Frédéric Dard - Les anges se font plumer

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Les anges se font plumer: краткое содержание, описание и аннотация

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« Une lettre et un chiffre rédigés hâtivement sur un petit bout de papier :
K 2. Ça pouvait vouloir dire beaucoup de choses… Ça pouvait ne rien signifier du tout… Mais moi je ne crois pas qu'on puisse écrire deux signes, comme ça, sans que quelque chose ne se trame quelque part.
K 2 ?
Une marque de détachant ? Il manque le R. Un morceau de jeu de bataille navale ? Pas sérieux… Le nom du deuxième sommet du monde, le Kapa Due ? Pourquoi pas…
K 2 ?
Ça ne vous dit rien, à vous ?
Moi si… aujourd'hui…
Aujourd'hui… que j'ai rassemblé tous les éléments du puzzle. »

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Très emmouscaillé, je l’admets, par la tournure des événements, je regagne mon terrier. Franchement, ça s’embringue mal ! Au lieu de faire front comme les loustics de la Ligue, nous voici à couteaux tirés, Bucher et moi.

Votre petit San-Antonio joli n’a pour lui que sa bonne mine et son certificat d’études primaires. A part ça, mort au taureau, je suis refait !

Je suis refait car, ne sachant où se terrent les ravisseurs de la petite Carolyne, je ne puis la récupérer pour reprendre les brèmes en main. D’autre part, Bucher ne me dira jamais où se trouve sa cargaison… Il a raison, le Ricain, c’est une affaire entre lui et eux. Pour mézigue, on inscrit au programme : « Va te faire cuire un œuf » avec le gars Bibi dans le rôle de l’œuf !

Il est tard… Je file un coup de périscope à ma tocante. Elle annonce trois plombes et des poussières… Non : il est tôt !

Je réfléchis… J’ai dans le bac un bon goût de scotch… Je n’ai pas sommeil et je me sens en forme.

Je décroche le bigophone et je dis au préposé de me faire grimper d’urgence un flacon de whisky et l’annuaire des téléphones de la Suisse…

Le service au Palace est impec… J’ai satisfaction en quatre minutes trois douzièmes… Y compris le temps que l’employé a mis pour réaliser mon coup de grelot…

Je me prépare un glass super-mahousse. Et tout en le sirotant, je feuillette l’annuaire. Je trouve rapidos ce que je cherchais, à savoir le numéro d’un pote à moi : Justin Bodard, chef de la police genevoise. Nous nous sommes connus l’an dernier chez des amis communs et je l’ai tellement fait marrer avec mes histoires de cornechose qu’on l’a opéré d’une hernie étranglée la semaine suivante. D’autre part, je l’ai revu à Paris où je lui ai facilité certaines démarches pour un voyage qu’il effectuait en A.O.F. Donc, c’est un garçon qui me veut du bien. Les Suisses sont des gars solides sur lesquels on peut compter et ils passent leur vie à le prouver.

Ils ne pigent peut-être pas très vite les histoires de Marie-Chantal, mais par contre ils savent ce que c’est que l’amitié.

Il va pousser une drôle de frime, Bodard, en recevant mon appel à pareille heure !

Je demande pourtant le numéro et je l’obtiens illico pour l’excellente raison que le biniou est automatique au pays de l’horlogerie et du frometon réunis. (Le comble n’est-il pas de les voir mettre du gruyère en montre ?)

Ça carillonne vilain, et longtemps… Quand il est dans les bras de l’orfèvre, il en met un sérieux coup, mon aminche !

Enfin une voix grasse comme une pâte à vaisselle dit :

— Aaaalllôôô ?

Je reconnais Bodard.

— Salut, Bodard, fais-je. Ici San-Antonio…

Un silence, le temps qu’il pige. Et puis il s’exclame. Il dit des « par exemple », des « comment ça se fait ? », des « si je m’attendais à vous », et enfin un : « que se passe-t-il », parce qu’il vient sans doute de bigler son horloge parlante et de s’apercevoir qu’il est une heure industrielle [10] Toujours çà et là des facilités qui renforcent indirectement ma prose. Comme me disait un batteur d'orchestre, j'ai un style à percussion ! .

