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Frédéric Dard: Mesdames, vous aimez « ça » !

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Frédéric Dard Mesdames, vous aimez « ça » !

Mesdames, vous aimez « ça » !: краткое содержание, описание и аннотация

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La vérité ? Rarement je suis passé aussi près de la grande faucheuse que dans ce book. Un tout petit peu plus, c'était : « bon suaire, m'sieurs-dames » sur l'air des lampions. Et tout ça, tu veux que je te dise ? A cause d'une gentille opticienne qui n'avait pas mis de culotte pour faire sa vitrine. Nous autres tringleurs, on est peu de chose, tu sais ! Pendant que j'y pense : n'en parle pas à maman, elle se ferait du mouron. Tu connais Félicie !…

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Mais elle note malgré tout les renseignements essentiels.

Je lui prends congé. Faut-il l’embrasser ? Chose étrange, malgré notre hole party , une réserve d’étrangers s’est glissée entre nous. L’histoire de sa frangine nous a replacés chacun dans nos marques. Un baisemain dans le creux de la menotte est un compromis valable. Je le lui fais.

* * *

Je suis venu dans le quartier du Temple pour déposer le manteau de fourrure de m’man chez M. Goldenberg [4] Ne pas confondre le Goldenberg fourreur, de Félicie, avec le Goldenberg du Comptoir des métaux précieux de la rue des Rosiers non plus qu’avec le Goldenberg du prêt-à-porter de la rue d’Aboukir. Le Goldenberg de m’man s’appelle en réalité Martin-Lognon, mais il a trouvé que ça ne faisait pas sérieux pour un fourreur. qui doit le réparer car il commence à craquer de partout (pas M. Goldenberg : le manteau), (en ce qui concerne le vieux fourreur, c’est déjà fait depuis lurette).

C’est en regagnant ma voiture que j’ai aperçu Annie dans sa vitrine. Je suis joyce parce que je viens de commander un vison à ma brave femme de maman. Un dark femelle : the top ! Longtemps que je lui annonçais cet achat, m’man, mais elle protestait comme une perdue en assurant que le sien était encore impeccable et que ce serait de l’argent gaspillé. Cette fois, je vais lui dire que Goldenberg le répute irréparable et que j’ai sauté le pas. Si elle n’en veut pas j’en ferai cadeau à Maria IV, sa nouvelle bonne qui est aussi conne que velue.

Juste que je délourde (au contacteur à distance) ma 600 SL, il me vient un désir flash. Je rappuie sur le bouton de verrouillage pour retourner à la boutique de l’opticienne.

Elle est de nouveau à pied d’œuvre dans sa vitrine, si j’ose employer cette expression, car cette fois, elle s’y tient agenouillée, sachant que, dans la précédente posture, on lui voit le raminagrobis.

Elle m’avise et court rouvrir.

— Je savais ! fait-elle.

— Quoi ?

— Qu’on allait se revoir très vite. Sitôt que vous n’avez plus été là, j’ai éprouvé un tel coup de tristesse, que vous ne pouviez pas ne pas revenir.

— J’ai une propose à vous faire, Annie de mon cour.

— Vraiment ?

— Votre Tartarin est absent pour la journée, je présume ?

— Et même une partie de la nuit car ils fêtent l’anniversaire de leur président, ce soir, à Pithiviers.

— En ce cas, je vous invite à déjeuner : il est presque midi et demi.

— Mais je ne suis pas habillée…

— Laissez-moi finir. Je dois passer l’après-midi à mon bureau pour venir à bout de paperasses que j’ai laissées s’accumuler. Ma mère m’a préparé un panier repas, et comme elle s’obstine à me prendre pour un ogre, il doit contenir de quoi sustenter quatre personnes : je vous invite. Nous en profiterons pour appeler l’ambassade de France à Bangkok. Je pousserai un coup de gueule afin de faire activer les choses.

Tu sais quoi ? Ses yeux s’emplissent de larmes.

— Vous êtes formidable…, murmure-t-elle.

— Je sais, dis-je, c’est de naissance.

Alors, tu vas voir. On se pointe à la Tour Pointue. La crèche est peu encombrée en ce dimanche de décembre. Le planton me salue d’un retentissant :

— Mes respects, monsieur le directeur ! qui en jette vachement.

— Mon Dieu, balbutie Annie, vous êtes le directeur !

— Ne vous l’avais-je pas dit ?

— Si, mais…

— Vous en doutiez car je n’ai rien d’un grand patron.

