Soit ce n'était pas du sexe normal, soit je me trompais sur toute la ligne. Comment était-ce si incroyable, si sauvage, si trash et pourtant si agréable ? J'allais jouir mais je ne pouvais pas parler la bouche pleine.
Je suivais le rythme des battements de mon cœur, je cédais au plaisir, à la débauche, à la lumière aveuglante, au bonheur absolu en contractant les muscles de mon vagin sur sa bite, mes joues se creusaient sous l'effet de succion, des giclées de sperme chaud jaillirent. Me remplissant, corps et âme.
—Putain de merde, dis-je en me tortillant sur le fauteuil inconfortable, en tirant sur mes poignets.
L'orgasme me secouait mais je savais que je ne rêvais plus. C'était terminé. J'étais seule sur le fauteuil de test.
Non, pas seule, je clignai des yeux et aperçus la gardienne surveillant l’examen. Elle était assise derrière une table toute simple, sa tablette devant elle.
Je léchai mes lèvres, ma bouche soudainement sèche. Je sentais le sperme épais sur ma langue, j’en sentais encore le goût. Mais ce n'était pas réel.
Rien de tout cela n'était réel, j’eus soudainement les larmes aux yeux, sans raison aucune. Je savais depuis le début que cela faisait partie du protocole de test des Épouses Interstellaires. Je le savais . Pourtant, cette stupide technologie extraterrestre me trottait dans la tête, me donnait envie. Je m'étais sentie aimée. À part. Choyée. Enfin à ma place.
Après les derniers mois passés en procès et avocats, avec ce juge qui me regardait derrière son perchoir, sans parler des salopes que j'avais dû supporter en prison—le fait de m’être sentie aussi bien était presque cruel. J'étais désabusée, ces tests m'avaient épuisée, littéralement dépouillée de mes mécanismes de défense en quelques minutes.
Et puis merde.
—Un truc de ouf. C'est quoi ce test ?demandai-je, la voix rauque.
Ils avaient fait ça pour m'humilier ? Une torture spécialement conçue pour les criminels, afin de les forcer à se sentir encore plus mal qu'ils ne l'étaient lorsqu'assis dans une cellule de prison glaciale ?
—C’est le test des épouses, répondit la Gardienne Bisset.
Son badge indiquait Yvonne Bisset . Une femme petite guère plus âgée que moi, même pas trente ans. Elle était belle, typée européenne. Yeux bleu clair, cheveux blond foncé aux ondulations naturelles. Un léger accent, un anglais parfait d’où pointaient ses origines françaises.
L'autre femme, la responsable, était la Gardienne Égara. Je me tournai vers elle, des deux, c'est celle qui semblait le mieux s'y connaître. Elles avaient à peu près le même âge à mon avis, mais la Gardienne Égara dégageait une forte personnalité, et j'aimais ça. J'avais eu mon quota de mensonges dans la salle d'audience —de la part des avocats du procureur et de mon avocate —pour être vaccinée à vie. Tout son être respirait la vérité. La Gardienne Égara.
Elle représentait tout ce qu'Yvonne Bisset n'était pas. Cheveux brun foncé. Yeux gris. Expression sévère. Ses cheveux tirés en arrière en un chignon strict conféraient un air sévère à ses pommettes. Elle était belle mais dégageait quelque chose de tragique, là où Yvonne Bisset semblait la perfection incarnée.
La Gardienne Bisset était en formation, du moins c'est ce qu'on m'avait dit avant de me donner les sédatifs. Elle rejoindrait Paris dans un nouveau centre de recrutement pour futures épouses, dans lequel ils enverraient encore plus de criminelles dans l'espace, pour être prise en sandwich entre deux extraterrestres chauds bouillants, jusqu'à ce qu'elles en perdent la raison.
Et c'est exactement ce qui m'était arrivé. J'avais oublié que j'étais moi, j'étais devenue elle . Quelle qu'elle soit. La veinarde.
