Frédéric Dard - Alice au pays des merguez

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Alice au pays des merguez: краткое содержание, описание и аннотация

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Dans cet ouvrage, tu prendras connaissance de l'événement le plus important qui ce soit produit depuis que l'homme a marché sur la lune.
Un événement que l'on jugeait tellement impensable qu'on y pensait plus.
La nouvelle a créé un remue-ménage extrême dans le vie française. Au point que M. le président de la République a honoré ce livre d'une préface. Si mon éditeur a refusé de la publier, c'est parce qu'il était convaincu que, d'ici quelques années, San-Antonio sera bien plus connu que le président ; et qu'il sera donc anormal qu'un auteur célèbre fût cautionné par un président oublié.
Il n'en reste pas moins que c'était un très bel élan du cœur dont je remercie vivement le Pommier des Français.
Ce qui l'avait motivé ? Je vais te dire, prépare-toi au choc : Béru et Berthe viennent d'avoir un enfant. Un vrai, bien à eux, déjà gras et dégueulasse, car bon sang ne peut mentir.
C'est pas l'événement pur fruit, ça ?
Ouvre vite la fenêtre, je sens que tu vas t'évanouir.

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— Son âge ?

— Vous parvenez à donner un âge à une baleine, vous ?

— Vous dites qu’il semblait intéressé par Alice Lambert ?

— Fasciné serait plus juste.

— Il se trouvait encore au club quand vous êtes partis ?

— Oui, il buvait du whisky.

— Seul, dites-vous ?

— Tout seul.

— Au moment de votre départ, il n’a pas amorcé de mouvement pour vous suivre ?

— Non. Mais Dieu qu’il fixait cette pauvre Alice !

Je me lève.

— Merci de votre obligeance, chère madame. J’espère ne pas vous avoir trop perturbée ?

Elle se lève idem, s’approche de moi. Et voilà que j’ai le feu aux oreilles, et peut-être bien aux noix, du temps que je monte le thermostat d’ambiance.

On se regarde. Méditatifs, l’un et l’autre. Comme deux qui cherchent à se rappeler quelque chose ou qui se demandent où ils en sont. Ses lèvres ont un curieux petit retroussis : la supérieure (pas celle du couvent). C’est comme un appel de l’instinct en provenance du fond de l’espèce humaine.

Je me penche et l’embrasse sans porter mes mains sur elle. Il me revient une réplique de Gabin dans Quai des Brumes.

— T’es belle, tu sais ! j’articule.

Elle me bouffe la gueule en grand. Et c’est elle qui se cramponne à moi pendant que tout son corps se plaque au mien.

Moi, je vais te dire : c’est superbe, l’Irlande !

Et puis alors ce vertige, pardon ! Je courrais sur la rambarde de la tour Eiffel, au troisième étage, j’éprouverais pas plus intense. En deux coups les gros, mister Popaul est dégainé de son étui, drivé par les mains expertes de mon « témoin ». Hop ! par ici, la bonne soupe ! Je me l’intercale debout, héroïquement, contre la porte capitonnée du boudoir.

Dans les profondeurs de l’apparte, on entend la voix du docteur qui raccompagne un clille en l’assurant que son traitement devrait faire effet. J’ignore s’il le berlure ou pas. En tout cas, le mien fait effet à sa dame, je te fichtre foutre ! Si je te dis su-bli-me, qu’est-ce que tu réponds, Raymond ? Rien ? Eh ben t’as raison, parce qu’une troussée de cet envol, depuis la Rome Antique, plus romantique on n’avait pas vu !

Là-bas, à Chennevières, autour du berceau d’Apollon-Jules, on en est probablement aux desserts et je te parie un second coup de bite contre l’Angelus de Millet que Béru se lève déjà pour interpréter Les Matelassiers, a cappella.

BARREAUX SANS PRISON

Le domestique avait grande allure dans sa tenue immaculée à boutons et épaulettes d’or. C’était un garçon très sombre, à la chevelure calamistrée.

Il sourit à Alice en pénétrant dans la pièce, chargé d’un immense plateau de cuivre ouvragé qui supportait des victuailles délicates. Il le déposa sur une table basse.

— Comment vous appelez-vous ? lui demanda Alice.

Il la regarda sans comprendre et eut un sourire indécis. Visiblement, il ne parlait pas français.

Alice se leva et se dirigea vers la porte. Elle n’avait pas l’intention de quitter la pièce, simplement elle éprouvait quelque curiosité concernant le reste de la demeure. Elle aperçut un grand gaillard vêtu d’une gandoura blanche à parements verts, debout dans l’ouverture, jambes écartées, bras croisés, dans l’attitude d’un gardien de sérail pour film américain de l’époque Novarro. Cet homme « couvrait » le serviteur, prêt à intercepter une éventuelle tentative de fuite de la jeune fille.

