Жорж Санд - Consuelo
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fâché de redire à Métastase les plaisanteries du sopraniste sur ses vers.
--Les paroles sont belles, répondit sèchement Caffariello, qui connaissait
bien le terrain; mais leur application en cette circonstance est si
parfaite, que je ne puis m'empêcher d'en rire.»
Et il se tint les côtes, en redisant au Porpora:
«E ti par poco,
Quel che sai di _tanti_ casi?»
La Corilla, voyant quelle critique sanglante renfermait cette allusion à
ses moeurs, et tremblante de colère, de haine et de crainte, faillit
s'élancer sur Consuelo pour la défigurer; mais la contenance de cette
dernière était si douce et si calme, qu'elle ne l'osa pas. D'ailleurs, le
faible jour qui pénétrait sur le théâtre venant à tomber sur le visage de
sa rivale, elle s'arrêta frappée de vagues réminiscences et de terreurs
étranges. Elle ne l'avait jamais vue au jour, ni de près, à Venise. Au
milieu des douleurs de l'enfantement, elle avait vu confusément le petit
Zingaro Bertoni s'empresser autour d'elle, et elle n'avait rien compris
à son dévouement. En ce moment, elle chercha à rassembler ses souvenirs,
et, n'y réussissant pas, elle resta sous le coup d'une inquiétude et d'un
malaise qui la troublèrent durant toute la répétition. La manière dont la
Porporina chanta sa partie ne contribua pas peu à augmenter sa méchante
humeur, et la présence du Porpora, son ancien maître, qui, comme un juge
sévère, l'écoutait en silence et d'un air presque méprisant, lui devint
peu à peu un supplice véritable. M. Holzbaüer ne fut pas moins mortifié
lorsque le maestro déclara qu'il donnait les mouvements tout de travers;
et il fallut bien l'en croire, car il avait assisté aux répétitions que
Hasse lui-même avait dirigées à Dresde, lors de la première mise en scène
de l'opéra. Le besoin qu'on avait d'un bon conseil fit céder la mauvaise
volonté et imposa silence au dépit. Il conduisit toute la répétition,
apprit à chacun son devoir, et reprit même Caffariello, qui affecta
d'écouter ses avis avec respect pour leur donner plus de poids vis-à-vis
des autres. Caffariello n'était occupé qu'à blesser la rivale impertinente
de madame Tesi et rien ne lui coûtait ce jour-là pour s'en donner le
plaisir, pas même un acte de soumission et de modestie. C'est ainsi que,
chez les artistes comme chez les diplomates, au théâtre comme dans le
cabinet des souverains, les plus belles et les plus laides choses ont leurs
causes cachées infiniment petites et frivoles.
En rentrant après la répétition, Consuelo trouva Joseph tout rempli d'une
joie mystérieuse; et quand ils purent se parler, elle apprit de lui que le
bon chanoine était arrivé à Vienne; que son premier soin avait été de faire
demander son cher Beppo, et de lui donner un excellent déjeuner, tout en
lui faisant mille tendres questions sur son cher Bertoni. Ils s'étaient
déjà entendus sur les moyens de nouer connaissance avec le Porpora, afin
qu'on pût se voir en famille, honnêtement et sans cachotteries. Dès le
lendemain, le chanoine se fit présenter comme un protecteur de Joseph
Haydn, grand admirateur du maestro, et sous le prétexte de venir le
remercier des leçons qu'il voulait bien donner à son jeune ami, Consuelo
eut l'air de le saluer pour la première fois, et, le soir, le maestro et
ses deux élèves dînèrent amicalement chez le chanoine. A moins d'afficher
un stoïcisme dont les musiciens de ce temps-là, même les plus grands, ne
se piquaient guère, il eût été difficile au Porpora de ne pas se prendre
subitement d'affection pour ce brave chanoine qui avait une si bonne table
et qui appréciait si bien ses ouvrages. On fit de la musique après dîner,
et l'on se vit ensuite presque tous les jours.
