et de shooteuses, un peu de sang et de la boue… Difficile de trouver la lumière. Contes de la mort tranquille et des morgues pleines… Un jour ou l'autre, il s'agit de choisir son camp et de ne plus bouger. J'avais choisi le mien. Un ancien flic. Une machination… Peut-être une vengeance. Et la mort au rendez-vous. Plus proche de David Goodis que d'Ed McBain, Hugues Pagan lance le lancinant lamento des vies naufragées dont le blues se répercute à l'infini… Jean-Pierre Deloux,

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Je la laissai à la Gare, dans la salle des pas perdus. J’en profitai pour acheter une cartouche de Camel et quelques revues. Ce qui fait que je ne la vis pas partir. Je me sentais faiblard, vaseux et parfaitement décaféiné. Elle était venue et s’en était allée. Nous ne nous étions même pas serré la main, nous avions soigneusement évité de nous toucher. En allumant une cigarette, je m’aperçus que mes doigts tremblaient. Quelque chose me criait de courir jusqu’au quai, que peut-être… Un flic m’en empêcha. Il tournait autour de Dizzie Mae avec son carnet de contredanses, comme s’il ne savait pas trop par où l’attaquer. Je dus lui parler. C’était un gosse athlétique, au visage brutal, aux yeux froids sous sa visière sombre. Dans la nouvelle tenue, avec tout le fourniment à la ceinture et le 357 sur la hanche, il n’était pas difficile de se composer un look de dur à cuire. Il gonfla ses joues deux ou trois fois et montra beaucoup de compréhension. Il prit cependant un ton cassant pour m’inviter à circuler. Il avait rangé son carnet de contraventions dans la poche revolver. Son regard traîna sur le flanc de Dizzie Mae. Je ne sus pas trop s’il réfrénait le désir de flanquer des grands coups de pieds dans la portière, ou s’il mourait d’envie de plonger le nez sous le capot contempler ce qui s’y cachait. Dans les deux cas, c’était de son âge.

Mon complet était subitement devenu trop chaud. Je mis le climatiseur en marche et passai au journal. Je roulai sans hâte et laissai Dizzie sur place, là où elle ne risquait rien, et mes finances non plus. Anita me sourit avec gentillesse. Elle pétait la forme. Elle avait encore oublié de mettre un soutien-gorge, mais elle n’en avait pas réellement besoin. J’envisageai au passage diverses combinaisons érotiques, toutes aussi agréables les unes que les autres, lui rendis son sourire et montai voir Tellier.

Il y avait quelqu’un dans son bureau. Quelqu’un que je n’eus aucun mal à reconnaître. Il avait pris un peu de brioche et ses traits commençaient à s’empâter — il avait cinq ans de plus et moi aussi — il me fixa d’un œil très bleu, sans ciller, j’examinai sa moustache poivre et sel. Nous descendîmes tous les trois à l’annexe. Je pris un express, Tellier une mousse et Mon Copain le Poulet un jus de pomme. Tellier nous lâcha presque aussitôt. J’allumai une Camel. Mon Copain m’en taxa une d’office. Il avait cessé de fumer ses cigarettes, pas celles des autres.

Je lui lançai une pochette d’allumettes qu’il intercepta de la gauche, presque sans bouger, le visage immobile. Je connaissais le plan : j’avais joué le même rôle un bon millier de fois, au bas mot. Il laissa de petites volutes de fumée lui sortir de la bouche, sans parvenir à adopter une expression vraiment inquiétante.

Il empocha les allumettes et me confia :

— Sonia te cherche, Jacques.

— Fichtre ! Quelle nouvelle, mon bon !

— Ta gueule. Si elle te trouve, vire-la.

— Diantre ! Tu n’y vas pas de main morte. C’est un ordre ?

— Un conseil…

— Un conseil ?

— Amical. Un conseil amical.

Je poussai un cendrier devant lui. Il avait les épaules levées et ses yeux étaient censés me passer aux rayons X. Je soutins son regard, jusqu’au moment où je me rappelai que c’était pas la meilleure façon de faire avancer le schmilblick. En outre, Mon Copain était inquiet. Ça se voyait à la façon qu’il avait de peloter son verre. Je m’accoudai à la table.

— Tu as fait trois cents bornes pour me donner un conseil amical…

— Trois cent douze kilomètres, oui. Tu es un grand garçon. Tu connais le topo. Les flics ne sont pas tous des flèches, mais ils font leur boulot, du mieux qu’ils peuvent. Plutôt bien, en tenant compte du contexte.

