Frédéric Dard - Bérurier au sérail

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Bérurier au sérail: краткое содержание, описание и аннотация

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Figurez-vous qu'Alcide Sulfurik, plus connu dans les milieux de l'espionnage sous le matricule S 04 H2, a été kidnappé au retour d'une importante mission en Chine populaire par un commando de rebelles arabes dans l'aride pays de Kelsaltan !
Connaissez-vous le Kelsaltan ?
Il est situé très exactement à l'angle du golfe Persique et de l'avenue Raymond-Poincaré… C'est vous dire… Pour l'atteindre, il faut, à dos de chameau, traverser le grand Rasibus ou désert de la soif.
Et, par ironie, il a fallu que pour accompagner votre valeureux SAN-ANTONIO dans cette mission périlleuse on fasse appel à Pinaud et surtout à BÉRURIER ! Je ne vous en dis pas plus… Joignez-vous à notre étrange caravane et venez visiter le sérail du cheikh BÉRURIER (qui est d'ailleurs un cheikh avec provision).

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— Tu voyais donc pas mes signaux ! je halète.

— C’est cet enviandé qui a obligé le pilote à décoller, tonne Béru en nous montrant Sirk, groggy dans l’allée. Toi, comme un c… tu lui remets une mitraillette, tu parles s’il avait le beau rôle. Il a dit que c’était bien fait pour toi qu’on te laisse. Que c’est à cause de tézigue s’il est déguisé en eunuque pour la vie, etc. J’ai fait semblant de me soumettre et, une fois en vol, comme le pilote amorçait un virage, je lui ai sauté dessus.

— O.K., Gros.

Il a une crispation, un spasme à travers la bouillie rouge qui lui dévale la frite.

— Mais… Mais… Et Pinaud ?

Alors je lui raconte tout. Et, que voulez-vous, Béru ne dit plus un mot mais il se met à chialer.

Un peu avant Aden, Sirk reprend ses esprits. Il se frotte le crâne… Il regarde autour de lui…

Sa stupeur en découvrant mon beau sourire Colgate !

— Tu vois, Sirk, je lui fais. Tenace comme un morpion, ton cher commissaire…

Le coucou vole assez bas. Je vois son ombre se gondoler au gré des dunes. Une pensée me préoccupe : l’émir.

Il est là, le demi-moustachu, sombre comme un mélodrame, l’œil vide.

Béru me le désigne.

— Qu’est-ce qu’on fait de ce gros vilain pas beau ?

Je me penche pour mater par le hublot. Nous survolons la pointe du désert de la Soif.

À l’endroit où ce dernier confine au Gnoki Lustukru.

Je m’approche du pilote.

— Vous pouvez faire escale dans ce patelin ?

— Escale ? demande-t-il.

— Oui : c’est une espèce de station pipi, quoi !

Il hoche la tête.

— Si vous voulez, au point où nous en sommes, une acrobatie de plus ou de moins…

Et l’avion se pose en mollesse.

Je me tourne alors vers Béru.

— Dis donc, Gros, tu veux bien ouvrir la lourde à M. Obolan, c’est là qu’il descend.

Ça crée une surprise à bord. Lola émet un cri de souris violée, Béru lâche un « couac » et l’émir porte une main défensive à sa poitrine.

— Vous n’y pensez pas, fait-il.

— Je ne pense qu’à ça, au contraire. Descendez !

Je le braque…

— Sinon c’est un mort que nous descendrons.

Il est blême, flageolant.

— Vous n’êtes, d’après mon estimation, qu’à une centaine de kilomètres de la mer. Vous n’aurez qu’à suivre plein ouest. En trois jours, vous devez l’atteindre. Évidemment ce seront trois jours sans boire, mais vous avez des réserves. Et puis vous avez besoin de maigrir, allez, oust !

La rage au cœur, il descend. D’ailleurs Béru l’aide d’un démocratique coup de pompe dans les noix.

Un qui a l’air content, c’est Gérard.

Un qui n’a pas l’air content, c’est Sirk.

— Vous n’allez pas le laisser en vie, sacré salaud de flic ! trépigne-t-il.

— Je fais mon devoir, Sirk.

Il se lève, me met la main sur le poignet.

— Dites donc, commissaire, votre fameuse promesse de me larguer dans un bled étranger une fois la mission terminée, elle est toujours valable ?

— Toujours, Sirk. Toujours, je n’ai qu’une parole, malgré ta petite incorrection de tout à l’heure.

— Alors, décide-t-il, débarquez-moi aussi.

Nous nous récrions.

— Mais tu es fou, lui dis-je. Avec ce que tu viens de subir, tu ne ferais pas dix kilomètres.

