Frédéric Dard - Fais-moi des choses

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Fais-moi des choses: краткое содержание, описание и аннотация

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Allons, sois gentille, fais-moi des choses.
Des choses de la vie. Des choses du vit.
Des choses du vice.
Des choses qui te font perdre l'usage de la parole.
Des choses avec les doigts. Des choses avec le reste.
Des choses à la Camille-cinq-sens.
Oublie un instant ton existence merdique.
Entre avec Bérurier dans la ronde.
Dépose ta pudeur et ton slip au vestiaire. Et pénètre dans ce livre.
Tu n'y auras pas froid : il est climatisé.
Allez, viens ! Viens ! Viens !
Viens et, je t'en supplie, fais-moi des choses.
Je t'en ferai aussi, salope !

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Il ramène une photographie qu’il me présente à l’envers. Un sourire farceur transforme sa bouche en sexe de jument poulinière. Je retourne l’image et me trouve nez à nez avec… moi-même.

Non, je ne charrie pas, c’est tout ce qu’il y a d’authentique, de véridique, d’absolument vrai.

Moi ! Parole. Exactement moi.

Mais moi coiffé autrement que je ne suis, et portant des fringues que je n’ai jamais eues. Moi avec un autre regard que le mien. Un regard plus sombre et plus flou, moins direct, moins franco ! Toute ma vie j’ai essayé de mettre mes yeux à l’unisson de mon âme. Beaucoup trop de gens se servent au contraire des leurs pour tricher ; ils se dissimulent derrière leur regard au lieu d’en faire leur lumière extérieure.

— Ce n’est pas moi ! balbutié-je sottement.

Martin Fisher secoua sa tête et ses bafles claquent contre son crâne pelé.

— Bien sûr que non. D’ailleurs ce type pourrait sans doute être votre père car il est mort il y a seize ans.

— Qui est-ce ?

— Un Italo-américain, un certain Jimmy Fratelli, né à Palerme, mort à New York. Sa fin n’a pas été un cadeau. Il a traversé Central Park, à deux heures du matin, les deux mains crispées sur son ventre ouvert et quand on l’a trouvé, au petit jour, à peu près toutes ses entrailles se trouvaient à l’intérieur de son pantalon.

— Ça n’est pas une mort de tout repos, conviens-je sans parvenir à détacher mes yeux de mon sosie.

Ce qu’on m’apprend de cet homme m’impressionne désagréablement. Il me semble que c’est un peu de moi qu’il est question.

— Y a des mecs qui ne sont pas bordés de nouilles, malgré leurs origines, conclut Fisher, et pourtant ce Fratelli avait tout pour voir la vie en rose : du pognon à volonté et comme maîtresse l’une des plus belles femmes des Etats-Unis.

— Hélas, il avait aussi des ennemis, je suppose ?

— Faut croire.

Je rends le cliché à Martin Fisher, mais il secoue la tête.

— Non, non, gardez, ça amusera vos copains. Une ressemblance pareille, ça ne rencontre pas tous les jours.

— Merci du souvenir, mon cher, maintenant dites-moi un peu ce que vous escomptez de moi ?

— Un miracle, répond Martin.

— Ah oui ? De quel genre ?

Il rallume son cigare qui se met à puer la caserne.

— Du genre Lazare, mon vieux.

V

L’ACCEPTATION

Il est arrivé en droite ligne du paléolithique, Martin Fisher, mahousse à ce point, avec ses grands bras d’arracheur d’arbres, sa trompe d’animal préhistorique, et ses immenses yeux à facettes, aussi gros sans doute que la loupiote tournante aménagée sur sa carriole.

— Ce que nous avons à vous proposer est absolument dingue, assure-t-il, mais d’après ce qu’on sait de vous, la fantaisie est votre hobbie, non ?

— Vous dites « nous » avons à vous proposer, Martin, qui sont les autres ?

— Des copains à moi. C’est sans intérêt pour vous. En tout cas rassurez-vous, l’affaire est bizarre, mais honnête. J’aime bien le pognon, mais vous n’entendrez jamais dire que le gros Fisher s’est compromis dans des trucs malsains. J’appartiens à cette catégorie d’individus pour lesquels la prudence tient lieu d’honnêteté, si vous voyez ce que je veux dire ?

Il commence à me plaire carrément, ce pégreleux. Sa désinvolture, son intelligence matoise m’amusent.

— En ce cas, allez-y, vieux, je vous tends mes deux oreilles.

Il tute quelques petites gorgées de prédicateur soucieux de mouiller la meule avant que d’attaquer sa péroraison. Clappe de la langue. Et sa langue, grand Dieu, tu la verrais, jamais plus tu ne consommerais de langue de bœuf de toute ta garcerie de vie. Elle ferait dégueuler un crocodile affamé.

