¡ O el bravo don Manuel,
Ponce de Leon llamado,
Aquel que sacará el guante,
Que por industria fue echado
Donde estaban los leones,
Y ello sacó muy osado!
[117]Avant d’être abandonnées à des gladiateurs à gages, les courses de taureaux furent longtemps, en Espagne, l’exercice favori de la noblesse, et le plus galant divertissement de la cour. Il en est fait mention dans la chronique latine d’Alphonse VII, où l’on rapporte les fêtes données à Léon, en 1144, pour le mariage de l’infante doña Urraca avec don Garcia, roi de Navarre: Alii, latratu canum provocatis tauris, protento venabulo occidebant… Depuis lors, la mode en devint générale, des règles s’établirent pour cette espèce de combat, et plusieurs gentilshommes y acquirent une grande célébrité. Don Luis Zapata, dans un curieux chapitre de sa Miscelanea, intitulé de toros y toreros, dit que Charles-Quint lui-même combattit à Valladolid, devant l’impératrice et les dames, un grand taureau noir nommé Mahomet. Les accidents étaient fort communs, et souvent le sang des hommes rougissait l’arène. Les chroniqueurs sont pleins de ces récits tragiques, et il suffit de citer les paroles du P. Pédro Guzman, qui disait, dans son livre Bienes del honesto trabajo (discurso V): «Il est avéré qu’en Espagne il meurt, dans ces exercices, une année dans l’autre, deux à trois cents personnes…» Mais ni les remontrances des cortès, ni les anathèmes du saint-siège, ni les tentatives de prohibition faites par l’autorité royale, n’ont pu seulement refroidir le goût forcené qu’ont les Espagnols pour les courses de taureaux.
[118]La différence qu’il y avait entre les joutes (justas) et les tournois (torneos), c’est que, dans les joutes, on combattait un à un, et, dans les tournois, de quadrille à quadrille. Les joutes, d’ailleurs, n’étaient jamais qu’un combat à cheval et à la lance; les tournois, nom général des exercices chevaleresques, comprenaient toute espèce de combat.
[119]Cervantes met ici dans la bouche de don Quichotte deux vers populaires qui commencent le dixième sonnet de Garcilaso de la Vega:
¡ O dulces prendas, por mi mal halladas!
Dulces y alegres cuando Dios queria.
Ces vers sont imités de Virgile (AEn., lib. IV):
Dulces exuviae, dum fata deusque sinebant.
[120]Les joutes littéraires étaient encore fort à la mode au temps de Cervantes, qui avait lui-même, étant à Séville, remporté le premier prix à un concours ouvert à Saragosse pour la canonisation de saint Hyacinthe, et qui concourut encore, vers la fin de sa vie, dans la joute ouverte pour l’éloge de sainte Thérèse. Il y eut, à la mort de Lope de Vega, une joute de cette espèce pour célébrer ses louanges, et les meilleures pièces du concours furent réunies sous le titre de Fama postuma. – Cristoval Suarez de Figuéroa dit, dans son Pasagero (Alivio 3): «Pour une joute qui eut lieu ces jours passés en l’honneur de saint Antoine de Padoue, cinq mille pièces de vers sont arrivées au concours; de façon qu’après avoir tapissé deux cloîtres et la nef de l’église avec les plus élégantes de ces poésies, il en est resté de quoi remplir cent autres monastères.»
[121]En espagnol el pege Nicolas, en italien pesce Cola. C’est le nom qu’on donnait à un célèbre nageur du quinzième siècle, natif de Catane en Sicile. Il passait, dit-on, sa vie plutôt dans l’eau que sur terre, et périt enfin en allant chercher, au fond du golfe de Messine, une tasse d’or qu’y avait jetée le roi de Naples don Fadrique. Son histoire, fort populaire en Italie et en Espagne, est pourtant moins singulière que celle d’un homme né au village de Lierganès, près de Santander, en 1660, et nommé Francisco de la Vega Casar. Le P. Feijoo, contemporain de l’événement, raconte, en deux endroits de ses ouvrages (Teatro critico et Cartas) , que cet homme vécut plusieurs années en pleine mer, que des pêcheurs de la baie de Cadix le prirent dans leurs filets, qu’il fut ramené dans son pays, et qu’il s’échappa de nouveau, au bout de quelque temps, pour retourner à la mer, d’où il ne reparut plus.
