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Frédéric Dard: Réglez lui son compte

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Frédéric Dard Réglez lui son compte

Réglez lui son compte: краткое содержание, описание и аннотация

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Si, en ouvrant cet ouvrage, le lecteur pense lutter contre l'insomnie, il en sera pour ses frais et n'aura qu'à s'entendre avec son pharmacien habituel pour l'échanger contre un tube de Gardénal. Car ce livre est un ring, une arène, on s'y bat d'un bout à l'autre. La série d'ouvrages que publiera San-Antonio appartient à la littérature d'action. Celle mise à la mode par Peter Cheney, JH Chase, James Cain, etc… Ici l'énigme le céde à la violence. Ce livre doit se lire avec un revolver à la portée de la main. Il est écrit dans une langue savoureuse et pleine de fantaisie faubourienne, mais nul doute que le héros de ce roman ne soit sympathique à tous. Gouailleur, âpre, rusé, amer, tendre, violent, San Antonio écrit d'avantage avec ses poings qu'avec sa plume.

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La moutarde me monte au nez. Je pense à une gosseline que j’ai connue autrefois à Venise. Elle avait essayé de me traiter comme le dernier des cireurs de bottes, mais ça ne lui avait pas porté chance, parce que San Antonio n’a pas bon caractère lorsqu’on l’énerve.

Je souris en pensant à cette histoire. La belle blonde m’examine et me demande d’un ton mauvais si, par hasard, je ne me moque pas d’elle. Pour la distraire, je lui raconte les trucs malsains qui sont arrivés à la Vénitienne. Elle ne trouve pas l’allusion à sa convenance et se met en rogne.

Voilà qu’à cet instant un grand type qui discutait à une table voisine, s’approche, attiré par les éclats de voix.

Il est en smoking et sa tête ne me revient pas. Je crois même qu’elle ne reviendrait qu’à Deibler, si Deibler était encore là.

— Qu’est-ce qui se passe ? demande-t-il.

Il se tourne vers moi.

— C’est toi qui embêtes Julia ?

Je vide mon verre et j’écarte mon feutre sur le comptoir.

— Écoute, macaque, que je lui rétorque, on n’a pas gardé les cochons ensemble pour te permettre de me tutoyer. Et comme t’as un blair qui a été loupé à la fabrication, je peux, si tu insistes, réparer cette malfaçon en trois coups de cuillère à pot.

Il hausse les épaules et n’insiste pas. Je ricane et m’adresse à la princesse blonde.

— Si c’est tout ce que tu as comme garde du corps quand tu vas dans le monde, tu n’as plus qu’à rentrer aux Petites Sœurs des Pauvres, ma mignonne.

D’un coup d’œil, je m’aperçois que j’ai réussi mon petit effet. Les femmes sont comme ça ; pourvu que vous ayez les biceps et que vous sachiez river son clou à une pauvre gonfle comme ce marlou, elles commencent à vous regarder d’un air chaviré.

— Vous êtes un drôle d’homme, dit-elle.

Je souris finement.

— Tu t’imagines pas ce que tu peux avoir raison. Des types comme moi on n’en fait plus parce qu’ils reviennent trop cher d’entretien, ma petite Julia.

— Tiens, vous savez mon nom ! s’exclama-t-elle.

— Et comment ! Ton petit pote me l’a appris. C’est la seule chose bien qu’il ait dite, du reste.

Elle rougit presque.

— Ça c’est gentil ! murmure-t-elle.

Je m’approche un peu plus d’elle et je joue ma grande scène du deux.

— On sait causer ! Alors, belle de nuit, qu’est-ce que je vous offre ?

Elle recommande un gin-fizz.

Je parcours sa géographie du regard et je murmure :

— Je sens qu’on peut faire des bêtises pour une fille…

Vous parlez si elle est flattée. Elle se tortille comme un type qui serait assis dans l’autobus en face de son percepteur. Et surtout n’allez pas penser que je m’emballe pour Julia. Le jour où une fille comme ça fera son baluchon et viendra s’installer dans mon petit cœur, vous pourrez être certains que les pyramides deviendront les succursales des Galeries Barbès.

Enfin, nous bavardons gentiment et nous nous trouvons faire une paire d’amis en dix minutes. Elle me raconte sa vie et je fais semblant de prendre sa salade pour argent comptant : elle me dit qu’elle est la fille d’un riche industriel de Nice mais qu’elle a des idées d’indépendance, et qu’étant donné, elle préfère habiter seule à Marseille plutôt que de broder des chemins de table chez ses ancêtres. On discute d’un peu tout. Moi, prudent, je la boucle au sujet de mon cadavre, mais je me lance à fond sur les tenanciers de cette boîte — laquelle s’appelle le Colorado-Bar.

