Alexandre Jardin - Des gens très bien

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"Tandis que mon père s'endort peu à peu contre moi, je lui parle une dernière fois: plus tard, tu ne pourras pas vivre avec le secret des Jardin. Il te tuera... Tu feras un livre, le nain jaune, pour le camoufler. Au même âge que toi, j'en ferai un, des gens très bien, pour l'exposer. Et je vivrai la dernière partie de ta vie... La mienne. Dors mon petit papa, dors... Ce livre aurait pu s'appeler "fini de rire". C'est le carnet de bord de ma lente lucidité". (A.J.).

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Soko s'indigne de mon étroitesse d'analyse, me fait observer que Bush a dirigé la CIA et Gorbatchev le KGB ; la conversation dérive.

Tout à coup, j'encaisse une dérouillée.

Soko lève un doigt ingénieux et se met à me parler du Nain Jaune avec tendresse, cocasserie et effusion. Il évoque son adresse inouïe à manier les folies des hommes, à marier l'inconciliable, à assumer en sous-main des responsabilités costaudes. Ce portrait me réchauffe le cœur, flatte mon hérédité aux aguets. Mais soudain, prise d'émotion, la voix de Soko émet un son glacé. Il ajoute en sifflant une ration d'oxygène par le mince tuyau qui le maintient en vie :

- Il faut que tu saches, Alexandre, que pour les quatre mille enfants, c'est un malentendu très regrettable. Nous ne voulions pas séparer les parents et les enfants. Quand Jean a réclamé que les Allemands les prennent, les gamins, il ne savait pas qu'à l'arrivée des trains, en Pologne, ils seraient tous grillés.

Avant que j'aie pu comprendre le fil exact de cette affaire, Mme Soko bondit dans la pièce où nous nous tenons. Elle réprimande vertement son mari d'utiliser, surtout en présence d'un tiers, un verbe pareil : « Pour des enfants, on ne dit pas grillés ! » Terme qu'elle réprouve si véhémentement qu'il m'est resté.

Troublé par l'émotion bégayante de Soko qui cherche à blanchir son ami, je demande des éclaircissements. Et en obtiens : les quatre mille enfants du Vél d'Hiv avaient bien été séparés de leurs mères et internés seuls, après la déportation des parents accompagnés des adolescents de plus de seize ans, dans le camp tricolore, contrôlé par Vichy, de Beaune-la-Rolande ; ainsi que dans celui de Pithiviers. Laval avait tant insisté pour que les Allemands en prennent livraison que le 20 juillet 1942, ces derniers y avaient consenti. Tous avaient été incinérés dès leur arrivée à Auschwitz. Et j'apprenais par la bouche de l'apoplectique Soko - malgré tout poursuivi par cet épisode macabre - que son ami de toujours, Jean Jardin, avait été favorable, en tant que directeur de cabinet de Pierre Laval, à cette option humanitaire (la remise aux Allemands) ; au motif qu'il eût été parfaitement inhumain de prolonger cette séparation des familles. Des gens très bien, on vous dit !

- Nous ne savions pas que les enfants allaient être grillés ! me répéta Soko sous le nez de son épouse irritée qui, hors d'elle, levait les yeux au ciel que son mari persistât à employer un verbe aussi inconvenant.

Comme si l'horreur tenait au vocabulaire. Comme si ce que je venais d'apprendre n'était pas de toute façon inaudible.

Pris d'une soudaine difficulté à respirer, plus grande encore que celle qui asphyxiait ce Soko aux poumons mités, je me suis carapaté. J'ai fui cette promiscuité oppressante, cette intimité quasi familiale qui suscita chez moi un effondrement mélancolique brutal. Ma famille avait de bien étranges relations... Pris de vertige, submergé par le froid, j'en vomis à pleine gorge sur le trottoir de la rue du Bac. Il me fallait rendre les infos qui avaient trop brusquement déboulé dans ma vie. Un détail m'avait scié, plié en deux : pour Soko, le drame de toute cette histoire paraissait résider entièrement dans l'injustice qui leur avait été faite, à eux les comparses de Laval (« nous ne savions pas qu'ils seraient grillés ! »), et non dans le fait que ces quatre mille enfants juifs avaient bien été grillés. Rue du Bac, je titubais, les oreilles pleines de ces deux syllabes qui sentaient la cendre humaine.

Cette fois, je ne pouvais plus aller m'endormir dans une salle de cinéma. Aucun James Bond ne me tirerait d'affaire. Jamais je n'avais connu une douleur morale aussi intense.

Cette scène, je ne l'ai jamais révélée à personne.

