Michael Smith - Nulle part sur la terre

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Nulle part sur la terre: краткое содержание, описание и аннотация

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« De temps à autre apparaît un auteur amoureux de son art, du langage écrit et des grands mystères qui résident de l'autre côté du monde physique. Il y avait William Faulkner, Cormac McCarthy ou Annie Proulx. Vous pouvez maintenant ajouter Michael Farris Smith à la liste. »
James Lee Burke Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle n'a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le pire. Elle se trompe.
Russel a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d'arriver à son terme. Il retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C'est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l'attendent.
Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu'à un fil.
Michael Farris Smith possède un style et un talent d'évocation totalement singuliers qui vont droit au cœur du lecteur. Avec ces personnages qui s'accrochent à la vie envers et contre tout, il nous offre un magnifique roman sur la condition humaine.
Michael Farris Smith vit à Oxford, Mississippi. Après
(Super 8 éditions, 2015),
est son deuxième roman.

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« Et si on rentrait à la maison ? dit-elle.

— Je suis occupé, là, dit-il en montrant son verre.

— Allez, Larry. Laisse-moi me faire pardonner. »

Il finit son bourbon et en demanda un deuxième à Earl. Puis dit à Heather vas-y, toi, je te rejoins tout à l’heure.

« Promis ?

— Vas-y, je te dis. »

Elle se leva, l’embrassa sur la joue, puis s’en alla. Avant de franchir la porte, elle tourna la tête pour voir s’il la regardait, mais il n’avait pas bougé.

Walt attendit que Larry ait fini son verre, puis il prit la place libérée par Heather et dit j’imagine que tu as passé l’éponge.

« Me parle pas.

— C’est un disque rayé, cette fille.

— Sans déconner.

— Elle se fout de ta gueule. »

Walt ne vit pas arriver la droite violente qui le renversa, mais Larry eut l’indulgence de viser le côté de la tête plutôt que le nez, et une fois que les deux frères se furent relevés et qu’Earl les eut séparés, ils se rassirent côte à côte et se remirent à boire.

Ils éclusèrent pendant des heures en regardant la télé, et ni l’un ni l’autre ne bougèrent, sauf pour aller aux toilettes, et pour finir Larry s’en alla, laissant Walt payer la note, et il roula jusqu’au bout de Delaware, là où l’avenue se prolongeait par l’autoroute. Il s’arrêta à une station-service, acheta un pack de bières, puis mit le cap sur la Louisiane. Une pleine brassée d’étoiles constellait le ciel d’été, et il continua de rouler en fumant, les vitres tout juste assez baissées pour laisser passer un filet d’air chaud qui s’engouffrait et tourbillonnait autour de lui. Il régla le limiteur de vitesse, conscient que si jamais il se faisait contrôler il retournerait directement à la case prison. Il se renfonça dans son siège, une cannette entre les jambes. Buvant à grandes rasades. Une portion d’autoroute qui n’exprimait que la solitude. Il avait vidé deux cannettes quand il atteignit la frontière d’État, après quoi il ne restait plus qu’un kilomètre pour atteindre Kentwood. Il prit la bretelle de sortie et bifurqua à droite, loin des lumières des fast-foods et des stations-service.

Il roula encore quelques kilomètres, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien autour de lui que des clôtures, une boîte aux lettres ici et là, et dans cette partie de la région la nuit semblait ouvrir grand la bouche pour avaler la terre et tout ce qui la traversait. Il arriva à un croisement, tourna à gauche, et la route s’étrécit, quittant les plaines pour s’enfoncer entre les arbres, et soudain il fit plus noir encore. Il ralentit, guetta l’endroit où il devrait tourner de nouveau. Après le deuxième virage, il s’engagea sur un chemin signalé par une boîte aux lettres recouverte de lierre fleuri. Il éteignit les phares et s’approcha de la maison. Il s’arrêta à vingt mètres et regarda la maison par la vitre ouverte. La brique rouge qu’elle avait voulue, et les colonnades blanches qu’elle avait voulues, et les deux cheminées qu’il avait voulues. Pas un seul centimètre carré de cette maison n’était sorti de terre sans qu’il mette la main à la pâte. La lumière était allumée au-dessus de la porte, et aucune à l’intérieur. Il posa sa bière de côté, sortit du pick-up, et, quand il claqua la portière, la lumière s’alluma à la fenêtre de sa chambre et son ombre se profila derrière le rideau et elle l’écarta pour voir qui c’était.

Il s’approcha de la porte et s’arrêta. Ne l’effraie pas.

Elle ouvrit et avança sous la lumière, vêtue d’un peignoir court enfilé à la hâte et les cheveux plus longs que la dernière fois qu’il l’avait vue. Descendant jusque sous ses épaules et légèrement plus clairs. Il mit les mains dans ses poches et s’efforça de se donner l’air le plus inoffensif possible.

