Brown, Dan - Deception point

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— Vous croyez toujours que nous bluffons, fit-elle. Appelez le standard du NRO. Demandez à parler à Jim Samilian. Il est de garde cette nuit. Je lui ai dit tout ce que je savais sur la météorite. Il vous le confirmera.

Elle livre un nom ? Ce détail le fit tiquer. Rachel Sexton était loin d‘être idiote et, si c‘était du bluff, le contrôleur serait fixé très vite. Même s‘il ne connaissait personne de ce nom au NRO – l‘organisation était énorme –, Rachel pouvait très bien dire la vérité. Avant d‘ordonner le meurtre final, il devait en avoir le cœur net.

— Voulez-vous que je désactive le système de brouillage afin que vous puissiez appeler ? proposa Delta 1.

Le contrôleur jeta un nouveau coup d‘œil sur Rachel et Tolland, qu‘il distinguait très bien maintenant. Si l‘un des deux faisait un geste pour parler dans un mobile ou un émetteur radio, Delta 1 pourrait toujours réactiver l‘appareil et couper leur transmission. Le risque était donc minimal.

— Coupez le système, fit le contrôleur en sortant un cellulaire. Je vais vérifier la déclaration de Rachel. Puis nous trouverons un moyen de ramener Delta 2 et d‘en finir avec tout ça.

À Fairfax, l‘opératrice du standard du NRO s‘impatientait.

— Comme je viens de vous le dire, je ne vois aucun Jim Samilian à la division des plans et des analyses !

Son interlocuteur insistait.

— Avez-vous

essayé

les

différentes

orthographes

possibles ? Et d‘autres services ?

L‘opératrice avait déjà vérifié mais elle chercha encore.

Après quelques secondes, elle répéta :

— Il n‘y a pas de Jim Samilian dans aucun service, quelle que soit l‘orthographe.

– 476 –

Son interlocuteur eut l‘air étrangement content d‘entendre cela.

— Vous êtes donc certaine que le NRO n‘emploie aucun Jim Samil...

L‘opératrice entendit un brusque vacarme à l‘autre bout de la ligne. Quelqu‘un criait. Son interlocuteur émit un juron et raccrocha aussitôt.

À bord du Kiowa, Delta 1 hurlait de colère en essayant de réactiver le système de brouillage. Il avait compris trop tard : sur son panneau de contrôle, un voyant s‘était allumé, prouvant qu‘un signal Satcom était transmis depuis le Goya. Mais comment ? Personne n‘avait quitté le pont ! Avant que Delta 1

ait pu agir, la connexion s‘était achevée d‘elle-même.

À l‘intérieur de l‘hydrolab, le fax bipait de satisfaction.

121.

Tuer ou être tuée. Rachel avait découvert une part d‘elle-même dont elle n‘avait jamais soupçonné l‘existence. Le passage en mode survie, le courage instinctif qui puise son énergie dans la peur.

— Que venez-vous de faxer ? demanda la voix sur le cryp-talk.

Rachel fut soulagée de savoir que le fax avait bien été transmis.

— Partez d‘ici, ordonna-t-elle en plaquant le cryp-talk contre sa bouche et en regardant d‘un air furieux l‘hélicoptère suspendu à côté du bateau. C‘est fini. Votre secret est découvert.

Rachel détailla les informations qu‘elle venait d‘expédier –

une demi-douzaine de pages, d‘images et de textes. Les preuves irréfutables que la météorite était un faux.

— Une nouvelle tentative d‘assassinat ne ferait qu‘aggraver votre cas.

– 477 –

Il y eut un silence lourd de menaces.

— À qui avez-vous envoyé ce fax ?

Rachel n‘avait pas l‘intention de répondre à cette question.

Elle et Tolland devaient gagner un maximum de temps. Ils s‘étaient placés dans l‘axe du Triton près de la trappe de mise à l‘eau, ce qui rendait impossible aux commandos de l‘hélicoptère de tirer sans atteindre le soldat.

— William Pickering, reprit la voix, à qui, bizarrement, cette hypothèse sembla rendre un peu d‘espoir. Vous l‘avez faxé à Pickering.

