Frédéric Dard - T'es beau, tu sais !

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T'es beau, tu sais !: краткое содержание, описание и аннотация

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« — Monsieur, j'lui dis comme ça, il va falloir que je vous tue toutes affaires cessantes, mes supérieurs m'en ont donné l'ordre !
— Essayez toujours, me répond le tueur à gages en levant son verre à ma santé. Et il fait bien, vu qu'elle va être mise à rude épreuve, ma petite santé. Ah ! les souris, je vous jure… Plus je les pratique, plus je me rends compte que c'est du sable. Du sable émouvant, j'admets, mais terriblement mouvant ! Pour escalader les jolies dunes, vaut mieux ramper ! Dans cette position, on prend moins de risques, et puis quoi : c'est tellement plus agréable.
Si je ne suis pas de retour à la fin de ce livre, ne vous caillez pas la laitance. Entrez et faites-vous des frites en m'attendant : la clé est sous le paillasson ! »

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Là-dessus, il va boire !

Pas fameuse, la communication. La voix du Vioque me parvient, faiblarde, comme filtrant de cet autre monde que vient d’évoquer le Mammouth.

— Alors, San-Antonio ?

— La vérification est faite, patron : c’est bien LUI.

Un gargouillement pareil à celui d’un mec recrachant sa pâte dentifrice après usage.

— Je vous entends mal, monsieur le directeur ?

— Je disais… preintes ?

— Ses empreintes ? Je les ai sous les yeux et vous les posterai demain matin en urgent. De plus, j’ai pu lui palper la jambe gauche et j’ai senti la cicatrice à sa cuisse. Croyez-moi, aucune erreur n’est possible.

— En ce cas, appliquez le dispositif B.

Le dispositif B ! C’est tout le Vioque, ça ! Faut toujours qu’il joue à la petite guerre. Sa carrière ressemble à une bande dessinée.

C’est lui qui invente les histoires.

Seulement, hélas ! c’est moi qui les vis !

PITRE DEUX

Des gens se figurent que le monde, à partir d’Avignon, est bleu et ocre, jaune paille à l’extrême rigueur. Ils croient que ça verdoie, que ça poudroie, que ça azure au-dessous du 4 e parallèle. Trop de calendriers des postes les ont enduits en erreur, comme dit Béru. Z’ont été abusés par certains documentaires couleurs, par des photos vacancières de copains chambreurs. L’univers est une illuse. Faut se gaffer des idées reçues, pas s’hâter de donner quitus, mes drôles, vérifier la marchandise avant de signer le laisser-pisser (toujours comme exprime le Gros).

Depuis mon balcon, en ce matin de 1 er janvier, je mate Puerto de la Cruz étalé à mes pieds. Je découvre une côte noire, avec une sorte de boue grise en guise de sable. Des rochers en grand deuil. Un océan dans les tons perlouses… Des buildinges blancs se pressent, comme un Manhattan repeint, au bord de la baille. C’est bourré de touristes rougeauds. Les enseignes sont rédigées en chleu plus qu’en espago. Des futés qui voudraient démembrer l’Allemagne, facile, n’auraient qu’à larguer quelques bombines sur les Canaries entre Noël et le Jour de l’an. Pour le coup, fini, kaput, terminate les amis deutsch. Et l’envahisseur investirait une terre teutonne rigoureusement intacte, maigrement peuplée d’inoffensifs gardiens de musée ou d’accortes serveuses bavaroises.

Mon balcon étant d’angle, je me paie un panoramique sur l’intérieur de l’île. Le grand bidule, ici, absolument formide, c’est le Teide, le pico , comme l’appellent les Canariens. Bien conique, pareil à un gros nichon, son immaculance brille au soleil. Parce que c’est tout de même vrai : y a du soleil en pagaille, ici. Sous le blanc neigeux, des cascades de lave brune. Et puis, au-dessous, la frange verte des bananiers dans la fameuse vallée de La Orotava. Bon, oui, dans l’ensemble, c’est pas dégueu, faut convenir. J’ai honte de mes ratiocinances. Bien franchouillard, ça, comme réaction. Le Français, tu remarqueras : jamais satisfait. La râloche en sous-langue, éternellement. Paré pour les sarcasmes. Le stylo décapuchonné afin de noircir le cahier des doléances. A réclamer, comme je vous dis toujours, le béret du petit au mec venant de le sauver de la noyade. Je me nous fais honte d’y penser.

Dans la salle de bains, Antoine batifole sous les shampouinages de m’man. Se marre aux éclats, cézigue ! Je m’arrache au paysage pour aller visionner le chérubin.

Dites, c’est pas hurluberluesque, cette mission en famille ? Maman, bébé ; toutou ! Hop ! Dispositif « B », qu’ordonne le Vioque.

