Frédéric Dard - De « A » jusqu’à « Z »

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De « A » jusqu’à « Z »: краткое содержание, описание и аннотация

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Mes funérailles étaient prévues pour dix heures, mais dès neuf heures, la maison était déjà pleine de gens. Tout le monde pleurait, ce qui me touchait beaucoup. Sur les faire-part on avait précisé « ni fleurs ni couronnes », histoire de ne pas mettre les copains dans les frais, mais, nonobstant cette recommandation, la plupart des assistants s'annonçaient avec des gerbes, des couronnes, des coussins d'œillets, des croix en roses et autres joyeux présents. Oui, il faut vraiment mourir pour mesurer le degré de sa popularité. J'en étais tout ému. Mais quand j'ai vu radiner le Gros, beau comme une pissotière repeinte, dans un complet noir, avec une chemise vraiment (et très provisoirement) blanche, soutenu par Alfred le coiffeur, mon cœur m'est remonté dans le gosier.

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Un bout de temps s’écoule. Je la regarde.

Elle fait du morse avec ses cils. J’ai le temps d’achever ma cigarette. Alors elle se racle le gosier et croasse.

— Alors ?

En guise de réponse, j’allume une deuxième Camel.

Marion n’y tient plus.

— Vous allez me laisser comme ça pour combien de temps ?

Je passe à l’exercice number two : la mandale à blanc. Une baffe très sèche sur le museau. C’est simple, direct et ça produit toujours son petit effet, comme la cuillère fondante dans un banquet d’anciens combattants.

Elle pousse un cri et se frotte la joue tandis que les larmes lui viennent aux yeux [3] Expression ridicule. Où voudriez-vous qu’elles lui vinssent ? .

— Brute !

— Attention, chérie, tu t’adresses à un officier de police dans l’exercice de ses fonctions.

— Mais que me voulez-vous ?

— On va commencer par la vérité, c’est ce qui se raconte le plus vite. D’accord ?

Elle ne répond rien. Comme dans certains cas la devise de certaines gens est la même que celle du camembert : « Qui ne dit mot, qu’on sent ! » je me crois autorisé à démarrer le bavardage.

— Qui est le type de la « Marquise de Sévigné » ?

Elle hésite à me répondre. Je lève la paluchette, alors vite elle s’attable. Et vous savez ce qu’elle m’annonce ? Je ne vous le donne pas en mille, je le garde pour m’en faire une pochette-surprise.

— Mon père !

— Tu te fous de moi ?

— Je vous jure.

Le plus fort, c’est que je la crois. D’ailleurs on ne ment pas de cette façon-là, vous êtes bien d’accord ?

— Pourquoi le vois-tu en cachette ?

— Je ne le vois pas en cachette. J’avais Bijou à la maison et…

Je lui pose une colle pour me rendre compte si elle me berlure. Vous vous rappelez qu’au téléphone du tabac elle a parlé de Bijou à son interlocuteur ? Bon.

— Ton père connaît l’existence de Bijou ?

— Oui.

— Joli monsieur.

Elle baisse la tête.

— Continue.

— Que voulez-vous que je vous dise ?

— Je te l’ai déjà dit : la vérité.

Comme je sens qu’il faut la pousser un peu, je lâche, mine de rien :

— Du reste, je la connais en gros. La preuve en est que te voilà arrêtée.

Elle tique.

— Seulement c’est en détail qu’il me la faut maintenant. Si tu es régulière, je serai régulier. O.K. ! comme dit la reine d’Angleterre qui cause couramment américain.

— Je parlerai.

— Qu’est-ce qu’il fait, ton dabe ?

Elle me jette un regard surpris.

— Vous le savez ou vous ne le savez pas ?

— T’occupe pas de mes connaissances, réponds.

— Ben…, il trafique, quoi.

— Comment s’appelle-t-il ?

— Pivois. Germain Pivois…

Je fronce les sourcils car « ça me dit quelque chose ».

Elle ajoute :

— Dans le milieu, on l’appelle Pierrot-Gourmand.

Je fais claquer mes doigts.

Pierrot-Gourmand ! Naturlich que je connais l’homme, ou plutôt le mec. Il a une très chouette carrière derrière lui. Un spécialiste de l’opium. Monsieur s’est lancé de bonne heure dans l’agriculture chinoise. Le pavot n’a pas de secret pour lui.

— Le roi de la fumée ! m’exclamé-je. Je ne m’occupe pas des stups, mais je connais. Une réputation pareille, ça dépasse les frontières géographiques et celles des différents services de la Poule.

