Son attention est totalement accaparée par Alexandre-Benoît dont l’accoutrement le trouble fortement. Sa perplexité est si intense qu’il m’en fait part.
— De quoi s’agit-il ? demande ce personnage sérieux.
— D’un collègue qui m’est indispensable, réponds-je avec cette brièveté empreinte de gravité qui ajoute tant à mon autorité.
Il opine, juste pour dire, et conserve son effarement. Puis il fait signe à un mignon d’Henri III habillé en Boer d’opérette.
— Mon principal collaborateur : Otto Rhinaüs.
L’interpellé me tend une menotte molle comme les testicules du duc d’Edimbourg ; je la presse sans joie excessive.
— Selon votre requête, j’ai prié Otto de constituer un dossier sur le dénommé Toutanski, reprend-il. Je crois qu’il est des plus creux, n’est-ce pas, mon cher ?
Son « cher » se caresse le sexe à travers l’étoffe de son short et se met à opiner. Puis il prend sur son burlingue un dossier enfermé dans une chemise de plastique brun.
— En effet, confirme-t-il avec une voix fluette de goûteur de bites. Cet homme est entré dans notre pays avec un visa de tourisme, il y a séjourné dix-huit mois, après avoir sollicité à deux reprises une prorogation qui lui fut accordée.
— Dix-huit mois ! m’exclamé-je-t-il dans le meilleur anglais que je puisse fournir.
— Moins sept jours ! confirme la Boere.
Je chope le dossier. On ne peut prétendre qu’il soit copieux vu qu’il se résume à une page dactylographiée. Cet unique feuillet indique la date d’entrée du Polak, sa date de sortie, plus les lieux où il a séjourné, à savoir : la mine de Crakburn Windhoek, la capitale (au Spring Hotel ), et enfin Keelmanshop dans le sud du pays, chez une certaine dame Margaret Ferguson.
Ce peu de tuyaux me remplit cependant de contentement car, entre nous et la porte des chiottes, je t’avoue que je n’en espérais pas autant !
J’exprime ma satisfaction aux deux fonctionnaires. Le pédoque se fourbit plus fougueusement le gland, tant est vive l’émotion que lui procurent mes compliments. Il me couve d’un regard langoureux, pointe sa menteuse entre ses lèvres roses, comme pour une promesse, et ses prunelles de biche me laissent pressentir des délices à m’en arracher le casque de Néron.
— Je suppose, émet alors Julius Schaub, que vous allez procéder à une enquête dans le pays. Étant donné que vous ne le connaissez pas et ne pratiquez point les langues africaines, je vais vous adjoindre l’une de mes collaboratrices, Fräulein Gretta Dübitsch.
— Ce n’est pas la peine ! me récrié-je énergiquement, peu soucieux de nous voir coller une Teutonne aux noix.
Mais le dirluche des services de Sûreté tient à nous faire ce cadeau empoisonné, voulant, j’imagine, être informé de nos déplacements dans son patelin.
Arrive, à sa demande, la Fräulein qu’il nous a causé ! Dès lors, je rengaine mes protestances. Quand tu tombes sur une fille de ce calibre, ta boussole perd le nord, et son aiguille tourne tellement vite qu’elle pourrait servir de ventilateur pour peu que tu retires le verre protecteur !
On incrédulise, mes potes et ma pomme ! Charogne, d’où qu’elle sort, celle-là ! Tu parles d’un échantillon de propagande, Fernande !
Moi, les glandes mammaires m’ont toujours fasciné quand elles ont du maintien et ne font point trop vache laitière. Le mec s’y retrouve mieux. Les souris qui roulent à plat du bustier me peinent. J’ai envie de leur souffler dans l’embout pour donner consistance à leurs loloches. La gonzesse qui vient d’arriver est équipée de première. Elle pourra jamais faire la planche, mais la balise, si ! Mon pote Bombard aurait pris un sujet commak sur son radeau, j’eusse été plus tranquille pour lui, si sympa.
Tiens, du temps que je cause de toi, je plaque une bise dans tes broussailles, Alain. Heureusement qu’il existe des cinglés de ton espèce ou de celle d’Aboville pour démisérer les glandus tourbesques qui nous la font si grise et moisissante ! J’aime bien que des excentriques du bulbe accomplissent les exploits qui me sont impossibles. Lorsqu’un louftingue franchit la baie de San Francisco en marchant sur les haubans du pont, j’érectionne de partout. Je le trouve con, mais son courage m’éblouit.