Je ne paniquais jamais, je ne perdais jamais mon calme. Je n'avais pas survécu aussi longtemps contre l'océan impitoyable en tant que surfeuse de niveau mondial en perdant mon calme lorsque les choses se gâtaient.
Mais ce rêve ? Ces deux femmes avaient gâché ma vie. M'avaient détruite. J'étais gênée et pas très contente de moi.
—Est-ce qu’une des épouses vous a déjà poursuivis pour harcèlement après que vous les ayez contraintes à des relations sexuelles ? murmura la Gardienne Bisset d’un ton désagréable, la Gardienne Égara haussa ses sourcils bruns illico.
—Vous a-t-on forcée ?
Je me remémorais le rêve, le souvenir obsédant de ma chatte bourrée à craquer, la sensation de brûlure dans mon cul avec ce plug anal.
Et merde. Je n'allais tout de même pas me forcer et lui mentir.
—Non, mais ils m'ont ordonné de faire des choses.
— Ce sont des mâles dominants. La plupart des hommes des autres planètes sont forts et exigeants. Le mâle alpha typique. La Gardienne Bisset laissait sous-entendre que cette information me ferait plaisir, comme si les extraterrestres dominateurs et autoritaires étaient mon truc.
Super génial.
—Vous n'avez pas répondu à ma question. Était-ce normal ?
La Gardienne Bisset consulta sa tablette.
—En fait, je n'ai jamais eu de volontaire qui se soit autant débattue durant les examens. Habituellement, les sujets de test cèdent et le rêve prend le dessus, permet l'accès au subconscient afin de recueillir les données nécessaires pour trouver le partenaire idéal. Mais nous avons dû vous soumettre au protocole secondaire.
—C'est à dire ?
Sans parler du fait qu'elle venait de me traiter de sujet de test, comme un vulgaire rat de laboratoire.
Elle soupira comme si je la saoulais grave. Rien à foutre. Je voulais savoir ce qu'elle entendait par protocole secondaire . Aucun partenaire ne me convenait ? J'étais anormale ? Quoi ?
Docteur Surnen Syrzon, Service Scientifique, Dispensaire, La Colonie
L'organisme qui se déplaçait sous le microscope se tordit et s'étira, engloutit totalement la cellule Prillon saine flottant dans le milieu de culture à proximité. Ce truc si minuscule, si fascinant, rendait les guerriers malades. Il ne tuait pas mes patients mais l'infection rendait malade de vigoureux combattants dans la fleur de l'âge. Ma mission consistait à l'identifier, la comprendre et l'éradiquer. Pas seulement pour ici, sur la Colonie, mais pour toute la Coalition. J'y étais presque.
—Dr Surnen ? Tu es attendu en salle de transport numéro 2.
Le Capitaine Trax se tenait à l'entrée de mon laboratoire. C'était le second que j'avais choisi—si jamais j'avais la chance d’épouser une femme—c’était un ami fiable. Il était enclin à réagir de façon excessive, son instinct de guerrier rendait chaque affaire pressante. Il avait grandi à bord d’un cuirassé, se battait depuis qu'il était assez grand pour tenir un pistolet laser, prenait des décisions hâtives auxquelles je préférais réfléchir un peu plus longuement.
J'étais médecin, chercheur. Nous appliquions tous deux le protocole à la lettre— moi, en tant que scientifique, lui, en tant que combattant impitoyable—nous estimions que les règlements garantissaient notre sécurité. Mais les trajets fréquents effectués vers la salle de Transport 2 pour vérifier l'arrivée des fournitures médicales devenaient usants. J'étais occupé et à deux doigts de mettre un point final au traitement qui viendrait à bout de cette maladie et accaparait tout mon temps.
Je ne quittai pas des yeux la cellule infectieuse qui continuait de dévorer la cellule Prillon désormais affaiblie, ne pris pas la peine de lever la tête pour répondre à Trax. J'ajoutai une goutte de liquide sur la lame et contemplai mon échantillon de sérum en train de tuer la bactérie. Je souris.
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