Anna Gavalda - Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part

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Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part: краткое содержание, описание и аннотация

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Les personnages de ces douze nouvelles sont pleins d'espoirs futiles, ou de desespoir grave. Us ne cherchent pas a changer le monde. Quoi qu'il leur arrive, ils n'ont rien a prouver. Ils ne sont pas herolques. Simplement humains. On les croise tous les jours sans leur preter attention, sans se rendre compte de la charge d'emotion qu'ils transportent et que revele tout a coup la plume si juste d'Anna Gavalda. En pointant sur eux ce projecteur, elle eclaire par ricochet nos propres existences.

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Je sors de là les joues roses et le froid me fouette les jambes.

Il est là, à l'angle de la rue des Saint-Pères, il m'attend, il me voit, il vient vers moi.

– J'ai eu peur. J'ai cru que vous ne viendriez pas. J'ai vu mon reflet dans une vitrine, j'ai admiré mes joues toutes lisses et j'ai eu peur.

– Je suis désolée. J'attendais le résultat de la nocturne de Vincennes et j'ai laissé passer l'heure.

– Qui a gagné?

– Vous jouez?

– Non.

– C'est Beautiful Day qui a gagné.

– Evidemment, j'aurais dû m'en douter, sourit-il en prenant mon bras.

Nous avons marché silencieusement jusqu'à la rue Saint-Jacques. De temps en temps, il me jetait un regard à la dérobée, examinait mon profil mais je sais qu'à ce moment-là, il se demandait plutôt si je portais un collant ou des bas.

Patience mon bonhomme, patience…

– Je vais vous emmener dans un endroit que j'aime bien.

Je vois le genre… avec des garçons détendus mais obséquieux qui lui sourient d'un air entendu: "Bonssouâr monsieur… (voilà donc la dernière… tiens j'aimais mieux la brune de la dernière fois…)… la petite table du fond comme d'habitude, monsieur?… petites courbettes, (…mais où est-ce qu'il les déniche toutes ces nanas?…)… Vous me laissez vos vêtements??? Très biiiiiien."

Il les déniche dans la rue, patate.

Mais pas du tout.

Il m'a laissée passer devant en tenant la porte d'un petit bistrot à vins et un serveur désabusé nous a juste demandé si nous fumions. C'est tout.

Il a accroché nos affaires au portemanteau et à sa demi-seconde de désœuvrement quand il a aperçu la douceur de mon décolleté, j'ai su qu'il ne regrettait pas la petite entaille qu'il s'était faite sous le menton en se rasant tout à l'heure alors que ses mains le trahissaient.

Nous avons bu du vin extraordinaire dans de gros verres ballon. Nous avons mangé des choses assez délicates, précisément conçues pour ne pas gâter l'arôme de nos nectars.

Une bouteille de côte-de-Nuits, Gevray-Chambertin 1986. Petit Jésus en culotte de velours.

L'homme qui est assis en face de moi boit en plissant les yeux. Je le connais mieux maintenant.

Il porte un col roulé gris en cachemire. Un vieux col roulé. Il a des pièces aux coudes et un petit accroc près du poignet droit. Le cadeau de ses vingt ans peut-être… Sa maman, troublée par sa moue un peu déçue, qui lui dit: "Tu ne le regretteras pas, va…"et elle l'embrasse en lui passant la main dans le dos.

Une veste très discrète qui n'a l'air de rien d'autre qu'une veste en tweed mais, comme c'est moi et mes yeux de lynx, je sais bien que c'est une veste coupée sur mesure. Chez Old England, les étiquettes sont plus larges quand la marchandise sort directement des ateliers des Capucines et j'ai vu l'étiquette quand il s'est penché pour ramasser sa serviette.

Sa serviette qu'il avait laissé tomber exprès pour en avoir le coeur net avec cette histoire de bas, j'imagine.

Il me parle de beaucoup de choses mais jamais de lui. Il a toujours un peu de mal à retrouver le fil de son histoire quand je laisse traîner ma main sur mon cou. Il me dit: "Et vous?" et je ne lui parle jamais de moi non plus.

En attendant le dessert, mon pied touche sa cheville.

Il pose sa main sur la mienne et la retire soudain parce que les sorbets arrivent.

Il dit quelque chose mais ses mots ne font pas de bruit et je n'entends rien.

Nous sommes émus.

C'est horrible. Son téléphone portable vient de sonner.

