Anna Gavalda - Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part

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Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part: краткое содержание, описание и аннотация

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Les personnages de ces douze nouvelles sont pleins d'espoirs futiles, ou de desespoir grave. Us ne cherchent pas a changer le monde. Quoi qu'il leur arrive, ils n'ont rien a prouver. Ils ne sont pas herolques. Simplement humains. On les croise tous les jours sans leur preter attention, sans se rendre compte de la charge d'emotion qu'ils transportent et que revele tout a coup la plume si juste d'Anna Gavalda. En pointant sur eux ce projecteur, elle eclaire par ricochet nos propres existences.

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La vendeuse a dit:

– Une reliure blanche ou une reliure noire? Et la voilà qui se morfond de nouveau (blanche? ça fait un peu cul-cul communiante non mais noire, ça fait carrément trop sûre de soi, genre thèse de doctorat non malheur de malheur). Finalement la jeunette s'impatiente:

– C'est quoi exactement?

– Des nouvelles…

– Des nouvelles de quoi?

– Non, mais pas des nouvelles de journaux, des nouvelles d'écriture vous voyez C'est pour envoyer à un éditeur…

– … Ouais… bon ben ça nous dit pas la couleur de la reliure ça…

– Mettez ce que vous voulez je vous fais confiance (alea jacta est)

– Ben dans ce cas-là, je vous mets du turquoise parce qu'en ce moment on fait une promo sur le turquoise: 30 francs au lieu de 35… (Une reliure turquoise sur le bureau chic d'un éditeur élégant de la rive gauche… gloups.)

– D'accord, va pour le turquoise (ne contrarie pas le Destin ma fille).

L'autre soulève le couvercle de son gros Rank Xerox et te manipule ça comme de vulgaires polycopiés de droit civil et vas-y que je te retourne le paquet dans tous les sens et vas-y que je te corne le coin des feuilles.

L'artiste souffre en silence.

En encaissant ses sous, elle reprend la clope qu'elle avait laissée sur sa caisse, et elle lâche:

– Ca parle de quoi vos trucs?

– De tout.

– Ah.

– Mais surtout d'amour.

– Ah?

Elle achète une magnifique enveloppe en papier kraft. La plus solide, la plus belle, la plus chère avec des coins rembourrés et un rabat inattaquable. La Rolls des enveloppes.

Elle va à la poste, elle demande des timbres de collection, les plus beaux, ceux qui représentent des tableaux d'art moderne. Elle les lèche avec amour, elle les colle avec grâce, elle jette un sort à l'enveloppe, elle la bénit, elle fait le signe de la croix dessus et quelques autres incantations qui doivent rester secrètes.

Elle s'approche de la fente "Paris et sa banlieue uniquement", elle embrasse son trésor une dernière fois, détourne les yeux et l'abandonne.

En face de la poste, il y a un bar. Elle s'y accoude, commande un calva. Elle n'aime pas tellement ça mais bon, elle a son statut d'artiste maudite à travailler maintenant. Elle allume une cigarette et, a partir de cette minute, on peut le dire, elle attend.

Je n'ai rien dit à personne.

– Hé? qu'est-ce que tu fais avec la clef de la boîte aux lettres en sautoir?

– Rien.

– Hé? qu'est-ce que tu fais avec toutes ces pubs pour Castorama à la main?

– Rien.

– Hé? qu'est-ce que tu fais avec la sacoche du facteur?

– Rien je te dis!…

– Attends… mais t'es amoureuse de lui ou quoi?!

Non. Je n'ai rien dit. Tu me vois répondre: "J'attends la réponse d'un éditeur." La honte.

Enfin… c'est fou ce qu'on reçoit comme pub maintenant, c'est vraiment n'importe quoi.

Et puis le boulot, et puis Micheline et ses faux ongles mal collés, et puis les géraniums à rentrer, et puis les cassettes de Walt Disney, le petit train électrique, et la première visite chez le pédiatre de la saison, et puis le chien qui perd ses poils, et puis Eureka Street pour mesurer l'incommensurable, et puis le cinéma, et les amis et la famille, et puis d'autres émotions encore (mais pas grand chose à côté d'Eureka Street, c'est vrai).

Notre Marguerite s'est résignée à hiberner.

Trois mois plus tard.

ALLÉLUIA!

ALLÉLUIA! ALLÉLU-U-U-U-IA!

Elle est arrivée. La lettre.

Elle est bien légère.

Je la glisse sous mon pull et j'appelle ma Kiki: "Kiiiiiiiikiiiiiii !!!"