Je me hâte d’en revenir à Gretta Dübitsch, coupeuse de souffles masculins ! Ça, oui, c’est de la gerce ! Quand tu la mates, tu réalises que l’humanité est loin d’être obsolète, qu’elle a encore des beaux jours à vivre… This personne est d’une blondeur tirant sur le vénitien, une peau ambrée, un regard presque mauve, de longues jambes dont je voudrais me faire un cache-nez. Je te garde sa bouche pour la fin : des lèvres aussi affriolantes, je gage, que celles de sa chaglatte. Quand elle te confectionne un collier à chibre, tu dois partir en béchamel dès le troisième aller-retour !
On en reste dans les éblouissements contondants, mes potes et moi. Trouver une telle donzelle au fond des Afriques, ça perturbe !
— Hello ! qu’elle nous cantonade avec un sourire en nacre naturelle.
On bredouille de l’inaudible. Déjà, y a plus de place dans l’aumônière de nos kangourous. Faudrait qu’on s’échancre le bénoche, comme jadis M. Anatole découpait le col des clients au père Guillotin avant de leur sectionner la tige.
Et la voilà qui se nomme Gretta, dis ! Comme dans les books d’aventure. « La cavalière Elsa », Anita, Barbara, Alexandra. Des noms pareils te profanent le calbute, biscotte ils t’amènent des sécrétions inopinées. J’ai eu un pote qui larguait sa came aussitôt qu’une frangine un peu salace lui souriait. Le soir, lorsqu’il posait son Éminence, ça produisait un bruit identique à celui d’un cageot qu’on défonce. À force d’être amidonné, son slip devenait une armure. On peut pas croire combien il est surprenant, l’homme ; inattendu malgré sa sottise. Capable de tout et, principalement, du reste.
La Gretta murmure en désignant le dossier d’un feuillet :
— J’ai pris connaissance de ces maigres notes : pas grand-chose à vous mettre sous la dent, n’est-il pas ?
Elle parle le français, la divine, sur construction britannouille certes, mais île-nain-porte.
J’aimerais bouffer son accent dans sa bouche. Lui vote un sourire émaillediamanté qui réveillerait une chauve-souris dans son sommeil.
— Je suppose, murmure-t-elle, que vous allez commencer par rencontrer cette Margaret Ferguson chez qui votre homme a séjourné plusieurs mois ?
— Exactement !
— Prévoyant votre réaction, j’ai fait préparer un avion du gouvernement pour vous conduire à Keelmanshop.
— C’est très aimable à vous, assuré-je-t-il.
Tout en me disant que si cette péteuse fringante espère nous dicter notre conduite, elle ne tardera pas à tomber sur un os de mammouth.
Nous nous envolâmes le lendemain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la savane, à bord d’un Riboustin 14 de l’armée namibienne. Cet appareil fait pour survoler les brousses a une capacité de vingt-cinq places. Propulsé par deux moteurs Broncoli, sa vitesse de pointe est de six cents kilomètres-ciel et son rayon d’action de six mille kilomètres trois cent quarante-deux (hors tout, service compris).
J’étais assis au côté de Gretta, au premier rang ; mes deux collaborateurs se tenaient loin derrière. Béru avait choisi la dernière rangée car elle se composait de trois fauteuils contigus, si bien qu’en soulevant les accoudoirs, il s’était confectionné une couchette sur laquelle il s’octroyait un complément de sommeil.
Ma voisine portait un short de couleur sable qui se mariait parfaitement avec son bronzage, ainsi qu’une chemise de brousse garnie de poches à soufflets. Elle avait aux pieds des mocassins de cuir extra-souple qui donnaient la nostalgie de l’Italie. Son grand sac gibecière gisait ouvert sur le sol. Elle y puisait sans vergogne (ayant oublié sa vergogne sur la commode de sa chambre) des cigarettes à l’odeur de miel brûlé qui m’eussent flanqué la gerbe si je n’avais été à ce point fasciné par ses cuisses, sa gorge et sa divine blondeur.
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