Erreur, songea Rachel. C‘est évidemment à lui qu‘elle avait d‘abord pensé, mais elle avait été forcée de choisir quelqu‘un d‘autre parce qu‘elle craignait que ses agresseurs n‘aient déjà éliminé son patron. Un geste audacieux qui illustrerait de manière assez effrayante la résolution de ces hommes. Acte désespéré. Rachel avait donc envoyé les informations au seul numéro de fax qu‘elle connaissait par cœur.

Celui du bureau de son père.

Le numéro de fax de Sexton était resté gravé dans la mémoire de Rachel après la mort de sa mère, quand le sénateur avait choisi de régler toutes les questions de succession par cet intermédiaire. La jeune femme n‘aurait jamais imaginé qu‘elle se tournerait vers son père pour l‘appeler au secours mais, ce soir-là, cet homme possédait deux atouts essentiels : d‘excellents mobiles politiques pour diffuser le dossier météorite sans hésitation, et largement assez de culot pour joindre la Maison Blanche et, si nécessaire, la faire chanter pour qu‘elle rappelle sa bande de tueurs.

Bien que son père ne fût certainement pas dans son bureau à cette heure-là, Rachel savait que son antre était à peu près aussi impénétrable qu‘un coffre-fort. Même si ses agresseurs savaient où elle l‘avait envoyé, le risque qu‘ils parviennent à s‘introduire dans l‘immeuble très strictement gardé et forcent la porte d‘un sénateur américain sans que personne s‘en aperçoive était assez mince.

— Où que vous ayez envoyé ce fax, reprit la voix dans le transmetteur, vous avez mis en danger celui qui va le recevoir.

– 478 –

Rachel devait absolument

trouver un argument

d‘intimidation, sans laisser voir la peur qu‘elle éprouvait. Elle pointa le doigt sur le commando coincé dans les pinces du Triton. Un filet tombait de ses jambes, dix mètres plus bas, dans l‘écume.

— La seule personne qui soit en danger ici c‘est votre agent, lâcha-t-elle dans le cryp-talk. C‘est fini, tirez-vous, l‘information est partie, vous avez perdu, quittez la zone ou votre agent va mourir.

La voix dans l‘appareil rétorqua sur-le-champ :

— Mademoiselle Sexton, vous ne comprenez pas l‘importance...

— Comprendre ? explosa Rachel. Je comprends que vous avez tué des innocents, je comprends que vous avez menti sur la météorite, et je comprends que vous ne vous en tirerez pas comme ça ! Même si vous nous tuez tous, vous avez perdu la partie !

Il y eut un long silence. Finalement la voix répondit :

— Je descends discuter avec vous.

Rachel sentit ses muscles se contracter.

— Discuter avec moi ?

— Je ne suis pas armé, fit la voix, pas de geste irréfléchi.

Vous et moi, nous devons parler en tête à tête.

Avant que Rachel ait eu le temps de réagir, l‘hélicoptère se posait sur le pont du Goya. La porte s‘ouvrit et une silhouette en descendit. Un homme en manteau noir, costume-cravate.

L‘espace d‘un instant, Rachel eut l‘impression que sa cervelle explosait.

William Pickering était en face d‘elle.

Debout sur le pont du Goya, le directeur du NRO jetait sur Rachel Sexton un regard désolé. Il n‘avait jamais imaginé en arriver là. Dans les yeux de son employée, il lisait : trahison, incompréhension, colère, fureur.

Tout cela est compréhensible, songea-t-il. Il y a tant de choses qu‘elle ne saisit pas...

Pickering repensa à sa fille, Diana, se demandant quelle émotion elle avait ressentie avant de mourir. Diana et Rachel

– 479 –

étaient victimes de la même guerre, une guerre que Pickering avait juré de gagner. Les pertes étaient parfois cruelles.

— Rachel, fit-il. Nous pouvons encore régler la situation. Il y a beaucoup de choses que je dois vous expliquer.

Rachel éprouva un tel dégoût qu‘elle eut une violente nausée. Tolland avait empoigné la mitraillette et il la pointait sur Pickering. Lui aussi semblait stupéfait.

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