Frédéric Dard - Les anges se font plumer

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Les anges se font plumer: краткое содержание, описание и аннотация

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« Une lettre et un chiffre rédigés hâtivement sur un petit bout de papier :
K 2. Ça pouvait vouloir dire beaucoup de choses… Ça pouvait ne rien signifier du tout… Mais moi je ne crois pas qu'on puisse écrire deux signes, comme ça, sans que quelque chose ne se trame quelque part.
K 2 ?
Une marque de détachant ? Il manque le R. Un morceau de jeu de bataille navale ? Pas sérieux… Le nom du deuxième sommet du monde, le Kapa Due ? Pourquoi pas…
K 2 ?
Ça ne vous dit rien, à vous ?
Moi si… aujourd'hui…
Aujourd'hui… que j'ai rassemblé tous les éléments du puzzle. »

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Bucher a flairé le danger que je présentais pour lui. Il a craint que mon zèle ne compromette les tractations et il a chargé un de ses troupiers de m’envoyer finir la noye chez Plumeau.

Impossible de remuer… D’ici tout de suite je vais aller cogner à la lourde de saint Pierre ! Et p’t’être bien que ce sera Miquelon qui me recevra !

Le grand vilain pas beau se la ramène… Par mesure de sécurité, il me cloque un nouveau coup de talon dans les éponges et ce qui me restait d’oxygène se taille de mes soufflets avec un bruit de pneu crevé…

D’une secousse il m’arrache du sol. Il a dû faire des haltères, le copain… C’est exactement comme si je ne pesais pas plus qu’un sujet de baudruche.

Il me coltine jusqu’à la croisée… L’imminence du danger me fouette le ciboulot. L’air frais me ranime un brin… Mais je ne parviens pas à remuer… Il me semble que j’assiste à ce qui m’arrive depuis le fauteuil du cinéma. On peut dire que rarement au cours de ma carrière j’ai été mis K.-O. aussi rapidos. Pas même le temps de dire bonjour… Et le travail fait main, sans le concours d’un instrument quelconque. Monsieur les Gros Bras est un artiste !

Il a pourtant du mal à m’expulser de la fenêtre, car celle-ci n’est pas très large, alors que moi je le suis. Il me pose contre la barre d’appui, les bras ballants à l’extérieur. Puis il me lâche afin de m’empoigner par les radis pour me donner la bonne secousse et me confier aux lois implacables de la pesanteur.

Je pense de toutes mes forces : « Réagis, Tonio, où tu vas jouer à la « torpille-chantée ». J’imagine avec un frisson, auquel participe une espèce de louche extase, le valdingue de six étages… L’atterrissage sur les mandibules… La nuit totale…

Je crois que mon réflexe agit plus vite que ne me le dictent ma volonté et ma trouille. J’ai une ruade éperdue du pied droit. Je sens que mon 42 fillette rencontre un corps solide… Je me retourne… Les Grosses Bacchantes a seulement titubé… Il revient à la charge, pareil à un taureau. Je prends un coup de boule dans le tiroir, un crochet à la tempe et je dis good night à cet univers décevant.

Une fois encore le K.-O. ne dure pas… C’est plutôt comme lorsqu’une prise de courant a un mauvais contact… J’ai des intermittences de pensée.

L’air de la nuit… La notion de ce vide perfide… Une peur sucrée… Puis je sens que ma carcasse n’est plus à l’horizontale… Le sang me monte, ou plutôt me descend à la tête, car je suis incliné en avant… J’essaie de crier, mais j’entends un « couac » lamentable. Deux étaux enserrent mes chevilles, ce sont les paluches effroyables de l’homme… Je bascule… Il pousse, la barre d’appui me racle la poitrine, puis la brioche… Ça y est, je pends… Même si je parvenais à lui échapper par une nouvelle ruade, il serait trop tard… Adieu m’man !.. Adieu, les potes ! Adieu, veau, vache, cochon, percepteur et entrecôte marchand de vin. Il termine sa représentation, le San-Antonio !.. Il va faire une dégustation de trottoir. Six étages à se farcir, ça ne pardonne pas, même quand on a la gueule de bois.

Je regarde avec horreur le fond sombre de la cour… La nuit est obscure… Le silence est intégral… Une suprême poussée du gnaf et me voilà parti… Chute libre — ô combien !