En écrivant Le Roman des Jardin, j'ai tenté de parler de cet épisode glaçant ; mais, soudainement paniqué, incapable à l'époque d'en assumer publiquement l'horreur, j'ai retenu ma plume. Pour finir par écrire un chapitre rigolo qui met en scène la bizarrerie attrayante de ce Russe polymorphe au nez rétractile étonnamment aquilin. Quand le pire franchit un certain seuil, il faut bien réinventer le monde. Le biffer, le colorier, rameuter un maximum de fantaisie. Ce moment fou détermina sans doute ma rage à faire rire de mon clan.

Mais à compter de ce jour, je n'ai plus jamais cessé d'ouvrir les yeux. Secrètement, par crainte de la réaction des miens ; par terreur aussi de rapatrier dans notre famille la violence de 1942. Et en traquant les traces de vérité, ces fragments encore lisibles de notre passé gonflé de fables. Confusément, je redoutais qu'après avoir divisé les Français, Vichy ne vienne déchirer ce qui restait des Jardin.

L'époque n'était pas prête à toutes les lucidités ; moi si.

Mes doutes éphémères

De temps à autre je me réfugiais dans des périodes d'apaisement. En atténuant ma lucidité. En espérant encore que Jean ait été finalement étranger au pire de Vichy. En rejoignant les sympathiques affabulations des Jardin. En cessant de fréquenter Zac qui, de toute façon, restait en marge de ma vie. Je préférais le présent au passé.

Cela me reconstituait. Deux jours. Un mois.

Je retrouvais alors la joie d'être un Jardin, de surfer sur nos légendes.

Le Nain Jaune n'était-il pas, à lui tout seul, un sacré morceau de romanesque ? Un incompris de grande classe, condamné hâtivement par l'Histoire toujours réécrite par les vainqueurs ? N'avait-il pas fait le bien à sa portée, à chaque fois qu'il l'avait pu, en sacrifiant sa propre quiétude morale ? Ne devais-je pas voir en lui un martyr portant une couronne d'épines, un haut fonctionnaire apolitique qui avait avalé non des couleuvres mais des vipères et des pelotes d'épingles afin de servir le pays jusqu'au bout ? N'était-il pas de ceux qui, portés par un dévouement réel de pur technicien, avaient eu le cran de se damner pour les autres ? N'avait-il pas été chef de cabinet et non directeur de cabinet de Laval, comme certains documents l'indiquaient parfois avec un certain flou ? Ce qui aurait fait de lui, je l'espérais désespérément, un strict exécutant, très secondaire (comme si ce distinguo moderne avait eu en 1942 le sens administratif qu'on lui attribue aujourd'hui...). Le Nain Jaune n'avait-il pas empêché, en restant à son poste dans la tourmente, que les vrais fripouilles politiques - Marcel Déat et Doriot, deux fascistes roublards - ne saisissent trop vite le gouvernail du pays ? Le temps que l'Amérique forge les armes de notre libération. L'antienne du glaive (de Gaulle se battant à Londres) et du bouclier (Pétain protégeant les Français à Vichy) ne comportait-elle pas une part de vérité tactique, à défaut de légitimité morale ? Ces sornettes, longtemps si utiles aux consciences françaises, me soulageaient bien un peu.

Comme elles soulageaient les miens qui me répétaient qu'il n'avait été qu'un vague subordonné, que les débusqueurs de collabos actifs - type Klarsfeld - ne lui avaient jamais rien reproché frontalement...

Mais elles avaient un coût : celui de me décrocher de ma sensibilité ; car pour avoir beaucoup lu sur l'emploi des forces de police françaises de tous poils (municipale, gendarmerie et agents des RG) sous son règne administratif, je savais hélas que l'abjection, la traque minutieuse et le fichage opiniâtre des non-Aryens par nos services - alors que les Allemands n'eurent jamais plus de deux à deux mille quatre cents policiers sur le territoire français - dataient bien de son époque.

Il me fallait, pour adhérer à ces fariboles qui comportaient une part de vérité, renoncer à ma part d'honnêteté. Divorcer d'avec le meilleur de moi. Et ne pas me construire, demeurer dans les limbes d'un âge non adulte ; car on ne peut pas se bâtir sur le sable de la mystification - fût-elle gobée par un pays entier - ni s'appuyer sur de l'ambiguïté. L'action érosive du mensonge est sans fin. Mon hérédité fallacieuse me rendait un peu faux, tarissait ma sève, sapait ma confiance en moi ; ce qui est la mort dans la vie. Notre respectabilité truquée m'empêchait d'en trouver une réelle.

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