Ce fut encore là un adoucissement à l'inquiétude que le silence d'Albert
commençait à donner à Consuelo. Le chanoine était d'un esprit enjoué,
chaste en même temps que libre, exquis à beaucoup d'égards, juste et
éclairé sur beaucoup d'autres points. En somme, c'était un ami excellent
et un homme parfaitement aimable. Sa société animait et fortifiait le
maestro; l'humeur de celui-ci en devenait plus douce, et, partant,
l'intérieur de Consuelo plus agréable.
Un jour qu'il n'y avait pas de répétition (on était à l'avant-veille de la
représentation d'_Antigono_), le Porpora étant allé à la campagne avec un
confrère, le chanoine proposa à ses jeunes amis d'aller faire une descente
au prieuré pour surprendre ceux de ses gens qu'il y avait laissés, et voir
par lui-même, en tombant sur eux comme une bombe, si la jardinière soignait
bien Angèle, et si le jardinier ne négligeait pas le volkameria. La partie
fut acceptée. La voiture du chanoine fut bourrée de pâtés et de bouteilles,
(car on ne pouvait pas faire un voyage de quatre lieues sans avoir quelque
appétit), et l'on arriva au bénéfice après avoir fait un petit détour et
laissé la voiture à quelque distance pour mieux ménager la surprise.
Le volkameria se portait à merveille; il avait chaud, et ses racines
étaient fraîches. Sa floraison s'était épuisée au retour de la froidure,
mais ses jolies feuilles tombaient sans langueur sur son tronc dégagé. La
serre était bien tenue, et les chrysanthèmes bleus bravaient l'hiver et
semblaient rire derrière le vitrage. Angèle, suspendue au sein de la
nourrice, commençait à rire aussi, quand on l'excitait par des minauderies;
et le chanoine décréta fort sagement qu'il ne fallait pas abuser de cette
bonne disposition, parce que le rire forcé, provoqué trop souvent chez
ces petites créatures, développait en elles le tempérament nerveux mal à
propos.
On en était là, on causait librement dans la jolie maisonnette du
jardinier; le chanoine, enveloppé dans sa douillette fourrée, se chauffait
les tibias devant un grand feu de racines sèches et de pommes de pin;
Joseph jouait avec les beaux enfants de la belle jardinière, et Consuelo,
assise au milieu de la chambre, tenait Angèle dans ses bras et la
contemplait avec un mélange de tendresse et de douleur. Il lui semblait
que cet enfant lui appartenait plus qu'à tout autre, et qu'une mystérieuse
fatalité attachait le sort de ce petit être à son propre sort, lorsque la
porte s'ouvrit brusquement, et la Corilla se trouva vis-à-vis d'elle, comme
une apparition évoquée par sa rêverie mélancolique.
Pour la première fois depuis le jour de sa délivrance, la Corilla avait
senti sinon un élan d'amour, du moins un accès de remords maternel, et
elle venait voir son enfant à la dérobée. Elle savait que le chanoine
habitait Vienne; arrivée derrière lui, à une demi-heure de distance, et
ne rencontrant pas même les traces de sa voiture aux abords du prieuré,
puisqu'il avait fait un détour avant que d'y entrer, elle pénétra
furtivement par les jardins, et sans voir personne, jusque dans la maison
où elle savait qu'Angèle était en nourrice; car elle n'avait pas laissé
de prendre quelques informations à ce sujet. Elle avait beaucoup ri de
l'embarras et de la chrétienne résignation du chanoine; mais elle ignorait
la part que Consuelo avait eue à l'aventure. Ce fut donc avec une surprise
mêlée d'épouvante et de consternation qu'elle vit sa rivale en cet endroit;
et, ne sachant point, n'osant point deviner quel était l'enfant qu'elle
berçait ainsi, elle faillit tourner les talons et s'enfuir. Mais Consuelo,
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