Au lieu d’affoler Alice, cette constatation l’amusa. Elle était prisonnière dans un palais d’Orient. Cela ressemblait à un conte des Mille et Une Nuits.

Elle ne parvenait pas à dramatiser la situation. Tout cela lui paraissait plaisant. Elle s’efforça de se rappeler l’enchaînement des faits qui l’avaient conduite là. Elle les évoquait de façon floue, sans parvenir à rétablir la notion temps. Tout cela avait eu lieu voici longtemps, dans une autre vie. Elle se voyait (ou bien s’imaginait) devant l’hôtel particulier familial, par une nuit grise qui sentait le mouillé. Elle attendait que son père eût remisé la Rolls dans le garage aménagé sous l’immeuble de pierres blondes. Une rampe fortement inclinée y conduisait. La porte était actionnée par un boîtier commandant le déclenchement d’une cellule photoélectrique.

Pendant que son père s’activait, une grosse bagnole noire avait surgi, en marche arrière, depuis l’extrémité de la rue. Alice n’avait pas eu peur tout de suite. C’est seulement quand le véhicule avait stoppé à sa hauteur et qu’un grand diable brun en avait jailli qu’elle s’était précipitée vers le garage. Mais un bras d’airain l’avait cueillie par le cou. On lui avait appliqué un tampon imbibé de chloroforme sur le visage et elle était aussitôt devenue d’une docilité stupéfiante. Elle continuait de penser, de marcher, mais toute peur l’abandonnait et elle suivait le grand diable sans lui opposer de résistance. Elle était montée à l’arrière de l’auto, l’homme à son côté. Au volant, une femme brune et silencieuse avec d’énormes boucles d’oreilles scintillantes.

L’homme avait ouvert une boîte de fer pour y prendre un second tampon humide. Elle se rappelait qu’il avait murmuré « Sorry » en le lui collant sous le nez. Dès lors, ç’avait été la grisaille. En cherchant bien, elle retrouvait une foule de sensations diverses. Voyage en voiture… Repos sur une couche voluptueuse. Elle percevait de la musique orientale… Et puis…

Et puis quoi d’autre ? Ah, oui… L’avion… De cela elle était certaine. Elle se rappelait avoir marché sur un terrain battu par le vent. Il pleuvait. L’eau ruisselait le long de sa nuque. On l’avait aidée à gravir l’escalier rétractable de l’appareil : un jet de businessman, confortable comme la Rolls paternelle et qui sentait également le cuir fin. A nouveau elle avait dormi. Mais pouvait-on qualifier de sommeil cette torpeur suave dans laquelle on la plongeait artificiellement ?

Toujours est-il qu’elle se sentait infiniment bien délivrée et heureuse. Délivrée de toutes les préoccupations quotidiennes, de toutes les arrière-pensées de la vie. Délivrée des petites peines qui, sans trêve, vous griffent l’âme. Pour la première fois elle existait « pour elle-même », uniquement.

Une seule crainte toutefois : cette félicité allait-elle durer encore longtemps ?

Après le départ du valet, Alice s’approcha du plateau. Elle y trouva des médaillons de langouste en gelée, du caviar avec des blinis, du foie gras, du saumon fumé. Un repas composé de hors-d’œuvre de luxe. Amusant, non ?

POUM !

On dit que le meilleur moment de l’amour c’est quand on monte l’escadrin ; mais « après » n’est pas mal non plus si tu as réussi ton affaire.

On reste là, debout, haletants, empêtrés, vidés de nos intimes secrets et pleins de nos sécrétions plus intimes encore, les tempes battantes, la chevelure trempée de sueur. Etourdis, éblouis, fiers de nous.

Quand on finit par se désunir c’est à cause de Maria, la bonne portugaise à poils longs qui frappe à la porte. Le rideau tombe sur notre final.

— Qu’est-ce que c’est ? demande Maryse (car tel est son prénom).

— Cé lé mosieur masseur dé la Madame ! annonce la valetonne.

— Je vais le recevoir.

On se contemple en souriant. Je lui roule la pelle de la reconnaissance infinie.

— Tu es comblante ! lui dis-je.

— Tu m’as comblée, rétroque-t-elle.

Elle ajoute :

— Tu as mon téléphone privé ?

— Pas encore.

Elle trottine à sa coiffeuse et prend dans un tiroir une petite carte bleue qu’elle glisse dans ma poche.

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