Маргерит Юрсенар - Alexis ou le Traité du Vain Combat - Le Coup de Grâce

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Alexis ou le Traité du Vain Combat - Le Coup de Grâce: краткое содержание, описание и аннотация

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30 mars 1962

Il était cinq heures du matin, il pleuvait, et Éric von Lhomond, blessé devant Saragosse, soigné à bord d’un navire-hôpital italien, attendait au buffet de la gare de Pise le train qui le ramènerait en Allemagne. Beau, en dépit de la quarantaine, pétrifié dans une espèce de dure jeunesse, Éric von Lhomond devait à ses aïeux français, à sa mère balte, à son père prussien, son étroit profil, ses pâles yeux bleus, sa haute taille, l’arrogance de ses rares sourires, et ce claquement de talons que lui interdisait désormais son pied fracturé et entouré de bandages. On atteignait l’heure entre loup et chien où les gens sensibles se confient, où les criminels avouent, où les plus silencieux eux-mêmes luttent contre le sommeil à coups d’histoires ou de souvenirs. Éric von Lhomond, qui s’était toujours tenu avec obstination du côté droit de la barricade, appartenait à ce type d’hommes trop jeunes en 1914 pour avoir fait autre chose qu’effleurer le danger, et que les désordres de l’Europe d’après-guerre, l’inquiétude personnelle, l’incapacité à la fois de se satisfaire et de se résigner, transformèrent en soldats de fortune au service de toutes les causes à demi perdues ou à demi gagnées. Il avait pris part aux divers mouvements qui aboutirent en Europe Centrale à l’avènement d’Hitler ; on l’avait vu au Chaco et en Mandchourie, et, avant de servir sous les ordres de Franco, il avait commandé jadis un des corps de volontaires qui participaient à la lutte antibolchevique en Courlande. Son pied blessé, emmailloté comme un enfant, reposait de biais sur une chaise, et tout en parlant il tourmentait distraitement le bracelet démodé d’une énorme montre en or, d’un mauvais goût tel qu’on ne pouvait que l’admirer, comme d’une preuve de courage, de l’arborer à son poignet. De temps à autre, par un tic qui faisait chaque fois tressaillir ses deux camarades, il frappait la table, non pas du poing, mais de la paume de sa main droite encombrée d’une lourde bague armoriée, et le tintement des verres réveillait sans cesse le garçon italien, joufflu et frisé, endormi derrière le comptoir. Il dut s’interrompre plusieurs fois dans son récit pour rabrouer d’une voix aigre un vieux cocher de fiacre borgne, ruisselant comme une gouttière, qui venait intempestivement lui proposer tous les quarts d’heure une promenade nocturne à la Tour Penchée ; l’un des deux hommes profitait de cette diversion pour réclamer un nouveau café noir ; on entendait claquer un étui à cigarettes ; et l’Allemand, subitement accablé, à bout de forces, suspendant un instant l’interminable confession qu’il ne faisait au fond qu’à lui-même, voûtait les épaules en se penchant sur son briquet.

Une ballade allemande dit que les morts vont vite, mais les vivants aussi. Moi-même, à quinze ans de distance, je me souviens mal de ce qu’ont été ces épisodes embrouillés de la lutte antibolchevique en Livonie et en Courlande, tout ce coin de guerre civile avec ses poussées subites et ses complications sournoises, pareilles à celles d’un feu mal éteint ou d’une maladie de peau. Chaque région d’ailleurs a sa guerre bien à soi : c’est un produit local, comme le seigle et les pommes de terre. Les dix mois les plus pleins de ma vie se sont passés à commander dans ce district perdu dont les noms russes, lettons ou germaniques n’éveillaient rien dans l’esprit des lecteurs de journaux en Europe ou ailleurs. Des bois de bouleaux, des lacs, des champs de betteraves, des petites villes sordides, des villages pouilleux où nos hommes trouvaient de temps à autre l’aubaine d’un cochon à saigner, de vieilles demeures seigneuriales pillées au-dedans, éraflées au-dehors par la marque des balles qui avaient abattu le propriétaire et sa famille, des usuriers juifs écartelés entre l’envie de faire fortune et la peur des coups de baïonnette ; des armées qui s’effilochaient en bandes d’aventuriers, contenant chacune plus d’officiers que de soldats, avec leur personnel ordinaire d’illuminés et de maniaques, de joueurs et de gens convenables, de bons garçons, d’abrutis et d’alcooliques. En fait de cruauté, les bourreaux rouges, Lettons très spécialisés, avaient mis au point un art-de-faire-souffrir qui faisait honneur aux grandes traditions mongoles. Le supplice de la main chinoise était particulièrement réservé aux officiers à cause de leurs gants blancs légendaires, qui d’ailleurs n’étaient plus qu’un souvenir dans l’état de misère et d’humiliation acceptée où nous vivions tous. Disons seulement, pour donner une idée des raffinements de la fureur humaine, que le patient se voyait souffleté avec la peau de sa propre main écorchée vive. Je pourrais mentionner d’autres détails plus affreux encore, mais les récits de cet ordre oscillent entre le sadisme et la badauderie. Les pires exemples de férocité ne servent jamais qu’à durcir chez l’auditeur quelques fibres de plus, et comme le cœur humain a déjà à peu près la mollesse d’une pierre, je ne crois pas nécessaire de travailler dans ce sens. Nos hommes n’étaient certes pas en reste d’inventions, mais en ce qui me concerne, je me contentais le plus souvent de la mort sans phrases. La cruauté est un luxe d’oisifs, comme les drogues et les chemises de soie. En fait d’amour aussi, je suis partisan de la perfection simple.

