Les missions d’Economiesuisse à l’avenir : en dialogue avec le monde
Les intérêts négatifs et les taux d’intérêt naturels
Young Enterprise Switzerland (YES) et Junior Chamber International Switzerland
Le Swiss Economic Forum et le World Economic Forum
Droite et gauche
Think tanks
Liste des abréviations
Sources et littérature
Notes
Table des illustrations
Frise chronologique
L’auteure
In most of the manufacturing cantons of Switzerland the power of legislation is not only indirectly, but directly, in the hands of the whole body of the people. Were their commercial economy opposed to the common interest, it could not exist for a day. Sir John Bowring, 1836
En 2020, Economiesuisse, la plus ancienne fédération d’entreprises du monde, aurait dû célébrer son 150 eanniversaire. Pour cause de crise sanitaire, toutes les activités destinées à marquer cet anniversaire ont été reportées à l’année suivante. Soit parce que le risque d’infection au coronavirus était trop grand, soit parce que les rassemblements avec un public nombreux n’étaient plus autorisés. Cependant, il est bon de marquer un temps d’arrêt et de se rappeler comment les entreprises suisses ont mis à profit leur liberté d’entreprendre pour surmonter les crises passées.
Notre fédération a été portée sur les fonts baptismaux le 12 mars 1870 à l’occasion de la révision totale de la Constitution de notre jeune État fédéral. Cette fédération nationale fondée par des représentants des chambres de commerce cantonales avait pour but de défendre les intérêts des entreprises. Première à le faire en Europe, la Suisse inscrivait la liberté économique dans la Constitution de 1874. La « liberté du commerce et de l’industrie », pour reprendre l’expression consacrée, devait valoir sur tout le territoire de la Confédération. La Constitution de 1874 prévoyait cependant aussi la possibilité de restreindre la liberté économique en cas de nécessité, par exemple pour lutter contre les épidémies et épizooties (art. 31b). C’est exactement ce que nous venons de vivre au cours des douze derniers mois.
Si l’année de « notre » jubilé a donc été celle d’une pandémie virale globale, le 75 eanniversaire de la fédération était tombé lui en 1945, en pleine Seconde Guerre mondiale. Lorsque notre fédération célébra son anniversaire en septembre 1945, après la fin de la guerre, l’Europe était en ruines. En 1970, lors des 100 ans, l’Europe venait de vivre une croissance économique sans précédent, les « Trente Glorieuses ».
En lien avec le 150 eanniversaire en 2020, la pandémie actuelle nous permet de constater avec reconnaissance que la Suisse continue de fonctionner. Le tissu constitué par les associations et les fédérations, souvent moqué pour sa lourdeur, s’est révélé être une force constructive durant la crise sanitaire. Dans le seul domaine des associations économiques et professionnelles (employeurs et employés), on dénombre plus de 1700 organisations qui s’emploient à apporter des informations pratiques à leurs membres. En tant que faîtière de l’économie, Economiesuisse représente au niveau national vingt Chambres de commerce cantonales, une centaine d’associations de branche et quelque 100 000 entreprises qui comptent 2 millions de places de travail en Suisse environ et plus de 2,1 millions à l’étranger, dont beaucoup globalement dans le Sud.
La Suisse n’est pas seulement au cœur de l’Europe. Elle a aussi jeté des ponts avec le monde entier. Les investissements à long terme, le transfert de savoir-faire et la collaboration avec des personnes de toutes les cultures et tous les horizons sont la réalité quotidienne pour les entreprises helvétiques depuis le XIX esiècle. Notre économie ouverte a toujours entretenu des échanges avec le reste du monde. Des commerçants suisses ont pris le chemin de l’Asie, de l’Amérique latine et de l’Afrique, pendant que des personnes venues d’autres pays ont trouvé une nouvelle patrie en Suisse.