J’apprends de la sorte que le faux-râleur qui a ramené sa grillotte tout à l’heure, c’est Batavia, un des associés du patron. J’enregistre le fait et je me dis qu’il faudra faire attention si je veux pas que ce grand délabré me farcisse à l’arsenic… Enfin la demoiselle descend de son tabouret.

— Vous partez déjà ?

— Oui, me dit-elle, d’un ton engageant. Cette atmosphère de boîte me porte sur les nerfs.

— Alors, pourquoi y venez-vous ?

Elle hausse les épaules.

— Peut-être que j’ai des insomnies…

Je la regarde langoureusement. Les regards langoureux sont mon triomphe. Si j’étais riche, je ne ferais que ça. Et ça rend à tous les coups. Ses longs cils battent comme des ailes de mouette.

— Si vous me passiez votre adresse, peut-être pourrais-je aller vous porter un bouquet de mimosa un de ces quatre…

Cette tourterelle niche au Roucas-Blanc, près de la Corniche.

Elle est d’accord pour que je lui fasse une petite visite très bientôt.

Je l’accompagne jusqu’à la porte, et je la regarde partir. Elle se retourne à plusieurs reprises et m’adresse des petits signes. Ses cheveux lui font comme une auréole. Cette fille a quelque chose de céleste par instants, et je me sens devenir poète à toute allure.

Alors, pour réagir, je retourne m’administrer un grand armagnac.

CHAPITRE VI

De drôles de façons…

Je rêvasse. Une fois de plus me voilà embarqué à bord d’une caravelle qui va naviguer Dieu sait où ! Quel métier ! Je n’ai que trente-huit ans et je connais plus de trucs que Mathusalem. Des belles gosses… Des crapules… Des coups de pétards… Ma vie en est remplie. Un jour, si je vous raconte tout ça, vos cheveux se mettront tout droits sur votre tête comme si on leur jouait La Marseillaise et, si vous êtes aussi chauve qu’une brioche, vous serez obligé de vous poser des compresses sur la coupole.

Tout en avalant mon alcool, j’observe les mouvements du bar. Je ne tarde pas à apercevoir le gars Batavia. Il est assis dans un renfoncement en compagnie de deux métèques carrés d’épaules qui ont des têtes de fiches anthropométriques. Ces trois caves discutent à voix basse, et il m’est avis qu’ils ne projettent pas d’organiser une kermesse au profit des enfants abandonnés.

Tout à coup, un garçon vient parler à l’oreille du Batavia ; celui-ci se lève et se dirige vers le téléphone qui se trouve derrière la caisse. Cette pauvre cloche se croit possesseur d’un appareil de télévision car il ne pipe pas mot, se contentant de secouer la tête affirmativement. Au bout d’un moment de ce manège, il raccroche et fait signe à ses petits copains de le rejoindre. Tous sortent par la porte du fond qui est à côté de l’office.

— Bonsoir !

Certainement, ce joli trio ne va pas pêcher l’écrevisse à la lanterne cette nuit.

Je regarde ma montre et je vois qu’il va être bientôt une heure. Je paie et dis deux mots à mon Su-Chang pour le cas où il aurait tendance à revenir sur sa décision.

Je lui allonge un bon pourboire afin de le mettre en confidence.

Je le regarde droit dans les yeux.

— Et maintenant, je vais t’attendre au coin de la rue. Manie-toi, car les nuits sont fraîches et je ne veux pas risquer d’attraper l’influenza.

*

La soirée est belle. C’est plein d’étoiles par là-haut et la lune se balade au-dessus de Marseille. On y voit comme en plein jour.

Je remonte le col de mon pardessus et je descends la rue endormie.

Parvenu à hauteur de la tranchée, je jette un coup d’œil à l’intérieur. J’imagine que l’inhumation a dû se faire à un moment comme celui-ci, où les braves gens rêvent, la tête dans les plumes, qu’ils ont gagné à la Loterie nationale. Le cadavre ne devait pas être loin et le, ou les assassins, avaient repéré la tranchée. Probablement qu’ils manquaient de moyens de transport…

Je fais le poireau un petit quart d’heure devant un marchand de corsets. La rue n’est pas très éclairée et les machins de soie rose brillent délicatement dans la pénombre. Je ne sais pas pourquoi je pense à Julia. C’est une pépée qu’on aurait du plaisir à trouver dans son sabot de Noël. Elle a un je ne sais quoi dans les yeux qui vous va droit au cœur et vous met les jambes en coton. Si je la revois, il faudra que je lui récite du Géraldy.

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