« T’es pas censé venir ici, dit-elle.

— Je sais, dit-il en avançant lentement d’un pas vers elle.

— Pour de vrai, Larry. Il faut que tu partes.

— Je voulais simplement savoir comment tu allais.

— Il est tard.

— Il est là ? »

Elle jeta un coup d’œil derrière lui, comme s’il pouvait y avoir quelque chose là-bas, dehors dans le noir, ou quelqu’un.

« Bien sûr qu’il est là. Il dort. Et moi aussi je dormais », dit-elle.

Quelque part dans les bois qui cernaient la maison, un cri de bête blessée retentit. Il tourna la tête, cherchant à repérer d’où provenait le bruit.

« Qu’est-ce que tu veux, Larry ? demanda-t-elle.

— Tu crois que je pourrais entrer et lui dire un mot ?

— Non, Larry. Bon sang, non.

— Rien qu’une minute, Dana. Je te le jure.

— Tu as bu ?

— Un peu.

— Il faut que tu t’en ailles. »

Il savait que tous les flics et tous les tribunaux de Kentwood étaient du même avis, et il savait qu’il ne l’avait pas volé. Même à cet instant, ivre comme il était, il le savait bien. Il ne pouvait pas voir son fils, et il n’était pas censé s’approcher d’elle à moins de tant de mètres, et il était conscient d’être le seul responsable de cette situation. Il en avait été décidé ainsi depuis longtemps, et il n’avait pas oublié. Mais il était venu jusqu’ici, ignorant tout cela et espérant qu’elle pourrait elle aussi fermer les yeux, mais il comprit qu’elle n’avait rien perdu de sa force de caractère.

« Paraît que tu vas te remarier », dit-il.

Elle hocha la tête.

« T’es sûre de vouloir retenter le coup ?

— Tu l’as bien fait, toi.

— Bien pour ça que je te demande. C’est pas parce que tu changes de bonhomme que ça sera forcément mieux.

— Je vais quand même essayer.

— Ça peut pas être pire, de toute façon, hein ? dit-il.

— Si c’est comme ça que tu vois les choses. »

Il vacilla et manqua tomber par terre.

« Je vais rentrer, et toi tu vas partir. Tout de suite. Fais en sorte que ça n’aille pas plus loin.

— Il va jouer dans l’équipe poussins cet été ?

— Il est trop vieux pour l’équipe poussins.

— Déjà ? Merde. »

Larry murmura dans sa barbe. Traça un X sur le sol avec le talon de sa botte.

« Je pourrais entrer, juste le voir ? Je dirai rien. Je veux juste le regarder une seconde.

— Hors de question.

— Il a grandi ?

— Tu t’en rendrais pas compte, même si tu le voyais. Il est allongé quand il dort.

— Putain, Dana. Je sais bien, ça. Alors, il a grandi ou pas ? »

Elle croisa fermement les bras.

« Oui. Il est grand, dit-elle. Maintenant rentre chez toi. Je ne te le répéterai pas. Va-t’en. »

Elle le regarda comme avant, quand elle voulait qu’il devienne meilleur, puis elle rentra dans la maison. Le verrou s’enclencha et les lumières s’éteignirent, celle du porche d’abord, puis celle de la chambre, et il sentit qu’elle l’observait. Attendait qu’il parte. La bête blessée hurla de nouveau dans les bois. Pour la dernière fois, aurait-on dit. Il remonta au volant du pick-up, fit marche arrière et attendit d’avoir rejoint la route pour rallumer ses phares.

Il éprouvait souvent une grande sérénité lorsqu’il roulait sur les chemins de l’arrière-pays au plus profond de la nuit : les routes désertes, ce sentiment d’être séparé de tout ce qui vivait là-bas dans les lumières de la ville. Mais cette sérénité pouvait tout aussi bien se briser et s’éparpiller dans les recoins les plus sombres de la campagne quand il était soudain submergé par les pensées haineuses qui l’habitaient — l’épouse qu’il n’avait plus, et le fils qu’il ne pouvait pas voir, et la femme qui était la sienne aujourd’hui, et les hommes qui fricotaient avec elle, et les morts qui ne reviendraient jamais, et les vivants qui reviendraient toujours. Et alors il enrageait contre l’objet le plus saillant de sa haine, et il regardait dans le rétroviseur et cet objet était là et lui rendait son regard, et il était facile de haïr tout le reste, mais se haïr soi-même était une torture, et c’était dans ces moments d’introspection, au comble de l’ivresse et de l’ignominie, qu’il comprenait qu’il finirait un jour par tuer l’homme, Russell Gaines, qui avait tué Jason. Et plus les années passaient, moins il arrivait à se défaire de cette révélation quand se dessinait à l’horizon la première lueur de l’aube.

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