Anne Gavalda - Ensemble, c’est tout

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Ensemble, c’est tout: краткое содержание, описание и аннотация

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"Et puis, qu'est-ce que ça veut dire, différents ? C'est de la foutaise, ton histoire de torchons et de serviettes... Ce qui empêche les gens de vivre ensemble, c'est leur connerie, pas leurs différences... " Camille dessine. Dessinais plutôt, maintenant elle fait des ménages, la nuit. Philibert, aristo pur jus, héberge Franck, cuisinier de son état, dont l'existence tourne autour des filles, de la moto et de Paulette, sa grand-mère. Paulette vit seule, tombe beaucoup et cache ses bleus, paniquée à l'idée de mourir loin de son jardin. Ces quatre là n'auraient jamais dû se rencontrer. Trop perdus, trop seuls, trop cabossés... Et pourtant, le destin, ou bien la vie, le hasard, l'amour -appelez ça comme vous voulez -, va se charger de les bousculer un peu. Leur histoire, c'est la théorie des dominos, mais à l'envers. Au lieu de se faire tomber, ils s'aident à se relever."

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« Jusqu'à présent, j'avais vécu dans les champs, j'allais à la pêche tous les soirs après l'école, l'hiver mon pépé m'emmenait aux champignons, à la chasse, au café... J'étais toujours dehors, toujours en bottes, toujours en train de jeter mon vélo dans les buissons pour aller apprendre le métier avec les braconniers et puis me voilà dans un HLM pourri dans une banlieue de merde, coincé entre quatre murs, une télé et un autre môme qui se récoltait toutes les douceurs... Alors j'ai pété les plombs. J'ai... Non... Peu importe... Trois mois plus tard, elle m'a remis dans le train en me répétant que j'avais tout gâché...

« T'as tout gâché, t'as tout gâché... Quand je suis monté dans la Simca de mon pépé, ça résonnait encore dans ma petite tête. Et le pire, tu vois, c'est que... — C'est que quoi ?

— C'est qu'elle m'a pété en mille morceaux, cette conne... Après ça n'a plus jamais été comme avant... J'étais plus dans l'enfance, j'en voulais plus de leurs câlins et de toute cette merde... Parce que le pire qu'elle ait fait, c'était pas tellement de revenir me prendre, le pire, c'est toutes les horreurs qu'elle m'a dit sur ma grand-mère avant de me jeter encore une fois. Comment elle m'a flingue là tête avec ses bobards... Que c'était sa mère qui l'avait forcée à m'abandonner avant de la mettre à la porte. Que elle, elle avait tout fait pour m'emmener avec elle mais qu'ils avaient sorti le fusil et tout ça...

— C'était des conneries ?

— Bien sûr... Mais je le savais pas, moi, à ce moment-là... Je ne comprenais plus rien et puis, peut-être que j'avais envie de la croire aussi ? Peut-être bien que ça m'arrangeait de penser qu'on nous avait séparés de force et que si mon pépé n'avait pas sorti son tromblon, j'aurais eu la même vie que tout le monde et que personne ne m'aurait traité de fils de pute derrière l'église... Ta mère, c'est une putain qu'y disaient et toi, t'es qu'un bâtard. Des mots que je ne comprenais même pas... Pour moi, un bâtard, c'était du pain... Un vrai couillon, je te dis...

— Et après ?

— Après je suis devenu un sale cpn... J'ai fait tout; ce que j'ai pu pour me venger... Pour les faire payer de m'avoir privé d'une maman si gentille...

Il ricanait.

— J'ai bien réussi... J'ai fumé les gauloises de mon pépé, volé dans le porte-monnaie des courses, foutu l! bordel au collège, je me suis fait renvoyer et j'ai passé le plus clair de mon temps assis sur une mob ou dans les arrière-salles des cafés à monter des coups et tripoter les filles... De ces mochetés... T'aurais même pas idée... J'étais le caïd. Le meilleur. Le roi des merdeux...

— Et après ?

— Après dodo. La suite au prochain épisode...

— Alors ? T'as pas envie de me prendre dans tes bras maintenant ?

— J'hésite... T'as pas été violé quand même...

Il se pencha vers elle :

— Tant mieux. Parce que moi j'en voudrais pas de tes bras. Enfin pas comme ça... Plus comme ça... J'y ai longtemps joué à ce petit jeu-là, mais plus maintenant... Ça ne m'amuse plus. Ça marche jamais... 'Tain, mais t'as combien de couvertures, là ?

— Euh... Trois plus l'édredon...

— C'est pas normal, ça... C'est pas normal que t'aies toujours froid, que tu mettes deux heures à te remettre d'un trajet en moto... Il faut que tu grossisses, Camille...

— ...

— Toi aussi, tu... J'ai pas vraiment l'impression que t'aies un bel album de photos avec ta famille qui rigole autour de toi, si ?

