André Maurois - Nouvelles

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Nouvelles: краткое содержание, описание и аннотация

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В предлагаемый вниманию читателей сборник вошли известные новеллы знаменитого французского писателя Андре Моруа. Неадаптированный текст новелл снабжен комментариями и словарем.
Для учащихся старших классов языковых школ, студентов младших курсов языковых вузов и всех любителей современной французской литературы.

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Son petit appartement débordant de livres, peint en blanc „coquille d’œuf“, avec un bandeau noir, me plut. Tout de suite, j’y fus chez moi. J’enlevai de moi-même, mon chapeau et mon manteau de voyage. J’offris de l’aider à préparer, dans sa cuisine minuscule, notre souper. Il refusa:

— Non, j’ai l’habitude. Prenez un livre. Je vais revenir dans quelques minutes.

Je choisis les Sonnets de Shakespeare et j’eus le temps d’en lire trois qui s’accordaient merveilleusement à l’état d’esprit où je me trouvais. Puis Peter revint, plaça une petite table devant moi et me servit.

— Tout ceci est délicieux, dis-je. Et je m’en réjouis… J’avais faim. Quel homme étonnant vous êtes! Vous faites tout bien. Heureuse la femme qui partage votre vie!

— Aucune femme ne partage ma vie… Mais j’aimerais mieux vous entendre parler de vous. Vous êtes Française, cela va de soi? Vous partez pour l’Amérique?

— Oui, je vais épouser un Américain.

Il ne parut ni surpris, ni mécontent.

— Vous l’aimez?

— Je dois l’aimer puisque j’ai décidé de le prendre pour compagnon permanent.

— Ce n’est pas toujours une raison, dit-il. Il y a des mariages vers lesquels on s’est laissé glisser, de manière insensible et lente, sans vraiment les vouloir. Soudain l’on se trouve devant l’engagement pris. On n’a plus le courage de reculer. Voilà un destin manqué… Mais j’ai tort de vous dire ces choses pessimistes, quand je ne sais rien de votre choix. Il n’est pas probable qu’une femme de votre qualité se soit trompée… La seule chose qui m’étonne…

Il s’arrêta.

— Dites… Ne craignez pas de me froisser. Je suis l’être le plus lucide… je veux dire le plus capable de regarder ses propres actions de l’extérieur en les observant et en les jugeant.

— Eh bien! reprit-il, la seule chose qui m’étonne, c’est, non qu’un Américain ait pu vous plaire (il y en a de très remarquables, et même de très attirants), mais que vous ayez souhaité passer avec lui, dans son pays, toute votre vie… Vous allez trouver là-bas, vraiment, un „nouveau monde“ [324] Un „nouveau monde“ — on appelait autrefois l’Amérique le Nouveau monde. dont les valeurs ne sont pas les vôtres… Peut-être sont-ce là préjugés d’Anglais… Peut-être aussi votre fiancé est-il en lui-même assez parfait pour que vous n’attachiez aucune importance à la société qui entourera votre couple.

Je réfléchis un instant. Il me semblait, je ne savais pourquoi, que tout ce que je disais à Peter Dunne était d’une extraordinaire importance et que j’avais le devoir de traduire pour lui, exactement, les moindres nuances de mes pensées.

— Ne croyez pas cela, dis-je. Jack (mon futur mari) n’est pas un homme parfait et je suis certaine qu’il ne pourrait suppléer, par lui-même, à l’absence d’un milieu qui me soit sympathique… Jack est un charmant garçon, très honnête homme, qui sera pour moi un bon mari en ce sens qu’il ne me trompera pas et me fera des enfants sains. Mais en dehors de ces enfants, de ses affaires, de la politique et des anecdotes sur nos amis, nous aurons peu de sujets d’intérêt communs… Comprenez-moi bien. Jack n’est pas du tout inintelligent; il est un homme d’affaires très adroit; il a un certain instinct de la beauté, un goût assez sûr… Seulement poèmes, tableaux, musique ne sont pas importants à ses yeux. II n’y pense jamais… Est-ce si grave? Après tout, l’art n’est qu’une des activités humaines.

