Frédéric Dard - Les souris ont la peau tendre

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Les souris ont la peau tendre: краткое содержание, описание и аннотация

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Un patron de bistrot portant, dans son arrière-salle, une épée à la taille, surtout au XXème siècle, c'est assez extraordinaire. Mais franchement où ça se corse (chef-lieu Bastia — histoire de fomenter une petite guerre civile), où ça se corse, disais-je, c'est quand l'épée n'est pas à la taille du type, mais à travers la taille…
Je tiens aussi à vous préciser que cette découverte n'est pas faite pour me réjouir, vu que l'épinglé était mon seul contact dans ce foutu bled… Pour lui, le contact a été plutôt rude, et pour moi, il risque de l'être aussi, je le crains, car j'entends déjà mugir, au loin, une sirène de police…

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Un heurt discret à ma porte me réveille. J’ouvre en grand mes châsses et je m’aperçois que la Terre a tourné et qu’il fait grand jour.

— Qu’est-ce que c’est ? je demande.

— Votre petit déjeuner, monsieur.

Merde arabe ! Qu’est-ce que c’est que cette taule à la noix où l’on vous carre d’autore la briffe du matin ! Enfin ça tombe au poil car, précisément, j’ai une faim de cannibale.

Je me lève et vais tirer le verrou de la lourde. Elle s’ouvre. Deux mecs du format armoire en ronce de noyer pénètrent dans ma carrée. L’un d’eux conserve la main droite dans sa poche.

Comme je suis un tantinet plus dégourdi qu’une tranche de melon, je pige illico que j’ai affaire à des condés. Et pas à des condés belges, mais à de vrais buteurs nazis.

— Qu’y a-t-il, messieurs ? fais-je gentiment.

— Police allemande, énonce lentement celui qui a l’initiative des opérations.

L’autre va droit à mes fringues, jetées sur une chaise ; il les palpe consciencieusement pour vérifier si elles ne recèlent pas d’armes. Là, je le blouse, because j’ai toujours la manie de planquer mon copain à répétition entre le matelas et le sommier, lorsque je pieute dans un endroit inconnu.

Le premier me dit :

— Vous êtes en état d’arrestation ; habillez-vous.

Histoire de gagner du temps, je questionne :

— Qu’est-ce que j’ai fait ?

Pour toute réponse, il hausse ses monumentales épaules.

— Enfin quoi ! m’exclamé-je, on n’arrête pas les gens sans motif !

— Non, dit l’armoire en ronce de noyer avec un ricanement shakespearien, jamais sans motif. Vous êtes accusé de meurtre.

Il sourit encore.

— De meurtre et peut-être… d’autre chose !

Bon, je suis scié. Ma carrière d’agent secret, au service de l’Intelligence Service, n’aura pas duré longtemps.

Les gars de l’I.S., le major Parkings en tête, vont penser que le fameux San-Antonio, l’as des as des services secrets français est un pauvre petit toquard d’enfant de chœur. Vraiment, ça la fout mal de se laisser emballer à sa première sortie. Y a de quoi se les passer au révulsif !

Crotte alors ! Et en Belgique encore, un des coins les plus pépères de cette putain de planète !

Les deux molosses me regardent attentivement. Il y en a un devant la porte et un autre devant la fenêtre. Celui qui garde la lourde conserve toujours sa pogne dans la pocket. Il a le regard gourmand. Au premier faux mouvement, il se ferait un plaisir de m’assaisonner comme un gigot à l’ail.

— Habillez-vous ! ordonne l’autre.

Alors je me sape, en rechignant un peu pour les endormir. Mon but est de passer pour un type qui est très abattu par la tournure des événements. Je voudrais qu’ils me croient dégonflé, les frères. Ils se prennent tellement pour des supermen, tous ces foies blancs, qu’ils ont tendance à considérer les autres comme des balayeurs de waters.

Ça mord. Ils ricanent et se disent des bons trucs, en allemand, sur mon honorable personne. Je finis de m’habiller, ensuite j’enfile mes souliers. Je me débrouille pour ne pas y parvenir tout de suite ; je fais le type fébrile. Tant et si bien que lorsque je m’assieds sur le bord du lit pour lacer mes croquenots, les deux andouilles ne se cassent pas le bol et continuent de me contempler paisiblement.

