Le jour de la collecte arriva. Je me rendis à notre réunion, la feuille avec le reportage dans la poche ; comme d’habitude, le secrétaire du parti parla de toutes sortes de choses, mais pas de comment l’argent de la collecte serait utilisé. Je lui demandais donc ce qu’il adviendrait de l’argent que nous donnions au fonds de solidaité.
Après qu’il eut assez tourné autour du pot, je posais l’article du reportage sur la table et lui dit qu’il devrait le lire, pour qu’il sache quoi répondre la prochaine fois que quelqu’un poserait la question. – Silence. Pas un mot, plus rien ne bougeait, nous aurions pu sursauter au son d’une plume tombant sur le sol tant l’atmosphère était tendue.
Visite de la Stasi
Le lendemain, je reçus la visite de la Stasi. Je ne suis certainement pas du genre anxieux, je ne l’ai jamais été, mais j’avoue que cette visite m’a fait peur. Je crus les paroles de cet homme qui marchait dans mon salon, en long et en large, chaque mot qu’il prononçait. Il commença à ouvrir mes armoires, et je sentis mon estomac se retourner : elles étaient remplies presque exclusivement de choses venant de l’Ouest, de cacao et d’oursons Haribo, de café et de collants — tout bien arrangé pour que le chocolat ne prenne pas l’odeur du savon.
Des tonnes et des tonnes de chocolat ! Mon oncle et mes correspondantes Ute et Ortrud, ainsi que le pasteur Becker du Rhin moyen s’occupaient très bien de moi. Plus tard, j’ai réalisé que j’aurais pu en donner à d’autres personnes autour de moi, mais je n’en étais pas encore à ce stade à ce moment-là, et de toute façon, personne ne s’intéressait aux dates de péremption pour les articles venant de l’Ouest.
L’homme de la Stasi, pour des raisons professionnelles, n’avait pas le droit d’entretenir des contacts avec l’Ouest — pas étonnant donc que la vue de mon armoire aux trésors ne l’apaisa pas. Mais à ce moment-là, je ne me souciais pas vraiment des boîtes d’ananas et des sachets de soupe, j’étais surtout inquiète pour le compartiment du bas. Je croisais les doigts pour qu’il laisse cette porte fermée ! Il était déjà assez en colère, c’était facile à déduire de ses remarques. Il m’a donc dit très clairement que les femmes comme moi étaient faciles à faire taire, qu’ils avaient quelques méthodes pour me réduire au silence.
Seigneur Jésus, ne le laissez pas ouvrir ce dernier compartiment ! Mais c’est ce qu’il fit — et il vit la radio, qui n’était pas de la production de la RDA et avec laquelle on pouvait aussi capter les ondes de l’Ouest (ici, cela dit, seulement Radio Luxemburg sur UKW 49,2 avec de la musique géniale). À ce moment-là, il fulmina et me cria dessus.
Puis, il partit. Je tremblais intérieurement comme une feuille. Pendant des semaines et des mois, je ne pus en parler, tant la peur était profonde.
Un jour, mon pasteur s’approcha de moi et me demanda si tout allait bien, c’était inhabituel que je sois aussi nerveuse et renfermée. J’eus enfin l’occasion d’en parler à quelqu’un. J’aurais dû lui dire tout de suite, me dit-il, il avait constamment des visites comme celle-ci, de ces « compagnons », et il me donna quelques conseils et indications sur ce que je ne devais absolument pas faire, à quel moment je devais me taire, dans quelles pièces je ne devais pas parler de politique, déjà certainement pas dans mon appartement. Encore aujourd’hui, je ne sais pas qui avait raconté l’histoire avec l’article du Stern à la Stasi. Plus tard, après la chute du communisme, je lus dans le dossier de ma voisine (elle me rendait très souvent visite) qu’elle avait rapporté une discussion où je disais que je souhaitais que ces criminels aient la diarrhée et les bras courts. J’ai mis du temps à trouver ça drôle.
Après la chute du communisme, j’aurais aussi aimé revoir l’homme qui était venu chez moi à l’époque pour inspecter mes placards. Mais je ne sais pas exactement ce que j’aurais fait ; dans mes rêves, je lui bottais toujours le derrière.
L’expérience m’avait plus éprouvée que ce que j’aurais cru. Cette peur d’être enlevée et enfermée s’est tellement enracinée en moi que je ne pus m’en débarrasser que plus tard avec l’aide d’une pasteure. Je me souviens du temps qu’il m’a fallu après pour simplement dire « Entrez » quand quelqu’un frappait à ma porte, et quelles pensées me tournaient alors dans la tête. Et à quel point, dans les premiers mois qui ont suivi, je soupçonnais presque tout le monde de m’avoir trahi !
Difficile à croire, mais dans notre premier appartement de jeune famille, nous avions même un téléphone. En RDA, c’était une exception, un privilège, pas tout le monde pouvait en dire autant ! La raison pour cela — qui était en même temps le revers de la médaille — était que nous avions la sirène du village sur le toit, et quand elle commençait à sonner, nous devions nous boucher les oreilles ! Elle hurlait au moins une fois par semaine : « Le mercredi à une heure, la semaine est divisée ». Quand le téléphone sonnait, je ne savais jamais si c’était une amie qui m’appelait ou si je devrais déclencher l’alarme incendie — ou, Dieu nous en garde, si c’était l’Ouest impérialiste qui avait décidé de nous attaquer.
Le téléphone était encore un avec cadran et fourchette de combiné, et il était bien sûr solidement attaché au cordon ; les appareils terminaux étaient aussi en nombre insuffisant. Bien sûr, on ne parlait jamais de cela ouvertement, surtout au téléphone : en RDA, c’était un secret de polichinelle que la Stasi écoutait avec diligence — probablement qu’il ne pouvait y avoir plus de connexions téléphoniques qu’elle ne pouvait écouter et évaluer. Mais dans mon exubérante jeunesse, je m’en fichais.
Un beau jour, je discutais au téléphone avec mon oncle de l’Ouest et, ce faisant, nous discutions des opérateurs officiels d’écoute. J’étais « vraiment en forme » et sortit mes meilleures expressions, justement celle où je souhaitais à ces experts d’avoir la diarrhée et les bras courts. Ce fut le dernier coup de fil que je pus passer de chez nous – le lendemain matin, la machine fut confisquée.
Quand je repense à cette époque, je sais que Jésus m’a protégée et portée. Comme il l’avait déjà fait auparavant et continua de la faire après !
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