C’était une longue tirade, pour lui. Mais Mon Copain le Poulet n’allait pas tarder à me flanquer la migraine. D’un autre côté, à l’audience, il avait été correct. Très correct même. Grâce à son témoignage précis et circonstancié, on m’avait permis de bénéficier d’une présomption de légitime défense. Si on tient compte du fait qu’au moment où Marisi se faisait poivrer, le Commissaire Sauvage se trouvait à dix kilomètres du lieu de l’infraction, c’était plus que de la correction.

— Je l’ai vue ce matin, dis-je aussi doucement que possible.

Mon Copain encaissa très mal. Il battit des paupières. Il soupira :

— Merde ! Comment elle a fait ?

— Train et taxi…

— Des nèfles. Qu’est-ce qu’elle voulait ?

— Un retour de flamme.

J’avais tort de me foutre de lui. Sauvage était intellectuellement limité, mais son instinct le rendait redoutable. Il avait l’Usine derrière lui et j’en connaissais l’efficacité. Pas du tout négligeable. Je lui relatai en quelques mots mon entrevue. Je lui parlai du dossier que Sonia m’avait remis. Il écrasa sa cigarette à mi-course.

— On peut voir ? me demanda-t-il.

— Si tu as le temps…

— J’ai tout mon temps.

Il paya les consommations, et nous marchâmes en silence jusqu’à Dizzie Mae, Sauvage les bras ballants, abîmé dans ses réflexions, et moi de moins en moins enthousiaste. Je me requinquai un peu en pensant qu’Anita accepterait un jour de monter avec moi au premier, dans la belle chambre dont les fenêtres donnaient au sud, un jour. D’accord, j’aurais pu être son père, mais il y en avait qui aimaient.

Sauvage se laissa tomber dans le siège, rabattit le pare-soleil, tira le cendrier. Il s’occupa les doigts. Il jeta un coup d’œil sur la banquette arrière, où se trouvaient mon imperméable froissé et les revues que j’avais balancées en échappant à Josh Randall. Puis il se carra dans le dossier et me tapa une cigarette. Je ne conduisis pas très vite. On n’apercevait plus le moindre nuage et le vent était tombé. Je traversai la ville et pris le chemin de mon antre.

La grille et l’allée le laissèrent indifférent. De même les grands arbres du parc. Je rangeai Dizzie Mae devant la maison. Sauvage se déplia et l’examina. Elle avait fière allure. Il fit quelques pas au hasard, mais ne s’aventura pas très loin, pas plus loin que les graviers et le bord de la terrasse. Il regarda vers l’est, là où la colline dévalait jusqu’à l’étang. On apercevait l’ancienne citerne et l’éolienne rouillée.

— Pas mal, dit-il au bout d’un moment.

Je savais à quoi il pensait. Le baraquement ne cadrait pas avec le revenu imposable d’un ex-flic, devenu par la force des choses journaliste dans un quotidien de presse locale. Elle était trop grande et trop cossue. Dans le soleil, elle prenait des poses guillerettes d’hôtel particulier. Elle le faisait avec beaucoup de naturel, tellement que c’en était gênant. Sauvage retira sa veste. S’il portait une arme, elle n’était pas apparente. Il entra sur mes talons.

Je lui passai l’enveloppe et il en parcourut rapidement le contenu. Il resta debout dans la cuisine, refusa le verre que je lui proposais. Il paraissait ennuyé. Il figurait sur quelques photos de presse, et moi aussi. Quoi de plus naturel ? Nous faisions partie des huiles. Chess aussi. Il se passa trois doigts sur le front, m’examina de loin, mais son esprit était ailleurs. Je bus une tasse de café froid. Je me demandai ce que Sonia avait fait pendant tout ce temps, si elle avait quelqu’un. J’aurais pu poser la question à Sauvage, mais je ne le fis pas. Tout ce que j’ignorais, je n’étais pas tenu de le savoir. J’étais sur la touche. À force de vivre seul, inquiet, j’étais devenu prudent comme une vieille chatte de gouttière.

Il passa sa veste, plia l’enveloppe et la mit dans une poche. Il n’aurait aucun mal à trouver d’où venait la fuite. Qui, c’était une autre paire de manches, mais peut-être finirait-il par y arriver. Je branchai mon répondeur, pris mes appareils et une plaquette de comprimés. En faisant vite, je pourrais déjeuner à la Cafétéria du Centre Commercial avec le coup de feu. J’avais un rendez-vous à quinze heures, avec la responsable d’une organisation d’aide au quart monde, et un autre vers dix-huit heures avec l’amicale bouliste de la Pépinière. Rien de très exaltant, mais ça passait le temps, ça occupait les jours, il ne restait plus de difficile à passer que les petites heures blêmes et les matins livides.

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