Frédéric Dard - La fin des haricots

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La fin des haricots: краткое содержание, описание и аннотация

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A peine ai-je franchi le seuil que je m'arrête, pétrifié par la surprise. La môme Danièle git au bas de l'escalier, la tête sur le carrelage du vestibule. Elle a la coquille fêlée et une mare de sang achève de se figer.
Je m'agenouille auprès de la pauvrette et je glisse la main entre ses roberts. Partie sans laisser d'adresse.

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— Messieds-toi sur ta banquette et ferme-la, eh, suppositoire !

Il éclate, un rien beurré.

— Non, mais, môssieur a passé douze ans de ce que j’ose même pas appeler sa vie à palper des enveloppes de ces dames du parterre, et il voudrait vous faire la leçon !

Son ton monte, comme dit mon tonton.

— Sache z’une chose, fesse de rat malade, des leçons de politesse j’en donne ; j’en reçois pas !

— Halme-toi, aspire Pinaud.

— Non, dit Béru qui a peur de se calmer, car ses colères ne durent pas ; non, je ne me calmerai pas. Ah ! misère, faut le croire pour le voir ! Un miteux de la mondaine ; drogué à faire dégobiller un médecin légiste ! Une patate qui flingue le premier tordu qu’il voit courir au point qu’on n’oserait pas l’emmener sur un stade, de peur qu’y fasse un malheur ! Et c’est ça, c’est ce mort qui n’en sait rien qui veut vous apprendre à causer !

— Permettez, bégaie Pâquerette, décomposé par la fureur.

— Je permets qu’une chose, termine Béru, c’est que tu paies un autre verre !

— Je n’en supporterai pas davantage, décrète l’inspecteur en se levant.

— Voilà môssieur qui joue les chochottes, exulte le Mahousse. Mais, ma pauv’ dame, faut vous faire voter un emploi de gardienne de ouatères si que vous avez le cœur trop fragile !

Je retiens Pâquerette par une aile.

— Asseyez-vous, mon vieux. Et toi, Béru, mets-y une sourdine. On dirait que tu fais une vente aux enchères.

— Je vais demander mon changement, assure Pâquerette. Il est des promiscuités insupportables. C’est déchoir que de…

Béru va pour l’apostropher de plus belle, mais je lui lance sous la table un coup de latte qui briserait l’Obélisque.

On laisse le gobeur de pilules se vider de sa bile. Pas besoin de lui filer de drain, ça part tout seul. Après quoi nous sommes en mesure, comme dit mon tailor, d’aborder les choses sérieuses.

— Les gars, ça va être l’hallali !

Naturlich, Béru, sollicité par ce mot musical, se croit obligé d’entonner une tyrolienne.

Pour le faire taire on lui commande une tournée de mieux, et je peux poursuivre.

— Pâquerette, vous qui êtes un technicien de la prostitution…

— Laisse-moi rire, fait Bibendum. Tel que je vois môssieur il a jamais grimpé une jument. Lui faudrait une échelle et des crampons !

— Ça ne va pas recommencer ? glapit Pâquerette.

Il vide rageusement son Vittel-menthe.

Le doux Pinaud, lui, s’est endormi. Sa chique lui pend sur la poitrine comme une poire. M’est avis, les amis, que je suis drôlement loti avec une équipe pareille.

— Vous disiez, commissaire ?

— Que vous allez établir avec un type du service cartographique une carte de la prostitution parisienne.

— Bonne idée, clame Bérurier. On vendra ça aux touristes sur les Champs-Zé et on fera fortune.

— Ensuite, commissaire ?

— Lorsque nous aurons une représentation graphique du problème, nous affecterons deux voitures camouflées à une inspection continue des quartiers intéressés.

« Bien entendu ces véhicules seront des autos munies de radio. Elles communiqueront au fur et à mesure les renseignements qu’elles recueilleront à un poste d’écoute chargé de centraliser. »

— Pas mal, approuve Pâquerette en suçotant une pastille à l’eucalyptus.

Le Gros ne peut se contenir.

— Dire qu’il y a des organismes pour la protection de la jeune fille qui font faillite. Et nous autres on est là qu’on va se défoncer le baigneur pour assurer celle de la roulure !

Il promène sa monstrueuse langue écarlate sur ses lèvres pareilles à deux varices.