Comme un seul homme tous les regards du restaurant sont braqués sur lui qui l'éteint prestement. Il vient certainement de gâcher beaucoup de très bon vin. Des gorgées mal passées dans des gosiers irrités. Des gens se sont étranglés, des doigts se sont crispés sur les manches des couteaux ou sur les plis des serviettes amidonnées.

Ces maudits engins, il en faut toujours un, n'importe où, n'importe quand. Un goujat.

Il est confus. Il a un peu chaud tout à coup dans le cachemire de sa maman.

Il fait un signe de tête aux uns et aux autres comme pour exprimer son désarroi. Il me regarde et ses épaules se sont légèrement affaissées.

– Je suis désolé… il me sourit encore mais c'est moins belliqueux on dirait.

Je lui dis:

– Ce n'est pas grave. On n'est pas au cinéma. Un jour je tuerai quelqu'un. Un homme ou une femme qui aura répondu au téléphone au cinéma pendant la séance. Et quand vous lirez ce fait-divers, vous saurez que c'est moi…

– Je le saurai.

– Vous lisez les faits-divers?

– Non. Mais je vais m'y mettre puisque j'ai une chance de vous y trouver.

Les sorbets furent, comment dire… délicieux,

Revigoré, mon prince charmant est venu s'asseoir près de moi au moment du café.

Si près que c'est maintenant une certitude. Je porte bien des bas. Il a senti la petite agrafe en haut de mes cuisses.

Je sais qu'à cet instant-là, il ne sait plus où il habite.

Il soulève mes cheveux et il embrasse ma nuque, dans le petit creux derrière.

Il me chuchote à l'oreille qu'il adore le boulevard Saint-Germain, qu'il adore le bourgogne et les sorbets au cassis.

J'embrasse sa petite entaille. Depuis le temps que j'attendais ce moment, je m'applique.

Les cafés, l'addition, le pourboire, nos manteaux, tout cela n'est plus que détails, détails, détails. Détails qui nous empêtrent. Nos cages thoraciques s'affolent.

Il me tend mon manteau noir et là… J'admire le travail de l'artiste, chapeau bas, c'est très discret, c'est à peine visible, c'est vraiment bien calculé et c'est drôlement bien exécuté: en le déposant sur mes épaules nues, offertes et douces comme de la soie, il trouve la demi-seconde nécessaire et l'inclinaison parfaite vers la poche intérieure de sa veste pour jeter un coup d'œil à la messagerie de son portable.

Je retrouve tous mes esprits. D'un coup. Le traître. L'ingrat.

Qu'as-tu donc fait là malheureux!!!

De quoi te préoccupais-tu donc quand mes épaules étaient si rondes, si tièdes et ta main si proche!?

Quelle affaire t'a semblé plus importante que mes seins qui s'offraient à ta vue?

Par quoi te laisses-tu importuner alors que j'attendais ton souffle sur mon dos?

Ne pouvais-tu donc pas tripoter ton maudit bidule après, seulement après m'avoir fait l'amour?

Je boutonne mon manteau jusqu'en haut. Dans la rue, j'ai froid, je suis fatiguée et j'ai mal au coeur.

Je lui demande de m'accompagner jusqu'à la première borne de taxis.

Il est affolé.

Appelle S.O.S. mon gars, t'as ce qu'il faut. Mais non. Il reste stoïque.

Comme si de rien n'était. Genre je raccompagne une bonne copine à son taxi, je frotte ses manches pour la réchauffer et je devise sur la nuit à Paris.

La classe presque jusqu'au bout, ça je le reconnais.

Avant que je ne monte dans un taxi Mercedes noir immatriculé dans le Val-de-Marne, il me dit:

– Mais… on va se revoir, n'est-ce pas? Je ne sais même pas où vous habitez… Laissez-moi quelque chose, une adresse, un numéro de téléphone…

Il arrache un bout de papier de son agenda et griffonne des chiffres.

– Tenez. Le premier numéro, c'est chez moi, le deuxième, c'est mon portable où vous pouvez me joindre n'importe quand…

Ca, j'avais compris.

– Surtout n'hésitez pas, n'importe quand, d'accord?… Je vous attends.

Je demande au chauffeur de me déposer en haut du boulevard, j'ai besoin de marcher.

Je donne des coups de pied dans des boîtes de conserve imaginaires.

Je hais les téléphones portables, je hais Sagan, je hais Baudelaire et tous ces charlatans. Je hais mon orgueil.

I. I. G.

Elles sont bêtes ces femmes qui veulent un bébé. Elles sont bêtes.

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