« Alors, tu travailles à l’usine de papa, chérie ?

— C’est-à-dire…

— C’est-à-dire oui ou c’est-à-dire non ?

— D’une certaine façon.

— Qui est ?

— De temps en temps, je l’aide.

— Comment ?

— Par Bijou…

— Explique.

Je crois le moment venu d’accorder une seconde tarte à mademoiselle. C’est pas qu’elle fasse du rebecca, mais il est bon de la maintenir dans le climat.

Elle efface sa beigne, essuie l’humidité qui coule sur ses joues et raconte :

— Quand Bijou va à l’étranger, je lui fais transporter de la came.

— Ils sont au point, les pétroliers, c’t’année.

— Il ne sait rien, fait-elle vivement.

— Comment ça ?

— Papa a fait fabriquer une valise identique à l’une de Bijou. Seulement elle a un double fond. Quand Bijou part à l’étranger, je place la came que me donne papa dans la valise. Et les correspondants de papa s’arrangent pour la récupérer dans les hôtels où descend Bijou.

Je lève le pouce.

— Une combine comme ça ! Je comprends pourquoi ton digne père parvient à se garer des mouches. Il fait travailler l’innocent.

Cette méthode est tellement pareille à celle dont usa la môme Duchemin pour me faire passer la fameuse machine à écrire que j’en ai le vertige.

— Écoute, ma gosse, on va tourner la page et parler d’autre chose.

« Tu connais un gars qui s’appelle Jean-Jacques Maurin ?

Elle acquiesce.

— Oui.

— Parle-moi de lui.

— Je l’ai connu il y a quelques mois au Makao. On est devenu copains, c’est tout.

— Copains comme… cochon ?

— Non, copain-copain. D’ailleurs, il était avec une amie.

— Virginie ?

Ça lui en met plein la vue.

— Oui, vous connaissez ?

— Ce que je ne sais pas, on pourrait l’écrire en caractères d’affiche sur un confetti, tu t’en rends bien compte. Parle-moi de ce charmant couple.

— Oh ! je ne peux pas vous en dire grand-chose. On a eu des relations amicales pendant quelques semaines, et puis on s’est perdu de vue.

— Ils savaient qui était ton père ?

Elle rougit.

— Oui.

— Ils ne t’ont jamais demandé de service ?

— Si.

— J’écoute. Parle vite, voilà que je reprends des fourmis dans les doigts.

Elle a un geste d’esquive, mais je retiens ma beigne.

— Un jour, Maurin m’a demandé si je pouvais faire rentrer en toute sécurité un colis d’Italie. Virginie s’y trouvait justement. J’ai dit que j’allais m’en occuper…

— Et puis ?

— Seulement en juin, car ça se passait en juin, papa se trouvait aux States et ça n’était pas facile. J’allais essayer de m’arranger avec un de ses amis lorsque Maurin m’a dit de laisser tomber, il avait trouvé une autre combine.

Je me botte moralement le Bas-Rhin. L’autre combine, je la connais ; et vous aussi, hein, mes tordus ? Pas la peine de raconter ça à tout le monde surtout ! Si jamais ça me revient aux oreilles, mon poing reviendra à votre pif, je vous le promets.

— Et là se sont bornées vos relations ?

— Oui.

On dirait qu’elle est réglo.

— Tu connais le frère de Virginie ?

— Bien sûr, il vient souvent au Makao.

Elle ajoute :

— C’est lui qui connaît papa, voilà pourquoi Maurin m’avait demandé ce service.

— Il ne t’a pas précisé de quel genre de colis il s’agissait ?

— Absolument pas. Je suis plutôt discrète, vous savez.

— Hier, je t’ai demandé si tu connaissais un type blême ayant des boutons sur la gueule. Tu m’as répondu que non. Persistes-tu à nier ?

— Bien sûr.

— Avec tous les risques que ça comporte ?

— Mais je vous jure que je ne le connais pas ! Je vous jure ! Je vous le dirais si je le connaissais.

— Pourquoi voulais-tu parler à ton père, tout à l’heure ?

— Pour lui remettre un paquet que Bijou avait ramené sans le savoir d’Allemagne.

— Ah ! parce que le trafic est bilatéral ?

— Ben…

Je décroche le tubophone.

— Mathias, viens un peu par ici, enjoins-je.

Le rouillé s’annonce. Il a une tête d’hilare. Ma résurrection a plongé toute la Grande Taule dans une euphorie qui me va droit au battant.

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