— Je vais vous dire une chose, les mecs : la vie est mal fichue !

— Quand on te regarde d’un peu près on en est convaincu, certifié-je.

Il n’apprécie pas et m’indique l’endroit incommode où il remise mes jugements sur lui.

Pinaud qui vient de choir de la banquette se réveille.

— On est déjà là ! bafouille-t-il en regardant autour de lui.

— Tu parles si on a fait vite, lui dis-je. Bon, maintenant, mes frères, rentrez chez vous ; prouvez à vos épouses qu’elles n’ont pas fait un mariage blanc et reprenez des forces pour demain.

— Je ne suis pas marié, Dieu merci, fait Pâquerette.

Les ayant quittés, je pense aux dominos d’Hector étalés sur la table de notre salle à manger et je frissonne. La pensée de retrouver l’abominable cousin m’insupporte tellement qu’à la minute où je vous cause je préférerais rentrer à la Trappe plutôt qu’à la maison.

Mon cadran solaire à remontoir indique dix plombes. C’est l’heure idiote des soirées.

Dix heures du soir, c’est comme trois heures de l’après-midi, l’homme qui n’a rien en cours à ces deux moments-là est bien à plaindre. L’affaire du sadique me casse les dragées. J’aime pas les dingues, ça m’incommode. J’ai idée qu’un psychiatre serait plus qualifié que moi pour mener l’enquête. De toute manière, il n’y a pas d’urgence. Le maniaque agissant à la fréquence d’un meurtre par semaine, ça nous laisse de la marge.

Je reprends ma tire et je vais au hasard des rues. Elles sont presque vides, ce qui est bigrement agréable. Si j’étais riche, je ne circulerais que la nuit.

Celle-ci, pour une noye d’hiver est particulièrement sélectionnée. Y a du clair de lune comme au Châtelet, sauf que, fort heureusement, Maria Naud ne pousse pas la romance andalouse. L’air est presque tiède, comme si la nature se gourait de date et nous filait une noye d’avril, en avant-première.

J’arrive à l’Opéra, je m’engage sur le boulevard des Câpres et je me dis brusquement subitement tout à coup soudain que je suis à quelques centimètres de la rue Godot d’André Maurois (de l’Académie française par vocation).

Mon petit cinoche intime me passe en huit millimètres le film de l’affaire Boilevent. Je revois dans un éclair (au chocolat vu qu’il fait nuit) la chambre de la concierge où nous étions tapis (nous étions les seuls tapis de l’appartement d’ailleurs), le manège de l’homme au volant de sa charrue, son emballage de la fille, la filature, le drame sur la berge…

Un je ne sais quoi qui est l’instinct poulet me pousse à revenir sur les lieux de nos exploits. J’enfile la rue (elle l’a bien mérité) et la parcours au ralenti. Retour des choses : j’aperçois la fille blonde en train d’arpenter ses quinze mètres d’asphalte. Alors je me range et je m’approche d’elle. Elle se fait suave.

— Je t’emmène, mon pigeon, qu’elle me susurre d’un ton qui donnerait le vertige à une tortue.

— Tu te goures de volaille, ma jolie, lui dis-je en m’arrêtant, je suis pas un pigeon mais un poulet.

Elle me reconnaît alors et son enthousiasme avoisine le délire.

— Mince ! Mon sauveur !

— Bravo, chérie, tu es plus physionomiste qu’un appareil photo.

— Ce que ça fait plaisir de vous revoir. C’est chouette d’être sauvée par un beau gosse. On s’est pas revus depuis ce coup fourré de la semaine passée…

Elle fait des gestes avec ses fesses pour aguicher le sauveur.

— Qu’est-ce vous devenez ? gazouille-t-elle.

— Je fais comme toi, je cherche des clients.

— Pourquoi, c’est la morte-saison chez vous ?

— Pas tellement. Et de ton côté, ça usine ?

Elle hausse les épaules, prend deux cigarettes dans son ridicule réticule, m’en tend une et soupire, en attendant que je lui donne du feu :

— Pff ! L’un dans l’autre on s’en tire.

Je la regarde téter sa cigarette et c’est alors qu’il me vient une idée. Je l’abîme en ne la qualifiant pas de géniale. Ce n’est pas UNE idée. C’est L’idée. Avec un L majuscule qui vous apostrophe.

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