Paul Colize - Back Up

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Back Up: краткое содержание, описание и аннотация

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Quel rapport entre la mort en 1967 des musiciens du groupe de rock Pearl Harbor et un SDF renversé par une voiture à Bruxelles en 2010 ? Lorsque l’homme se réveille sur un lit d’hôpital, il est victime du
, incapable de bouger et de communiquer. Pour comprendre ce qui lui est arrivé, il tente de reconstituer le puzzle de sa vie. Des caves enfumées de Paris, Londres et Berlin, où se croisent les Beatles, les Stones, Clapton et les Who, à l’enfer du Vietnam, il se souvient de l’effervescence et de la folie des années 1960, quand tout a commencé…
Paul Colize est né en 1953 et vit près de Bruxelles. Quand il n'écrit pas, il est consultant, amateur de badminton et joue du piano. Biographie de l'auteur

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Gunther a demandé ce qu’il devait lui répondre.

J’étais d’accord sur le principe.

Gunther a repris le téléphone et traduit ma réponse. Le patron du Viktoria lui a transmis un numéro de téléphone, il fallait rappeler immédiatement, faute de quoi la mission me passerait sous le nez.

Gunther a formé le numéro dans la foulée. Il est tombé sur un type surexcité qui s’appelait Karl. Je l’entendais hurler au téléphone malgré le vacarme qui régnait au Graffiti.

Je devais sauter dans le premier taxi et rappliquer à toute allure. Je ne devais pas me préoccuper du matériel, une batterie était sur place et trois guitaristes attendaient. Je recevrais six cents marks pour la soirée et mes taxis me seraient remboursés.

Je n’ai fait ni une ni deux, j’ai accepté. Gunther a conclu l’accord et le dénommé Karl lui a donné l’adresse.

Six cents marks. C’était bien payé pour un back up de quelques heures, mais c’était une somme dérisoire pour la ruine d’une vie.

Je suis sorti du Graffiti. Une pluie glaciale tombait droit sur les pavés. J’ai couru jusqu’à la place Wagner et me suis précipité dans un taxi.

L’endroit se trouvait dans la Wegelystrasse, au fond de l’avenue du 17 juin, à la limite ouest du Tiergarten. Le taxi s’est arrêté devant un immeuble sans âme comme Berlin en comptait des centaines.

Un homme trépignait d’impatience devant l’entrée. Il était penché en avant et avait relevé son manteau au-dessus de sa tête pour se protéger de la pluie. Il s’est rué dès qu’il m’a vu sortir du taxi. Il s’appelait Karl. Il m’a saisi par le bras et m’a entraîné vers l’immeuble.

Le portail d’entrée ouvrait sur une vaste cour intérieure. Pendant que nous la traversions au pas de course, il m’a lancé quelques mots en allemand. J’ai répondu en anglais que je ne comprenais pas. Il a aussitôt embrayé. Il vomissait ses mots dans le plus grand désordre, mais j’ai saisi l’essentiel du message.

J’allais participer à une séance d’enregistrement. Le groupe était normalement constitué de quatre membres, tous anglais, mais le batteur était tombé malade à la dernière minute. Hormisles trois musiciens et lui-même, personne ne savait et ne devait savoir que je n’étais pas le batteur attitré. Moins j’en dirais, mieux cela vaudrait. Le bassiste me brieferait à l’arrivée. Si je voulais mon argent, je devais jouer le jeu, faire mine de les connaître et m’excuser pour le retard. Je n’avais qu’à prétexter un problème familial.

Pour six cents marks, j’étais prêt à jurer que ma grand-mère venait de succomber à une overdose.

Nous sommes descendus dans un sous-sol dont la porte d’entrée se trouvait au fond de la cour. Nous avons parcouru un labyrinthe de couloirs étroits pour débouler dans une petite salle basse.

L’atmosphère était irrespirable. Le chauffage refoulait, la pièce sentait le moisi. Des effluves de haschich flottaient dans l’air.

Les guitaristes accordaient leur instrument et testaient le matériel. Deux techniciens s’agitaient, l’un était dans le studio et ajustait les micros, l’autre s’affairait dans la cabine. Elle était équipée d’une table de mixage et de deux gros enregistreurs. C’étaient des Studer, du haut de gamme. Je connaissais la marque, mais je n’avais jamais vu ces modèles.