De plus, et quels que soient les dangers auxquels il a choisi de faire face, un aventurier (c’est ce que je suis devenu) éprouve souvent une espèce d’incapacité à s’engager à fond dans la haine. Je généralise peut-être ce cas tout personnel d’impuissance : de tous les hommes que je connais, je suis le moins fait pour chercher des excitants idéologiques aux sentiments de rancune ou d’amour que peuvent m’inspirer mes semblables ; et je n’ai consenti à courir de risques que pour des causes auxquelles je n’ai pas cru. J’avais pour les Bolcheviks une hostilité de caste, qui allait de soi à une époque où les cartes n’avaient pas été brouillées aussi souvent qu’aujourd’hui, ni par des trucs aussi habiles. Mais le malheur des Russes blancs n’éveillait en moi que la sollicitude la plus maigre, et le sort de l’Europe ne m’a jamais empêché de dormir. Pris dans l’engrenage balte, je me contentais d’y jouer le plus souvent le rôle de la roue de métal, et le moins possible celui du doigt écrasé. Que restait-il d’autre à un garçon dont le père s’était fait tuer devant Verdun, en ne lui laissant pour tout héritage qu’une croix de fer, un titre bon tout au plus à se faire épouser d’une Américaine, des dettes, et une mère à demi folle dont la vie se passait à lire les Évangiles bouddhiques et les poèmes de Rabindranath Tagore ? Conrad était au moins dans cette existence sans cesse déviée un point fixe, un nœud, un cœur. Il était Balte avec du sang russe ; j’étais Prussien avec du sang balte et français ; nous chevauchions deux nationalités voisines. J’avais reconnu en lui cette faculté, à la fois cultivée et comprimée chez moi, de ne tenir à rien, et tout ensemble de goûter et de mépriser tout. Mais trêve aux explications psychologiques de ce qui n’est qu’entente spontanée des esprits, des caractères, des corps, y compris ce morceau de chair inexpliqué qu’il faut bien appeler le cœur, et qui battait chez nous avec un synchronisme admirable, bien qu’un peu plus faiblement dans sa poitrine que dans la mienne. Son père, qui avait des sympathies allemandes, avait crevé du typhus dans un camp de concentration des environs de Dresde, où quelques milliers de prisonniers russes pourrissaient dans la mélancolie et la vermine. Le mien, fier de notre nom et de nos origines françaises, s’était fait ouvrir le crâne dans une tranchée de l’Argonne par un soldat noir au service de la France. Tant de malentendus devaient dans l’avenir me dégoûter à jamais de toute conviction autre que personnelle. En 1915, heureusement, la guerre et même le deuil ne se présentaient pour nous que sous leur aspect de grandes vacances. Nous échappions aux devoirs, aux examens, à tout le tintouin de l’adolescence. Kratovicé était situé sur la frontière, dans une espèce de cul-de-sac où les sympathies et les relations de famille oblitéraient parfois les passeports, à cette époque où se relâchaient déjà les disciplines de guerre. À cause de son veuvage prussien, ma mère, bien que balte et cousine des comtes de Reval, n’eût pas été réadmise par les autorités russes, mais on ferma longtemps les yeux sur la présence d’un enfant de seize ans. Ma jeunesse me servait de laissez-passer pour vivre avec Conrad au fond de cette propriété perdue où l’on m’avait confié aux bons soins de sa tante, vieille fille à peu près idiote qui représentait le côté russe de la famille, et à ceux du jardinier Michel, qui avait des instincts d’excellent chien de garde. Je me souviens de bains dans l’eau douce des lacs, ou dans l’eau saumâtre des estuaires à l’aurore, de nos empreintes de pieds identiques sur le sable, et bientôt détruites par la succion profonde de la mer ; de siestes dans le foin où nous discutions des problèmes du temps en mâchonnant indifféremment du tabac ou des brins d’herbe, sûrs de faire beaucoup mieux que nos aînés, et ne nous doutant pas que nous n’étions réservés que pour des catastrophes et des folies différentes. Je revois des parties de patinage, des après-midi d’hiver passés à ce curieux jeu de l’Ange, où l’on se jette dans la neige en agitant les bras, de façon à laisser sur le sol des traces d’ailes ; et de bonnes nuits de lourd sommeil dans la chambre d’honneur des fermes lettones, sous le meilleur édredon de duvet des paysannes qu’avaient tout à la fois attendries et effrayées, par ces temps de restrictions alimentaires, nos appétits de seize ans.

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