Les anniversaires peuvent servir à réécrire l’histoire et donner naissance à des mythes et des légendes. Nous ne voulions pas de cela pour les 150 ans d’Economiesuisse. Un exercice d’introspection et d’autocongratulation nous aurait profondément déplu. Nous avons été mus non par la vanité, mais par la curiosité : que peut nous apprendre un regard scientifiquement aiguisé porté sur nos archives ? Que nous enseigne l’histoire de la politique économique de notre pays ? Et surtout, quelles expériences du passé peuvent nous servir dans un présent empreint d’incertitudes ?
Il va sans dire que l’ouvrage de l’historienne de l’économie Andrea Franc nous réjouit, puisqu’elle a analysé de manière approfondie l’évolution de la politique économique suisse et le rôle joué par notre fédération, depuis le blocus continental ordonné par Napoléon jusqu’à la politique « America First » prônée par Donald Trump. Sans relâche, elle a fouillé nos archives et replacé ses découvertes dans le contexte des événements politiques et économiques des 200 dernières années de l’histoire de notre pays.
Nous espérons que le présent ouvrage insufflera en vous l’esprit d’entreprise qui animait nos ancêtres, afin de relever avec courage les défis à venir.
Zurich, février 2021
Christoph Mäder, président d’Economiesuisse
Monika Rühl, présidente de la direction d’Economiesuisse
Les entreprises suisses dans l’économie mondiale
Pionières de la mondialisation
Pourquoi la Suisse est-elle le pays du monde le plus prospère et le plus stable au niveau politique ? Parce que pendant longtemps – les mauvaises langues pourraient même dire « aujourd’hui encore » – ce n’était pas du tout un « pays ». Il lui manquait un roi, un parti ou un groupe ethnique dominant, un président disposant d’un droit de veto, en d’autres termes :un État central planificateur avec un programme. Aujourd’hui encore, nombre de Suisses ont du mal à énumérer correctement les noms des sept conseillers fédéraux du premier coup. Le peuple a toujours choisi lui-même les politiques dont il a bénéficié. Sur le territoire suisse, les plus petites communautés possibles sont responsables depuis des siècles de leur propre bien-être et ont ainsi contribué à l’émergence d’institutions à la fois stables et dynamiques qui garantissent la paix, la sécurité et la prospérité. Si les entrepreneurs n’ont pas été entravés dans l’exercice de leurs activités par des autorités dépensières et pédantes imposant impôts et réglementations, ils ont en revanche dû prendre en main euxmêmes les questions de politique étrangère. Dès la fin du Moyen-Âge, la Confédération négocie des accords avec les souverains européens. Au XIX esiècle, face à l’industrialisation et à la mondialisation croissante, les entrepreneurs des cantons suisses règlent de nombreuses questions d’ordre gouvernemental, des services postaux aux missions diplomatiques à Constantinople ou à Shanghai en passant par la conclusion d’accords commerciaux avec les dynasties royales d’Europe. Il n’est donc pas surprenant que l’association suisse représentative des entreprises Economiesuisse, fondée en 1870, soit de loin la plus ancienne (et la plus importante au niveau de la politique intérieure) association d’entreprises au monde. Par ailleurs, cette association nationale s’appuie sur des chambres de commerce cantonales qui existent de plus longue date encore et dont l’histoire remonte parfois au Moyen-Âge. Il est toutefois intéressant de noter que l’innovation économique est souvent venue des classes bourgeoises moyennes installées dans les villes, notabene des sujets qui n’ont eu leur mot à dire dans la République helvétique qu’à partir de 1798. Au cours des siècles, des réfugiés de toute l’Europe apportent aussi capitaux et savoir-faire en Suisse. Au fil des générations, les membres des entreprises familiales innovantes réussissent cependant à faire partie du patriciat en acquérant des droits de cité. La plupart des cantons fédéraux appliquent un régime patricien, et ce sont justement les cantons ruraux de Suisse centrale à démocratie directe qui sont économiquement faibles sur le plan structurel et ne développent pratiquement aucune innovation.
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