Je lace mes chaussures. Attention, Toto ! c’est le moment de cueillir des trèfles à quatre feuilles ! Si ma chance est allée se promener, je l’ai dans le prose ! Si, au contraire, elle ne m’a pas quitté, je vais peut-être me tirer de ce mauvais pas.

Juste au moment où ma main abandonne ma chaussure droite, je me détourne légèrement et la plonge sous le matelas. Brave Lüger ! Je le serre bien fort ; je le tire de sa niche douillette et je me retourne en direction du type debout devant la porte. Il n’a pas le temps de réaliser ; déjà je lui ai fait mon numéro de cirque. Ça n’est pas pour rien que je remportais toutes les médailles de tir dans les concours de la police, avant-guerre. Il bloque un pruneau, juste entre les deux yeux. Ça lui modifie complètement la physionomie. S’il pouvait encore se regarder dans une glace, il ne se reconnaîtrait certainement pas. Mais je ne m’attarde pas à contempler mon ouvrage. Il y a un autre copain, derrière moi qui ne doit pas se réciter l’alphabet papou en ce moment. Je me précipite de l’autre côté du lit et j’atterris sur la carpette à l’instant précis où le dégorgeoir du grand Frizou se met à cracher épais.

Il a le bonjour, car sa quincaillerie se perd dans le matelas.

Je fais quelques rapides reptations et je surgis brusquement au pied du lit.

Pan, dans les carreaux ! C’est fou ce que je suis en forme ce matin. Le second dégourdi prend une balle dans la poitrine et il se répand sur le parquet, comme un bœuf touché par la foudre.

Je dis « Good night » et je fais exactement ce que faisait le zigue qui, en sortant de la chambre à coucher de sa maîtresse, s’est trouvé face à face avec le mari de celle-ci : je m’évacue dans les escaliers à une vitesse qui ne pourrait se calculer qu’en années-lumière.

Le gnace de la réception me regarde filer d’un œil ahuri.

Il y a du populo plein le hall, car les coups de feu ont été entendus d’un peu partout.

— Vite ! Vite ! je gueule, la police ! Il y a des gens qui s’entretuent là-haut !

À la faveur de la confusion générale, je parviens à filer par une ruelle voisine. Je ralentis l’allure afin de ne pas attirer l’attention. Je bifurque ; ma grande idée, c’est de parvenir sans encombre à la gare.

J’y parviens. Alors je dénoue ma cravate, ébouriffe mes cheveux et me précipite à un guichet en hurlant :

— Une troisième pour Anvers, en vitesse !

Ce que je veux, c’est retenir l’attention de l’employé afin qu’il puisse affirmer, tout à l’heure, que j’ai pris un ticketon pour cette direction. Bien entendu, je n’ai pas plus l’intention de me rendre à Anvers qu’au Guatemala.

Je passe sur le quai et repère le train pour Anvers. J’y grimpe.

Au bout d’un instant, je me faufile dans un compartiment vide et je retourne mon imperméable réversible. Je sors une casquette très belge d’une des poches et l’enfonce jusqu’aux sourcils.

Décidément, Parkings est un drôle d’organisateur. Comment qu’il les équipe, ses agents secrets !

Ces modifications apportées à mon aspect vestimentaire me changent totalement. J’ai de plus en plus la tête à m’appeler Richard Dupond et à être natif de Brabant.

Je descends, à contre-voie, du train d’Anvers et pars à la recherche du train de Bruxelles.

Il n’est pas loin. Deux voies plus loin.

Je choisis le wagon de tête, parce que, en général, c’est par lui que commencent les contrôleurs et qu’il me sera plus facile d’éviter ceux-ci.

J’ai un truc épatant pour voyager à l’œil. Dans le cas présent ça n’est pas une question d’éconocroques, mais je n’ai pas de billet pour Bruxelles, et il ne serait pas prudent que je m’aventure à un autre guichet…

Pour en revenir à mon fameux truc de resquille, il est simple : pendant le trajet, je reste dans le couloir — de préférence dans le milieu. Lorsque le contrôleur parvient à ma hauteur, je porte la main à mon portefeuille puis, me ravisant, je dis avec un petit sourire d’excuse :

— Suis-je bête, c’est ma femme qui les a…

Le type continue sa tournée après m’avoir dépassé. Alors, profitant de ce qu’il pénètre dans un compartiment, je parcours le train jusqu’au dernier wagon, ce qui me laisse un certain battement. En cours de route, je descends à la première station et je retourne dans le premier wagon.

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