[122] Nemo duplici potest amore ligari, dit un des canons du Statut d’Amour, rapporté par André, chapelain de la cour de France au treizième siècle, dans son livre de Arte amandi (cap. XIII).
[123]La glose, espèce de jeu d’esprit dans le goût des acrostiches, dont Cervantes donne un exemple et fait expliquer les règles par don Quichotte, était, au dire de Lope de Vega, une très-ancienne composition, propre à l’Espagne et inconnue des autres nations. On en trouve, en effet, un grand nombre dans le Cancionero general, qui remonte au quinzième siècle. On proposait toujours pour objet de la glose des vers difficiles non-seulement à placer à la fin des strophes, mais même à comprendre clairement.
[124]Il y a dans cette phrase une moquerie dirigée contre quelque poëte du temps, mais dont on n’a pu retrouver la clef.
[125]Cervantes a voulu sans doute montrer ici l’exagération si commune aux louangeurs, et l’on ne peut croire qu’il se soit donné sérieusement à lui-même de si emphatiques éloges. Il se rendait mieux justice, dans son Voyage au Parnasse, lorsqu’il disait de lui-même: «Moi qui veille et travaille sans cesse pour sembler avoir cette grâce de poëte que le ciel n’a pas voulu me donner…»
[126]Don Quichotte applique aux chevaliers errants le Parcere subjectis et debellare superbos que Virgile attribuait au peuple romain.
[127]On appelait danses à l’épée (danzas de espadas) certaines évolutions que faisaient, au son de la musique, des quadrilles d’hommes vêtus en toile blanche et armés d’épées nues. – Les danses aux petits grelots (danzas de cascabel menudo) étaient dansées par des hommes qui portaient aux jarrets des colliers de grelots, dont le bruit accompagnait leurs pas. Ces deux danses sont fort anciennes en Espagne.
[128]On appelait danseurs aux souliers (zapateadores) ceux qui exécutaient une danse de village, dans laquelle ils marquaient la mesure en frappant de la main sur leurs souliers.
[129] Cada oveja con su pareja. Pareja signifie la moitié d’une paire .
[130]On appelle tierra de Sayago un district dans la province de Zamora où les habitants ne portent qu’un grossier sayon (sayo) de toile, et dont le langage n’est pas plus élégant que le costume. – Alphonse le Savant avait ordonné que, si l’on n’était pas d’accord sur le sens ou la prononciation de quelque mot castillan, on eût recours à Tolède comme au mètre de la langue espagnole .
[131] Hecho rabos de pulpo est une expression proverbiale qui s’applique à des habits déchirés.
[132] Tinajas, espèce de grandes terrines où l’on conserve le vin, dans la Manche, faute de tonneaux.
[133]Les danses parlantes (danzas habladas) étaient, comme l’explique la description qui va suivre, des espèces de pantomimes mêlées de danses et de quelques chants ou récitatifs.
[134] Alcancias. On nommait ainsi des boules d’argile, grosses comme des oranges, qu’on remplissait de fleurs ou de parfums, et quelquefois de cendre ou d’eau, et que les cavaliers se jetaient dans les évolutions des tournois. C’était un jeu arabe imité par les Espagnols, qui en avaient conservé le nom.
[135]La grand’mère de Sancho citait un ancien proverbe espagnol, que le poëte portugais Antonio Enriquez Gomez a paraphrasé de la manière suivante: El mundo tiene dos linages solos En entrambos dos polos. Tener esta en Oriente, Y no tener asiste en Occidente. (Academia III, vista 2.)
Читать дальше