— Non.

— Tu le raconteras un jour ?

— Peut-être...

— Tu sais je... je te ferai plus jamais chier avec ça...

— Avec quoi ?

— Je te parlais de Fred tout à l'heure en te disant que c'était mon seul pote, mais j'ai tort. J'en ai un autre... Pascal Lechampy, le meilleur pâtissier du monde... Retiens bien son nom, tu verras... Ce mec, c'est un dieu. Du simple sablé au saint-honoré en passant par les tartes, le chocolat, les mille-feuilles, le nougat, les choux ou n'importe quoi, tout ce qu'il touche se transforme en inoubliable. C'est bon, c'est beau, c'est fin, c'est étonnant et c'est hyper maîtrisé. J'en ai croisé des bons ouvriers dans ma vie, mais lui c'est autre chose encore... C'est la perfection. Un type adorable en plus de ça... Une crème, un Jésus, une vraie tarte au sucre... Eh ben, y se trouve que ce mec était énorme. Énormis-sime. Jusque-là, pas de problème... On en a vu d'autres... Le problème, c'est qu'il fouettait affreusement... Tu pouvais pas te tenir à côté de lui un moment sans avoir la gerbe. Bon, je te passe les détails, les moqueries, les réflexions, les savons déposés dans son casier et tout le bazar... Un jour on s'est retrouvés dans la même chambre d'hôtel parce que je l'avais accompagné à un concours pour lui servir d'assistant... La démonstration a lieu, bien sûr il la gagne, mais moi, à la fin de la journée, je te dis pas dans quel état j'étais... Je pouvais même plus respirer et j'avais l'intention de passer la nuit dans un bar plutôt que de rester une minute de plus dans son sillage... Ce qui m'étonnait quand même, c'est qu'il avait pris une douche le matin, je le savais : j'y étais. Finalement on rentre à l'hôtel, je picole pour m'anesthésier et finis par lui en parler... T'es toujours là?

— Oui, oui, je t'écoute...

— Je lui dis : Merde Pascal, tu pues. Tu pues la mort, vieux. C'est quoi ce bordel ? Tu te laves pas ou quoi ? Et là, t'as ce gros nounours, ce mec monstrueux, ce pur génie avec son gros rire et sa montagne de graisse qui se met à pleurer, à pleurer, à pleurer... Comme une fontaine... Un truc affreux, des gros sanglots de bébé et tout... Il était inconsolable, ce crétin... Putain, j'étais mal... Au bout d'un moment, le voilà qui se fout à poil, comme ça, sans prévenir... Alors, je me retourne, je vais pour aller dans la salle de bains et y m'attrape par le bras. Y me dit : « Regarde-moi, Lestaf, regarde-moi cette merde... » Putain, je... J'ai failli tourner de l'œil dis donc !

— Pourquoi ?

— D'abord son corps... C'était carrément ragoûtant. Mais surtout, et c'est ce qu'il voulait me montrer, c'était... ah... rien que d'y penser, ça me débecté encore... C'étaient des espèces de plaques, de croûtes, de ce je sais pas quoi qu'il avait entre ses plis de peau... Et c'était ça qui puait, cette espèce de gale sanguinolente... Putain, je te jure, j'ai picolé toute la nuit pour m'en remettre... En plus, il me racontait qu'il avait super mal quand il se lavait mais qu'il frottait comme un dingue pour faire partir l'odeur et qu'il s'aspergeait de parfum en serrant les dents pour ne pas pleurer... Quelle nuit, quelle angoisse, quand j'y repense...

— Et après ?

— Le lendemain, je l'ai traîné à l'hosto, aux urgences... C'était à Lyon, je me souviens... Et même le mec, il a chancelé quand il a vu ça. Il lui a nettoyé ses plaies, il lui a filé plein de trucs, une super ordonnance avec des pommades et des cachets dans tous les sens. Il lui a fait la leçon pour qu'il maigrisse et à la fin quand même, il lui a dit : « Mais pourquoi vous avez attendu si longtemps ? » Pas de réponse. Et moi, sur le quai de la gare, je suis revenu à la charge : « C'est vrai, bordel, pourquoi t'as attendu si longtemps ? » « Parce que j'avais trop honte... »„ il a répondu en baissant la tête. Et là, je me suis juré que c'était la dernière fois.

— La dernière fois que quoi ?

— Que j'emmerdais les gros... Que je les méprisais, que... Enfin, tu vois quoi, que je jugeais les gens à leur physique... Donc, et on en revient à toi... Pas de jaloux, c'est pareil pour les maigres. Et même si j'en pense pas moins, même si j'ai la certitude qu'avec quelques kilos en plus, t'aurais moins froid et que tu serais plus appétissante, je t'en parlerai plus. Parole d'ivrogne.

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