Descendez, on vous demande… C’est étrangement long… C’est moelleux. L’horreur de la situation a quelque chose de suave… J’attends de tout mon être… Et puis soudain : poum ! Je produis un bruit sec comme un coup de feu… Je ne bouge plus… Je suis canné ! Bon, c’était seulement ça la mort ? Pas la peine d’en péter un pendule ! D’écrire mille et un bouquins sur la question.

A ce tarif-là la mort est fumable… Je suis courbatu, seulement courbatu… J’essaie de remuer… Je le peux… Je regarde le ciel sombre où l’on aperçoit quelques étoiles pâlottes… Je vois le rectangle lumineux de ma fenêtre, tout là-haut…

J’essaie de me remettre debout, mais je n’y parviens pas car je glisse… Je palpe… Sous mes doigts je sens une toile de tente… Alors je pige tout… Au fond du Palace il y a une espèce de patio transformé en piste de danse… On a dressé un dais bleu pour abriter l’orchestre et l’estrade… Et c’est sur cette espèce de chapiteau de toile que j’ai atterri.

Ma réaction est imprévue. Je me fous à rigoler comme trente-six bossus chatouillés par Quasimodo !

CHAPITRE X

Voyez-vous, tas de machins indéterminés, ce qu’il y a de bien dans la vie (parfois, s’entend), c’est son ironie… Les renversements de situation qui s’y produisent… Avouez que le mot renversement convient merveilleusement, en l’occurrence pour la mienne !

Il faut reconnaître que je m’exprime dans une langue généreuse, riche en vocabulaire, propice aux métaphores les plus hardies, dans laquelle les mots ambigus abondent… Une langue qui sait toujours où se fourrer, comme dirait Brunswick ! Vous m’en donneriez trois briques que je ne vous la vendrais pas !

Il y a des moments où, après tout, la vie serait belle sans les hommes. J’imagine la planète pour moi tout seul… Je vivrais à loilpé sans crainte que des voyeurs viennent me mater… Des fois je dirais au Barbu de me piquer une côte première pour me fabriquer une Eve, histoire de lui faire part de mes sentiments dévoués, et puis je referais muter Madame en côtelette ! Dites, sans rire, c’est pas le rêve, ça ? Plus de cornichons pour me faire du contrecarre à longueur de journées sous prétexte qu’ils sont décorés ; que leur bagnole a deux chevaux et un âne au volant de plus que la mienne ; que leur dame porte de la peau d’animal rare ! Moi, pour l’hiver, en peau de percepteur que je me loquerais… Ou bien en peau de député, ça remplacerait le veau marin et c’est plus gras de l’intérieur…

Notez que je débloque sur le trajet, mais je sais bien que je me ferais vite tartir… Le temps me durerait de mes semblables avec leur bath couennerie ciselée, et surtout leurs vices cachés derrière des médailles, des fonctions, des uniformes, du drap anglais, des caveaux en marbre, des raisons d’Etat, des oraisons funèbres, des prix de vertu, des Prisunics, des piliers d’église, des colonnes de temple, des colonnes Vendôme, des cinquièmes colonnes, des colonnes de journaux, des lits à colonnes et des colonels !

Oui, j’aurais la nostalgie de ces bons contemporains. Le temps me durerait de leurs sublimes créations parmi lesquelles on compte : le Festival de Cannes ; la canne à pêche ; les romans de François Mauriac ; et le coup du père François !

Je médite sur ma toile de tente, insensible à cette douleur généralisée que le choc a levé en moi… Je suis étonné de vivre après avoir eu le goût de la mort dans ma bouche, après l’avoir comprise, après l’avoir acceptée ! Je suis ravi… Tout va continuer encore un peu : le ciel avec son soleil qui lui va si bien ; la mer trop salée, les morues trop dessalées et la musique de M.Mozart !

Au bout d’un instant je me laisse glisser de la bâche… Il me semble qu’on a frappé chaque centimètre carré de ma personne avec un nerf de bœuf…

Je marche sur le plancher de danse souple comme si c’était de la tôle ondulée. Ah, mes amis, je m’en souviendrai de ce numéro de cascadeur ! Les gars de Médrano m’attriqueraient une fortune pour m’inclure au programme… Avec la petite Nana de Montparnasse, celle qui ramasse une pomme verte en s’asseyant dessus, comme complément de programme, on serait assuré de faire du grisbi…

A prix d’or qu’il nous prendrait, Bruno Coquatrix, vu que le public commence à en avoir quine du jongleur chinois et du chanteur inaudible… On parcourrait la Suisse, l’Autriche ; puis ce serait l’Italie où m’man doit se faire tartir, et l’Espagne…

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