— Sans doute, dit Peter Dunne… On peut être un homme très sensible sans aimer les arts, ou plutôt sans les connaître! Et même je préfère une franche indifférence à un snobisme [325] snobisme (m) — vanité qui consiste à afficher une origine aristocratique, des goûts raffinés et à la mode, etc. actif et bruyant. Mais pour être le mari d’une femme telle que vous… A-t-il au moins cette finesse du cœur qui permet de deviner les mouvements secrets de celle à côté de qui l’on vit?

— Il ne cherche pas si loin… Je lui plais; il ne sait pas pourquoi; il ne se pose pas la question. Il ne doute pas de me rendre heureuse… N’aurai-je pas un mari travailleur, un appartement dans Park Avenue, une voiture de grande classe et d’excellents serviteurs noirs, choisis par sa mère qui est de Virginie? [326] Park Avenue [pa: k ' ævinju: ] (angl.) — rue aristocratique de New York; Virginie — l’un des Etats unis de l’Amérique du Nord. Qu’est-ce qu’une femme peut vouloir de plus?

— Ne soyez pas sarcastique, dit-il. Le sarcasme est toujours signe d’une mauvaise conscience. Quand il s’applique aux êtres que l’on devrait aimer, il tue toute affection… Mais oui… Et c’est très grave. La seule chance de salut est dans une attitude vraiment tendre et charitable envers tes hommes. Presque tous sont si malheureux…

— Je ne crois pas que Jack soit malheureux. Il est un Américain bien adapté à la société qui est la sienne et qu’il tient honnêtement, pour la meilleure du monde. De quoi douterait-il?

— Bientôt de vous. Vous lui enseignerez la souffrance.

Je ne sais si je suis arrivée à vous faire sentir que j’étais, cette nuit-là, dans un état d’esprit qui me disposait à tout accepter. Il était assez extraordinaire que je fusse, à une heure du matin, seule dans l’appartement d’un Anglais que j’avais rencontré, quelques heures plus tôt, sur un aérodrome. Il était plus étonnant encore que je lui eusse fait des confidences sur ma vie personnelle et sur mes projets d’avenir. Enfin il était stupéfiant qu’il me donnât des conseils et que je les entendisse avec une sorte de respect.

Mais c’était ainsi. Il émanait de Peter une bonté et une dignité qui rendaient la situation toute naturelle. Non qu’il prît des allures de prophète, ni de prédicateur. Loin de là. C’était un homme sans affectation. Il riait de bon cœur si je faisais une remarque amusante. Seulement on devinait en lui un sérieux direct [327] on devinait en lui un sérieux direct — on devinait qu’il était sérieux et sincère en toutes choses. , qui est la chose du monde la plus rare… Oui, c’est cela… Un sérieux direct… Vous comprenez? La plupart des gens ne disent pas ce qu’ils pensent. Derrière leurs phrases, il y a toujours une arrière-pensée. L’idée qu’ils expriment en masque une autre, qu’ils veulent tenir bien cachée… Ou bien ils disent n’importe quoi, sans penser. Peter, lui, se conduisait comme certains personnages de Tolstoï. Il allait droit au fond des choses. Cela me frappa tant que je lui demandai:

— Avez-vous du sang russe?

— Pourquoi? Il est étonnant que vous me posiez cette question. Oui, ma mère était Russe; mon père, Anglais.

Je fus si fière de ma petite découverte que je continuai à l’interroger:

— Vous n’êtes pas marié? Vous ne l’avez jamais été?

— Non… Parce que… Cela va vous paraître orgueilleux… Je me réserve pour quelque chose de plus grand.

— Pour un grand amour?

— Pour un grand amour, mais qui ne sera pas l’amour d’une femme. J’ai le sentiment qu’il y a, au-delà des apparences misérables de ce monde, quelque chose de très beau pour quoi il faut vivre.

— Et ce „quelque chose“, vous le trouvez dans la musique religieuse?

— Oui, et dans les poètes. Comme aussi dans les Evangiles. Je voudrais faire, de ma vie, une chose très pure. Je vous demande pardon de parler ainsi de moi, et de manière si… emphatique… si peu britannique… mais il me semble que vous comprenez si bien… si vite…

Je me levai et allai m’asseoir à ses pieds. Pourquoi? Je ne saurais vous le dire. Je ne pouvais faire autrement.

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