Je lui présente dans du papelard de soie les excuses d’usage pour mon appel tardif, ensuite je lui dis que je suis en mission secrète en Suisse pour une affaire qui intéresse toute l’Europe (là j’exagère un brin, mais je dois revendiquer comme excuse que le beau-frère de ma cousine germaine a vécu trois jours à Marseille). J’en arrive à ma requête :

— Mon cher Bodard, je voudrais que vous interveniez immédiatement auprès de la police de Montreux pour qu’on mette sur table d’écoute les communications destinées à un certain Bucher résidant au Léman-Palace.

Il se gratte le cervelet avec une idée pointue et s’exclame :

— C’est impossible, mon cher ami… Cela ne se pratique pas en Suisse… Et, en tout cas, ça nécessiterait un tas de formalités… A quel titre, voyons, nous occuperions-nous de la vie privée d’un étranger qui ne fait pas l’objet d’un mandat d’extradition ?

Je m’égosille :

— Au titre de la confiance en un ami, Bodard… Excusez-moi de vous avoir éveillé…

Je raccroche.

Décidément, je m’étais fait des berlues au sujet de la reconnaissance de mon collègue helvète.

Le temps que je parcoure trois fois le tour de ma carrée (doux euphémisme) et le bigophone remet ça… C’est Bodard. Il a eu l’idée d’appeler le Palace pour voir si j’y étais. Pas content, le gars ! Il est tout à fait éveillé cette fois et il me joue Marie trempe ton pain à la clarinette baveuse pour mon mouvement d’humeur. Il me casse une montagne de sucre, comme quoi il est prêt à me prêter assistance, mais dans la mesure où je ne lui demande pas l’impossible.

Je me radoucis comme une crème au caramel.

— Re-excuse, Bodard, mais je suis sur les dents… Ecoutez, le type dont je vous ai parlé va recevoir soit une visite, soit une communication téléphonique. Or il est indispensable, vous m’entendez ? Indispensable que je sois avisé de l’entretien…

Il réfléchit un moment.

— Bon, écoutez, je téléphone à l’inspecteur Cherio… Il a travaillé sous mes ordres et il vient d’être muté à Montreux… Je lui dis de vous voir et de se mettre officieusement à votre disposition… D’accord ?

— Mille mercis, Bodard… Et à un de ces quatre !

Il ne me reste plus qu’à attendre… J’allume une gitane, bois un nouveau scotch…

A cet instant, c’est-à-dire lorsque je repose mon verre vide, on frappe à ma porte. Voilà qui est bizarre. S’il s’agissait d’un employé de l’hôtel (et que me voudrait-il, grand Dieu, à pareille heure !), il se serait annoncé au fil.

Je glisse mon pétard sous un coussin et je vais à la lourde.

— Qu’est-ce que c’est ?

Une voix d’homme, pourvue d’un accent étranger que j’ai du mal à définir, murmure :

— Un ami de Bucher.

J’ouvre aussitôt. Je me trouve devant un type immense qui me dépasse de la tête. Il a un chapeau sur la sienne, des moustaches à la Brassens et un regard complètement éteint bien qu’il soit sombre comme la nuit du 4 août !

Il porte un costard prince-de-Galles.

D’un signe de tête je l’invite à entrer. Ce pèlerin-là n’a pas l’air commode du tout.

Lorsque j’ai refermé la porte, il me toise comme le fait un tailleur qui doit vous envoyer un costume par la poste.

— Je mesure un mètre soixante-douze, lui dis-je. Je suis plutôt brun et…

Je n’en dis pas plus. Avec une promptitude foudroyante, cet enfant de garce vient de me filer un uppercut au menton. Ce parpaing, croyez-le, il n’est pas allé l’acheter à la pharmacie Bailly !

Une locomotive fait explosion dans mon crâne. Tout devient intensément opaque et je sens le plancher qui fait bravo sous mes semelles.

Je m’écroule… Pas en plein pourtant… Je tombe seulement à genoux et je reste inconscient, la tronche appuyée contre le mur… Mon visiteur du soir en profite pour me tirer un shoot précis au creux de l’estomac. But ! Moustachu : un ; San-Antonio : zéro !

Tout le scotch que j’ai éclusé me remonte dans le naze… Je perds la notion exacte des choses… Insuffisamment cependant pour ne pas me rendre compte qu’au lieu de m’achever, l’escogriffe se dirige vers la croisée. Il l’ouvre grande et se penche. Ma chambre donne sur une vaste cour obscure… Depuis mon néant je pige ce que prépare l’envoyé de Bucher… Bien que nous ne soyons pas le premier avril, il s’apprête à me jouer une drôle de farce, pas drôle !

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