En plus des musiciens et des techniciens, trois hommes étaient présents. Ils étaient debout, immobiles dans le fond de la cabine et observaient les préparatifs. Leur costume strict et leur coupe de cheveux conformiste détonnaient dans le décor. Karl est allé les rejoindre et a débité un monologue sans fin.

Le bassiste est venu à ma rencontre et m’a engueulé pour le retard. Il avait le visage creusé et la peau sur les os. J’ai mâchonné quelques mots d’excuse. Il m’a indiqué la batterie d’un geste autoritaire et m’a ordonné de me mettre en place.

J’ai fait ce qu’il disait sans rechigner, cela faisait partie du scénario. Je me suis installé, l’air penaud. La batterie était une Ludwig en bon état.

Pendant que je prenais mes marques, le bassiste a tourné le dos à la cabine et m’a demandé si je savais compter jusqu’à huit. Il semblait à bout de nerfs. Sans attendre de réponse, il a précisé que la soirée tournerait autour d’une de leurs compositions. Le morceau s’intitulait Girls Just Wanna Get Fucked All Night et débutait par un riff de guitare sur quatre mesures. Il entrerait ensuite. Après quatre nouvelles mesures, ce serait à l’autre guitariste et à la batterie d’entrer en piste. Il était prêt à accepter une mauvaise prise, pas deux, je n’avais qu’à m’adapter. Il m’a conseillé d’en garder sous la pédale pour le pont.

Pour conclure, il a annoncé qu’il attendait de moi autre chose que du rock de tapette.

Il s’est éloigné et l’un des guitaristes est venu me trouver. Contrairement au bassiste, il semblait détendu et en pleine forme. Il souriait comme s’il venait de faire une bonne blague dans le dos de quelqu’un. Il portait de longs cheveux décolorés et une bague à chaque doigt.

En faisant mine d’accorder sa gratte, il m’a lâché quelques informations à mi-voix. Le plan leur était tombé dessus l’avant-veille. Karl était venu les voir au club où ils se produisaient et leur avait proposé cet enregistrement. Il se nommait Jim Ruskin, le bassiste était Larry Finch et le second guitariste Steve Parker. J’étais censé être Paul McDonald. Le groupe s’appelait Pearl Harbor. Le vrai Paul McDonald s’était offert un popper aux nitrites d’amyle pour faire le plein d’octane et l’avait mal encaissé.

Jim n’avait que cinq cordes à sa guitare. Il a suivi la direction de mon regard. C’était l’un de ses traits de génie, il avait enlevé le mi grave et avait accordé son instrument en sol. J’allais voir comment on faisait cracher les tripes d’une Gibson.

Il m’a discrètement tendu la main en m’adressant un clin d’œil. Il tenait dans sa paume une petite boulette noirâtre et quelques morceaux de papier de la taille d’un timbre. Il m’a demandé si je préférais de l’afghan primo ou un peu de lysergesäurediathylamid.

Il transportait du bon matos, l’afghan primo était le meilleur hasch sur le marché, mais il n’était pas aisé de s’en procurer. J’avais eu l’occasion d’en prendre une ou deux fois à Londres. Des veines blanches couraient dans la résine. Birkin m’avait assuré que c’était de la crotte de chèvre et que cela servait de liant. Quant à l’acide, c’était l’occasion de faire ma première expérience. J’ai pris les morceaux de papier et les ai enfouis dans ma bouche.

Quand tout le monde était en place, Larry a fait un signe aux techniciens. Il s’est ensuite tourné vers Steve. Ce dernier était assis sur une chaise et grimaçait, la tête entre les mains. Il s’est levé, l’air maussade.

Larry a pointé un index vers le haut et a attendu que le silence total s’installe.

Il a claqué quatre fois dans les doigts et un grondement de tonnerre a jailli.

Le riff de Steve était sauvage, féroce et jubilatoire. Il produisait du Larsen et saturait à tout va. Après la quatrième mesure, la basse de Larry est entrée dans la danse. C’était un ronflement informe et monstrueux. J’ai composé un fill d’intro et je suis entré avec Jim.

L’enfer s’est déchaîné. Pearl Harbor avait inventé quelque chose.

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