Elle chuchote en gravissant les marches de pierre (Paul, Jacques) :

— C’est-à-dire que votre comportement…

Je l’accueille. Elle est de plus en plus impressionnée par le saint du saint. La photo couleur du président Mitterrand, surtout, la fascine.

— Dommage qu’il s’en aille bientôt, note Annie : on s’y était fait ; même ceux qui ne sont pas de son bord commencent à le regretter.

— Et ce n’est pas fini, assuré-je. Il faut que les gens disparaissent pour qu’on sache qui ils étaient…

Ce mot « disparition » n’est guère opportun et je me mordrais les lèvres si je n’en avais besoin pour lui bouffer le frifri tout à l’heure.

Pendant qu’elle déballe le panier, j’ordonne au standardiste de m’appeler l’ambassade de France à Bangkok.

— Qui désirez-vous, monsieur le directeur ?

— L’ambassadeur lui-même et, s’il est absent, le type le plus hiérarchisé après lui.

Annie dresse un charmant couvert sur la table basse. Comme pressenti, Féloche n’a pas pleuré la camelote : une terrine des Landes, du gigot et du poulet froid mayonnaise, deux saint-marcellin délicatement nichés dans leur papier d’origine, une demi-tarte à la rhubarbe, des noix de notre Dauphiné natal et, pour arroser ces merveilles, une bouteille de Sainte-Croix-du-Mont 1955 de chez Brun Emil, logée dans un conteneur isotherme qui la conserve à bonne température de consommation.

Annie n’en revient pas.

— Vous possédez une maman de rêve ! assure-t-elle.

Comme si je ne le savais pas !

Là-dessus, le turlu gouzille.

— Vous avez M. l’ambassadeur en ligne, déclare le standardiste.

Une voix forte m’éclate dans les cendriers :

— Cher San-Antonio ! Ici Gaspard Dégout, vous devez vous souvenir de moi : j’étais chef de cabinet du ministre de l’Intérieur quand vous n’étiez que commissaire principal. Félicitations pour votre ascension.

— Félicitations pour la vôtre, Excellence.

Ces belles et indispensables choses étant proférées, je lui développe mon papier à propos de la frangine Rose et de son copain éditeur.

Au bout de pas beaucoup, il m’interrompt :

— Je connais l’affaire très bien, cher ami, je suis intervenu personnellement et à plusieurs reprises auprès des autorités thaïlandaises, mais sans résultat positif. Bangkok est devenue une ville en comparaison de laquelle le Chicago de la période Capone ressemblerait à un couvent de bénédictins. Malgré la répression policière et la dureté des châtiments, le crime pullule. Les palaces constituent des viviers à victimes autour desquels se presse la pire faune de l’Asie. C’est plein de faux policiers, de taxis en cheville avec le Milieu qui vous kidnappent les gens le plus aisément du monde et les emmènent se faire détrousser dans des coupe-gorge.

— Quel espoir peut-on encore nourrir, monsieur l’ambassadeur ?

— Espoir ? Après deux mois de silence du couple ? Mais aucun, mon pauvre ami ; pas le moindre.

— On aurait retrouvé leurs corps, non ?

— Pensez-vous ! Il est des pays au riche passé artistique où l’on met à jour des vestiges sitôt qu’on en gratte le sol. Ici, ce sont des cadavres que la terre recèle, que dis-je : des charniers ! Il y a davantage de débris humains que de poissons dans le Ménam et les canaux.

Là seulement je réalise que le diffuseur de mon biniou est branché et que la pauvre Annie n’a rien perdu de notre charmante conversation. La voilà écroulée dans un fauteuil, devant la terrine des Landes, pleurant à chaudes larmes, voire à chaude-pisse, sa poitrine secouée de sanglots.

— Ecoutez, Excellence, malgré la noirceur du tableau que vous venez de brosser, je ne perds pas confiance.

— En ce cas c’est que vous avez l’optimisme chevillé au corps.

— C’est ma qualité dominante, admets-je.

Je lui blablate le tympan et lui arrache la promesse qu’il va encore poursuivre des démarches, attiser le zèle des perdreaux bridés en leur disant que le couple disparu jouit en France d’appuis « au sommet » ; mais je perçois bien que son siège est fait, comme l’on disait d’un ébéniste trop célèbre pour que je me donne la peine de retenir son nom. Je l’entends qui se tapote le menton avec les deux doigts qu’il glisse habituellement dans la moniche de sa masseuse thaïlandaise pour la mettre en train.

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