Il la promène sur ses lèvres en museau de vache pour récupérer des gouttelettes de breuvage.

— Votre sosie, San-Antonio, travaillait dans l’exportation du matériel de l’armée non utilisé.

— Ce que nous appelions, après la Libé, les « surplus américains » ?

— Exact. Il gagnait des tas de fric avec ce filon, cet enviandé de Rital. Il aurait dû s’estimer heureux et profiter de la vie. Surtout qu’il était beau gosse dans son genre.

— Pas de pléonasme, ricané-je, puisque vous reconnaissez qu’il était mon sosie.

— Ne vous balancez pas des coups de pied pareils dans les chevilles, vieux, sinon vous ne pourrez plus marcher.

On se marre. Deux potes, je te dis. On fait la belle équipe, nous deux ; le tandem suprême, comme l’éléphant et son cornac.

— D’après le début de votre phrase, ce ravissant jeune homme s’est laissé aller dans du louche ?

— Et comment ! Il travaillait pour le compte d’une nation étrangère. Vous devinez laquelle ?

— Avec une imagination comme la mienne, Martin, je peux tout imaginer, y compris ce qui n’existe pas.

— En fait, ce sacré macar dirigeait le réseau de la Côte Est. Il a fait un fameux dégât et le pentagone ne le porte pas dans son cœur. Le plus surprenant, c’est qu’on vient de découvrir seulement maintenant, plus de quinze ans après sa mort, ses véritables activités. A la suite de la désertion d’un haut personnage soviétique. Un Popof que le démon de la cinquantaine travaillait et qui s’est entiché d’une poulette de Boston au point de demander le droit d’asile et d’abandonner sa mégère moscovite et ses descendants. Ce qu’a raconté ce zigoto remplirait l’annuaire des téléphones de New York, mon vieux. Quand un type comme ça se met à en croquer, faut lui foutre un édredon sur la gueule pour arriver à le faire taire.

— Et il a révélé les anciens agissements de votre Fratelli ?

— Preuves à l’appui. Un vrai cinoche.

— Comment êtes-vous au courant de cela, ça n’est pas de votre ressort, à vous, chef de la police d’une ville de Pennsylvanie ?

— Imaginez-vous qu’il s’était planqué à Noblood-City avec sa Bostonienne. Et je suis la première autorité à qui il s’est adressé pour annoncer qu’il choisissait la liberté. En preuve d’allégeance, il s’est mis à jacter. Et il m’en a déballé tant et tant que le gars qui a tapé le rapport est obligé de se faire masser le poignet par un kinési pour retrouver l’usage de sa main.

— Vous êtes certain qu’il ne vous a pas bidonné ? C’est un truc fréquemment employé par des gars chargés de s’implanter dans un pays. D’abord inspirer confiance en jetant du lest à tout va : et ensuite tisser leur toile.

Ma remarque désoblige Fisher. Il supporte mal la contradiction.

— Ecoutez, San-Antonio, cet aspect de la question ne fait pas partie de vos oignons. Nous avons des types hautement qualifiés dans ce pays pour décider si le noir est bien noir, et le blanc véritablement blanc.

— O.K., moustique. Poursuivez !

Il enfonce son auriculaire dans sa grande bouche et se met à piocher entre des molaires qui, une fois extirpées, fourniront des presse-papiers fort pratiques. En ramène une chose effrayante qu’il chiquenaude à travers la pièce. Le relief de saucisse s’accroche à un rideau blanc et l’on ne voit désormais plus que lui dans l’appartement. M’est avis que le pourtant célèbre Alexandre-Benoît Bérurier a trouvé son maître au plan dégoûtation.

— Tout ce préambule pour vous amener au résumé suivant, San-Antonio, reprend le pachyderme avec agacement.

Soudain, je le devine pressé d’en finir. Il se dit qu’il ne va pas ergoter cent dix ans avec un enculé d’Européen à la gomme. Droit au but. Et fissa. Le chemin le plus courbe d’un point à un autre, c’est la ligne droite, comme l’assure Béru.

— Sachez une chose, vieux. Et me cassez pas les roupettes avec vos « comment » ou autre « oui, mais ». Sachez que le jour de sa mort, vous m’entendez bien ? Le jour de sa mort, Fratelli a reçu deux millions de dollars des Soviets à répartir dans son réseau. Or, ces fonds n’ont jamais été distribués. En outre, on ne les lui a pas volés. Commencez pas à me demander comment nous savons qu’on ne les lui a pas volés, NOUS LE SAVONS, point à la ligne. Conclusion, il les a foutus dans une planque à lui. Une planque sûre. Et je vous parie votre culotte contre la mienne qu’ils y sont encore !

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