Gabriella Rose
L’OCÉAN DE TES YEUX BLEUS
~~~ PourCornelia et Iuliana ~~~
Titre original : Nel mare dei tuoi Occhi Azzurri
Traduit par : Carine Giuglaris
Éditeur : Tektime
Tous droits réservés.
Ce livre est une œuvre de fiction. Tous les noms, personnages, institutions, lieux et événements cités sont le fruit de l’imagination de l’auteur et ne doivent pas être considérés comme réels. Les éventuelles similitudes avec des faits, personnes, noms, institutions existants doivent être considérées comme fortuites.
« Viens, gentille nuit! Nuit aimante, au front sombre,
Donne-moi mon Roméo; et quand il mourra,
Prends-le et coupe-le en petites étoiles,
Et il rendra le visage du ciel si beau
Que le monde entier sera amoureux de la nuit. »
*** William Shakespeare ***
***
La chambre était plongée dans la pénombre; sur le lit une jeune femme pâle, très maigre, dormait, à moitié enroulée dans une couverture en laine verte. Elle était par moments secouée par une toux violente, qui la faisait s’entortiller davantage autour d’un très moelleux oreiller blanc.
Sur la table de chevet à côté d’elle, étaient posés en désordre des flacons de médicaments, une tasse contenant un liquide jaune, une pomme à peine croquée et des mouchoirs en papier éparpillés.
Le chaos régnait un peu partout, comme si quelqu’un avait voulu mettre de l’ordre mais s’était soudain arrêté, en laissant le travail à moitié fait. Comme si quelqu’un avait été trop fatigué ou trop distrait pour dépoussiérer, ranger les vêtements dispersés sur le lit et sur les chaises, au milieu des médicaments et des papiers qu’on apercevait sur la petite table et sur les étagères.
« - Comment ça va, Sole? Tu n’as pas encore fini ton jus pommes-carottes. Si tu ne le bois pas tout de suite, il perd toutes ses propriétés nutritionnelles! »
Cécilia entra à l’improviste, presque sans faire de bruit, et secoua doucement la jeune femme. Elle reçut une faible protestation. Sole voulait juste dormir, si c’était possible toute la journée, toute la nuit et sa vie entière.
C’était une fin d’après-midi de ce mois de mars pluvieux, quand tout a commencé.
Max
Mon amour, toi qui es entrée dans ma vie comme un Soleil d’avril
Je me suis rendu compte que ce monde court à sa perte parce que les amoureux se séparent et se blessent mutuellement en prononçant des mots cruels, qui transpercent le cœur; quand ce fil si beau mais si ténu se casse et que nos cœurs se brisent, les puissantes énergies négatives que nous libérons nuisent aussi à l’atmosphère. De là résultent : guerres, famines, destruction. Nous ne nous aimons plus nous-mêmes – par conséquent nous cessons d’aimer aussi le monde qui nous entoure et nous le détruisons.
Le monde court à sa perte parce que nous ne savons pas aimer.
L’amour est la chose la plus importante et pourtant la plus négligée parce qu’elle naît de manière subtile et semble fragile, une chose de rien.
Dans la course quotidienne, l’amour semble être la dernière chose à laquelle il faut penser, la dernière dont on peut avoir besoin.
Et pourtant l’amour est la chose la plus importante.
Comme une fleur délicate, il faut en prendre soin et le conserver dans un bel endroit ensoleillé car lui seul nous aide à rester en bonne santé; il faut l’arroser régulièrement avec des mots doux et des gestes tendres. Si possible, chaque jour.
Si l’amour fait battre notre cœur, nous pouvons répandre ses graines autour de nous et faire fleurir le monde, mais si nous avons été assez idiots pour le fouler aux pieds, nous nous rendons compte que ce petit “Je t’aime” murmuré un soir d’été en regardant la lune du coin de l’œil était la seule chose dont nous avions vraiment besoin et qui nous gardait connectés à la vraie vie.
Je l’avoue: moi aussi je fais partie de ces idiots; j’ai dit des mots que je n’aurais jamais dû dire et je les ai laissé te séparer de moi.