— Je m’en fous, je veux descendre. Avec ce que j’ai subi, je n’ai plus envie de faire un seul pas vers la civilisation, commissaire. Je vais vous apprendre une chose, le moment est venu. Mon père était un notable d’Aigou. Un jour, le père de l’émir actuel a voulu lui acheter son oliveraie. Mon père a refusé. Alors l’émir l’a fait attacher par les pieds à un dromadaire et on a fouetté la bête jusqu’à ce que mon père ne soit plus qu’un squelette tout blanc ; vous pigez pourquoi je ne tenais pas à revenir ? J’ai dû fuir avec ma mère et mon frère… Voilà maintenant que le fils de ce tyran me fait arracher ma dignité de mec. Non ! Faut que je descende. Y a plus que ça qu’on puisse pour moi. Plus que ça…

J’adresse un signe à Béru.

— Laisse-le descendre, Gros.

Sans un mot, Béru ouvre la porte. Puis il dit, en la refermant :

— Tchao, mec, et que le meilleur gagne !

EPILOGUE

Nous passons huit jours à Aden, dans la douillette demeure de notre correspondant. Il faut colmater les brèches. Béru, qui a un début d’infection à sa main cloutée, subit un traitement sévère à l’hôpital Glotemuch, de même que ce pauvre Alcide.

J’ai câblé un rapport circonstancié au Vioque pour lui faire part de cette victoire sensationnelle. Victoire endeuillée hélas par l’absence de Pinaud.

La môme Lola est ravie de revoir Paris.

En attendant, elle me prend pour Pâris.

On se paie un croissant de lune de miel, et puis, un matin, on grimpe dans le Boeing qui va nous recracher à Orly.

En fin de journée, un peu éclopés, nous débarquons à la Grande Cabane.

Nous sommes d’une tristesse affreuse, le Gros et moi. Depuis que nous faisons équipe, c’est la première fois que nous rentrons incomplets. En passant le porche austère, des larmes nous viennent aux yeux et nous grimpons directo dans le bureau du Vioque.

Il se précipite sur nous.

— Ah ! mes amis ! Mes amis, fait-il, quel triomphe ! Le ministre veut vous serrer la main. Votre plus belle victoire !

— Patron, je coasse, nous n’avons pas le cœur à ça.

— Et pourquoi ? demande une voix ?

Je regarde dans un angle de la pièce. Assis dans un fauteuil, un cigare entre les doigts, Pinaud, dit Pinuchet, dit Lapinuche, dit Pinaud-occulte est là, goguenard et souriant, qui nous regarde.

Le Gros se met à baver sur sa cravate et moi à ouvrir des yeux pour lunettes postiches.

— Non ! C’est pas possible, je balbutie… C’est un rêve !

La Vieillasse secoue sa tête chenue pour refouler cette sotte hypothèse.

— C’est tout de même moi qui suis arrivé le premier à Paris, fait-il fièrement. Et j’ai déjà raconté toutes nos tribulations à M. le Directeur, ce qui t’évitera d’écrire un rapport.

— Mais comment t’en es-tu sorti ?

Il ouvre grand sa veste.

— Avec les honneurs, fait-il noblement.

En effet, je découvre, barrant sa chemise, un large cordon de soie verte sur lequel sont brodés des palmiers, des dromadaires et des cucurbitacées.

— Quand vous avez eu le dos tourné, dit-il, je me suis mis à haranguer les soldats du palais. L’un d’eux parlait marocain, comme moi. Il traduisait… La troupe s’est mis du côté des révolutionnaires. Le lendemain l’émirat devenait République. Ce qui a facilité les choses, c’est la fuite de l’émir Obolan. Comme j’étais un des artisans de la victoire socialiste, le nouveau gouvernement m’a décoré du grand cordon de la Courgette libérée.

Du coup, Béru, jalmince, grogne avec aigreur.

— Vous avouerez, M’sieur le Directeur, que ce Pinaud a le fignedé bordé de nouilles !

M’sieur le Directeur, qui n’apprécie pas ce genre de langage fronce ses sourcils réprobateurs.

— Et c’est pas le tout, poursuit la Vieillasse. Ils vont parait-il donner mon nom aux ouatères publics que les républicains ont promis de faire construire à la place de la mosquée.

Pris d’une intense émotion, il s’abat brusquement dans mes bras en hoquetant :

— Ah, San-A, mon petit, on dira ce qu’on voudra, mais c’est tout de même beau, la gloire !

FIN

Примечания

1

Nous avons ainsi surnommé le barlu parce que son nom est écrit en caractères arabes.

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