Je vais la lire toute seule, dans le silence et le recueillement du petit bois d'à côté qui sert de canisette à tous les chiens du quartier. (Notez que même dans de tels moments, je reste lucide.)

"Madame blablabla, c'est avec un grand intérêt que blablabla et c'est pourquoi blablabla j'aimerais vous rencontrer blablabla, veuillez prendre contact avec mon secrétariat blablabla dans l'espoir de vous blablabla chère madame blablabla… "

Je savoure. Je savoure. Je savoure.

La vengeance de Marguerite a sonne.

– Chéri? Quand est-ce qu'on mange?

– ???… Pourquoi tu me dis ça à moi? Qu'est-ce qui se passe?

– Non rien, c'est juste que j'aurais plus trop le temps pour la popote avec toutes ces lettres d'admirateurs auxquelles il faudra répondre sans parler des festivals, des salons, des foires aux livres… de tous ces déplacements en France et dans les Dom-Tom ahlala… Mon Dieu. Au fait, bientôt visite régulière chez la manucure parce que tu sais… pendant les séances de signature c'est important d'avoir les mains impeccables… c'est fou comme les gens fantasment avec ça…

– C'est quoi ce délire?

Marguerite laisse "s'échapper" la lettre de l'éditeur élégant de la rive gauche sur le ventre rebondi de son mari qui lit les petites annonces d'Auto Plus.

– Attends mais hé! Où tu vas là?!

– Rien, j'en ai pas pour longtemps. C'est juste un truc que j'ai à dire à Micheline. Fais-toi beau je t'emmène à l'Aigle Noir ce soir…

– A l'Aigle Noir!???

– Oui. C'est là que Marguerite aurait emmené son Yann je suppose…

– C'est qui Yann?

– Pffffff laisse tomber va… Tu ignores tout du monde littéraire.

J'ai donc pris contact avec le secrétariat. Un très bon contact je crois car la jeune femme a été plus que charmante.

Peut-être qu'elle avait un post-it rose fluo collé devant les yeux: "Si A.G. appelle, être TRES charmante!" souligné deux fois.

Peut-être…

Les chéris, ils doivent croire que j'ai envoyé mes nouvelles à d'autres… Ils redoutent d'être pris de vitesse. Un autre éditeur encore plus élégant situé dans une rue encore plus chic de la rive gauche avec une secrétaire encore plus charmante au téléphone avec un cul encore plus mignon.

Ah non, ce serait trop injuste pour eux.

Tu vois le désastre si je cartonne sous une autre jaquette tout ça parce que Machinette n'avait pas de post-it rose fluo devant les yeux?

Je n'ose pas y penser.

Le rendez-vous est fixé dans une semaine. (On a tous assez traîné comme ça.)

Passé les premiers tracas matériels: prendre un après-midi de congé (Micheline, je ne serai pas là demain!); confier les petits mais pas n'importe où, dans un endroit où ils seront heureux; prévenir mon amour:

– Je vais à Paris demain.

– Pourquoi?

– Pour affaire.

– C'est un rendez-vous galant?

– Tout comme.

– C'est qui?

– Le facteur.

– Ah! j'aurais dû m'en douter…

… Survient le seul vrai problème important: comment vais-je m'habiller?

Genre vraie future écrivain et sans aucune élégance parce que la vraie vie est ailleurs. Ne m'aimez pas pour mes gros seins; aimez-moi pour ma substantifique moelle.

Genre vraie future pondeuse de best-seller et avec une permanente parce que la vraie vie est ici. Ne m'aimez pas pour mon talent; aimez-moi pour mes pages people.

Genre croqueuse d'hommes élégants de la rive gauche et pour consommer tout de suite parce que la vraie vie est sur votre bureau. Ne m'aimez pas pour mon manuscrit; aimez-moi pour ma magnifique moelle.

Hé Atala, on se calme.

Finalement je suis trop stressée, tu penses bien que ce n'est pas un jour comme ça qu'il faut penser à son jeu de jambes et perdre un bas sur le tapis. C'est sûrement le jour le plus grave de ma petite existence, je ne vais pas tout compromettre avec une tenue certes irrésistible mais tout à fait encombrante.

(Eh oui! la mini mini jupe est une tenue encombrante.)

Je vais y aller en jean. Ni plus ni moins. Mon vieux 501, dix ans d'âge, vieilli en fût, stone washed avec ses rivets en cuire et son étiquette rouge sur la fesse droite, celui qui a pris ma forme et mon odeur. Mon ami.

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