Je sais que je ne te retrouverai jamais, que la ville a englouti ta fragile existence comme un tourbillon gris et informe. Comme l’horrible bouche d’un monstre urbain. Tes mains ne me caresseront plus, les doux traits de ton visage ne me raconteront plus, depuis l’origine, les mystères de l’univers.
Ces quelques mots resteront à jamais enfermés dans un tiroir de la maison sur la plage. La maison de cet été magique avec toi.
Sole
Pardonne-moi.
Je ne devrais jamais t’écrire comme ça, dans ce geste égoïste qui ne sert à rien, mais ici je suis en train de devenir folle. Les journées avancent à la vitesse d’un escargot et je n’ai rien d’autre à faire qu’étouffer (il fait une chaleur atroce et personne n’ouvre jamais de fenêtre) en fixant à travers la vitre du salon la vie de la rue, frénétique, indifférente et toujours pareille.
En réalité, pour la première fois aujourd’hui, il s’est passé quelque chose : deux jeunes se sont embrassés, juste devant la porte de l’hôpital. Je les ai aperçus de loin, au moment où je buvais ma camomille du matin sans sucre et sans goût.
J’ai senti une brûlure au fond de moi : ils ne pouvaient pas trouver un autre endroit que l’hôpital public de Milan pour se bécoter ? Là-dedans chaque instant qui passe nous rapproche de plus en plus de notre fin, nous n’avons vraiment pas besoin qu’on nous rappelle que nous ne pourrons plus jamais être heureux, que personne ne nous prendra plus jamais dans ses bras en éprouvant autre chose que du dégoût, de la pitié et de la peur !
Et puis j’ai pensé que j’étais bête : peut-être que m’était donnée la possibilité de me souvenir de nous deux. Toi et moi, cet été magique. Tout revivre.
Et ainsi, entre les examens et les visites des médecins, au milieu du va-et-vient des assistants et des patients, en cherchant tous les jours de nouvelles tactiques pour soulager la douleur, j’ai pensé que... ce serait beau de me souvenir de toi.
Les mots qui courent sur le cahier blanc que m’a apporté ma douce Jameia me rapprochent un peu de toi (tu te souviens, j’avais toujours rêvé d’écrire un livre); ils me donnent la sensation que d’une certaine façon un peu fantastique, tu pourrais les lire, peut-être en t’endormant le soir sur ton canapé, épuisé par ton travail, et pendant que tu rêves mes mots pourraient venir à toi, de petites mouettes solitaires dont les ailes mouillées rafraîchiraient délicatement tes tempes.
Grâce à ces mots, un peu confus, fatigués, illogiques, maladroits, peut-être qu’un jour tu apprendras que quelque part il y a eu une fille dont l’unique et ultime désir aurait été de t’étreindre à nouveau.
Max
En toi j’avais enfin entrevu ma guérison. Le nid douillet que j’aurais appelé « la maison ».
Je ne sais pas si je te l’ai déjà dit, mais pour moi « maison » signifie plus qu’une personne, plus qu’un lieu.
Notre séparation, si brusque, a provoqué une nouvelle entaille sur la blessure déjà sanglante qu’est ma vie.
Pourquoi notre histoire est-elle terminée ? Pourquoi les gens se séparent-ils ? Aujourd’hui encore je n’arrive pas à le comprendre.
Il faudrait une loi contre les séparations, parce qu’elles agissent non seulement sur notre santé émotionnelle, mais aussi sur notre santé physique.
Si seulement je n’étais pas parti en Pologne... Si seulement tu n’avais pas démissionné, sans explications... Je donnerais tout pour te retrouver quelque part, peut-être dans le centre, enveloppée dans ton doux manteau bleu à regarder les vitrines, dans le brouillard d’une froide matinée milanaise ; je me mettrais à genoux, je piétinerais mon orgueil et prendrais tes mains frêles dans les miennes, en te suppliant de me donner une autre chance, parce que je ne suis qu’un gamin stupide et que je n’ai rien compris au message que tu as voulu me laisser et je te demanderais mille fois pardon parce que même moi, Maximilien Girard, je n’ai pas réponse à tout.
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