Une idée à lui, notre commando de la Sainte Famille !

— Cher San-Antonio, si l’homme est bien l’homme, vous aurez affaire au renard le plus rusé de votre carrière. Avant tout, ne pas éveiller ses soupçons ! Vous ne prendrez jamais suffisamment de précautions avec ce type. Emmenez votre famille, et Béru également. Soyez plus touristes que nature ! Plus vous ferez « congés payés », plus vous aurez de liberté de manœuvre.

Je pousse la porte de la salle de bains. Les Espagnols ne rechignent pas sur la dimension des pièces. Le matériau est peut-être pauvret, mais on a ses aises dans leurs constructions.

Bérurier est déjà là, assis sur le bidet, radieux, qui mate la scène touchante. M’man a rajeuni, parole ! Vous savez pourquoi ? Parce que, depuis Antoine, elle a troqué sa blouse violette contre une blouse blanche. Elle fait nurse de grande maison. Manches retroussées, les bras mousseux jusqu’aux coudes, elle fourbit le petit gredin, lequel se tient debout dans la baignoire, les jambes écartées.

— Salut, mec ! me jette joyeusement le Gravos, je voulais pas rater les absolutions de vot’ triton. Il est impec, ce voyou ! Non, mais t’as observé sa membrure ? Un vrai petit julot ! J’vous jure, chère maâme, y a des hommes qu’ont pas un service trois pièces de ce gabarit ! Mince, y pourrait t’être ton moufle, Sana ! Moi, c’te crapule, je peux dorénavant et déjà vous dire que ça d’viendra plus tard un féroce massacreur de plumards. Non, mais mordez le colosse ! Et cette paire de castagnettes, baronne ! Quand j’avise un téméraire pareil, le regret me vient d’avoir marié une mule. Berthe n’eusse point tété estérilisée qu’on se serait tricoté une demi-douzaine de chiares. Pas seulement à cause des allocations, notez bien. Mais pour le plaisir.

Il frotte un pleur, de la manche de sa chemise à fleurs.

— T’as déjà pris ton brique-faste, San-A. ? enchaîne-t-il, histoire de se modifier les idées.

— Pas encore.

— Moi, si. Je dois dire que le gras-double paraissait pas de feurste qualité et que l’omelette était trop cuite. Y avait que la daurade à la crème qui jouait le jeu. Quant au frometon, y n’pète pas dans les nuages, ici. D’ailleurs, y l’servent avec de la gelée de banane manière de cacher la merde au chat. A midi, je me rattraperai sur la langouste. Ouate hisse ze pogrome, ce morninge ?

Cure de soleil auprès de la piscine, gus, ça te botte ?

— T’as des mots qui vous remontent le mental, approuve l’Energique. Pour lors, si je saurais, je me mettrais en calcif de bain ?

— C’est à voir, conviens-je en caressant les fesses dodues d’Antoine.

Le bébé me décoche un sourire complice.

Voilà qu’on se met à s’aimer, lui et moi. A nous devenir doucement indispensables.

Pas le moment de s’amollir, San-A.

Le dispositif « B », a exigé le Vieux.

— Il est bientôt prêt, Antoine II ? je demande à ma Félicie.

— Bientôt, oui, pourquoi ?

— Parce que je vais avoir besoin de lui, assuré-je sans sourciller.

— Laisse-moi le piloter ! supplie Marie-Marie. Mince, faut que j’apprenne, non ? Quand on sera mariés, si je saurais pas m’occuper de notre brochetniture, tu seras le premier à renauder, Santonio, teigneux comme y t’arrive…

— Je te le confierai un peu plus tard, moustique.

En fait de « pilotage », c’est plutôt Antoine qui drive son cornac.

Faut le voir foncer, l’intrépide. Il tire sur sa bricole comme un clébard du Grand Nord coursé par une horde de loups. Rien de plus fantasque que le circuit d’un moutard. Il pique droit devant lui pour, au bout de quelques pas, faire une brusque volte-face. Un rien le sollicite. Tout le captive. Tantôt il veut s’emparer d’un flacon d’ambre solaire, tantôt c’est le bitos flamboyant d’une vieille pétasse qui retient son attention. Drôlement duraille à manœuvrer, ce bougre. Surtout ne pas le contrarier, sinon il se fout en renaud. Pas qu’il soit capricieux, non. Disons qu’il est volontaire, nuance ! C’est m’man qui tient à cette nuance.

Le type que je guigne est là, sur la terrasse, près des tennis. De clair vêtu : pantalon beige, chemise blanche, foulard jaune. Il s’est oint de crème anti-sun. Il porte de grosses lunettes à verres fumés et il lit un bouquin américain intitulé My sister’s hand.

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