La sacrifiée récalcitrante
Cet ouvrage est une œuvre de fiction. Tous les personnages, lieux, et événements décrits dans cet ouvrage sont fictifs ou utilisés de manière fictive.
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Copyright © 2019, Ines Johnson.
Tous droits réservés.
Première édition aux États-Unis : septembre 2019
Couverture : Jacqueline Sweet Designs
Titre original : The Dragon’s Reluctant Sacrifice
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Ingrao
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Épilogue
Vlan ! Crunch ! Crac !
Rester tranquille et anticiper un coup de poing était toujours plus douloureux que quand il arrivait complètement par surprise. Quand l’adversaire savait que la frappe arrivait, le corps se raidissait, se préparant à absorber un choc destiné à le réduire en miettes. Corin se raidit, mais comme il était plus solide que la moyenne, sa mâchoire ne se fendit pas comme un melon sous l’impact du direct.
Malgré tout, le coup violent asséné par un poing bien serré lui ébranla le crâne. Le choc interrompit le flot de ses ondes cérébrales. C’était l’objectif principal de la douleur ; ne plus être capable de réfléchir pendant une seconde entière.
Le cerveau de Corin était son atout le plus précieux, la chose qu’il essayait de protéger, ce qui l’avait amené à accepter de recevoir des coups de poing en plein visage.
Pow ! Bam ! Paf !
Il devait avoir perdu la tête pour accepter que ça continue. Ce crochet du droit à l’œil et cet uppercut au menton lui firent voir des étoiles de dessin animé. Nom d’une hémorragie crânienne, Batman. Corin devait mettre un terme à cette petite expérience avant qu’elle ne dérape. Dommage que son adversaire n’ait pas fini de lui asséner toute sa panoplie, avec un petit coup sec et un crochet au plexus solaire.
Corin se plia en deux. Une épaisse volute de fumée obscurcit sa vision. La transpiration qui s’était formée sur son front s’évapora à la chaleur de son souffle. Il lutta contre la colère enflant dans son ventre, sa poitrine se soulevant et s’abaissant rapidement. Entretemps, chaque nouveau coup successif agissait comme un combustible attisant le feu qui léchait les parois de ses entrailles.
— Comme un papillon voleter, comme une abeille piquer, chanta la voix de son bourreau qui sautillait d’un pied sur l’autre et se déplaçait autour de Corin avec les mains levées.
Même le rembourrage des gants de boxe n’atténuait pas l’impact des coups puissants de Béryl. Les biceps de ce type pesaient probablement vingt kilos chacun.
Corin ne prêta pas attention à la performance de ce crétin aux pieds agiles et se concentra sur son feu intérieur. Il devait freiner la croissance du brasier dans ses entrailles. Il devait éteindre la torche. S’il n’y arrivait pas, les flammes le consumeraient, le dévoreraient vivant de l’intérieur. Pire, la fournaise court-circuiterait son esprit.
— Ce que ses yeux ne peuvent voir, ses mains ne peuvent frapper.
Encore un enchaînement petit coup, petit coup, et crochet du droit de la part de Béryl.
— Là, tu me vois, là, tu ne me vois pas. Il pense me voir, mais il ne peut pas.
Corin était sur le point de mettre un terme à cette torture à base de rimes quand un nouveau craquement assourdissant projeta son visage loin du mur et l’envoya vers la fenêtre. Le ciel sombre s’éclaira lorsque les flammes enfermées dans le ventre de Corin rugirent dans sa poitrine et jaillirent de sa gorge. La pièce en pierres gris foncé fut inondée d’une sombre teinte rouge tandis que sa bête intérieure desserrait sa laisse.
— Ha ! dit Béryl en levant les gants au ciel en signe de victoire. J’ai réussi ! La bête est lâchée. Je suis le meilleur de tous les temps.
La bête était lâchée, mais elle n’était pas libre.
Corin serra les dents. Aspirant une grande goulée d’air, il regarda fixement la lune blanche au-dehors. Le disque pâle paraissait toujours rouge au travers de ses pupilles fendues. Corin n’osa pas fermer les yeux. Sinon, il se perdrait dans les ténèbres de la créature qui était en lui.
Ses poumons se contractèrent, l’homme et la bête se disputant l’air qui s’y trouvait. Son cœur battait frénétiquement tandis que l’organe était tiraillé dans deux directions différentes. Ce serait tellement plus simple pour Corin de s’abandonner à son feu intérieur, de le laisser brûler sa peau fragile.
Les écailles étaient plus fortes que la chair. Les griffes plus dures que les ongles. L’instinct plus fort que la raison.
Non ! C’était un mensonge. Son esprit, sa volonté, était l’essence même de son être. Il ne les abandonnerait jamais.
Se raccrochant fermement à sa réalité, Corin batailla contre le monstre qui voulait dévorer l’homme tout entier. Il le remit – avec griffes, écailles, et tout – dans sa cage, tout au fond de ses entrailles. Le feu en lui se réduisit à une chaleur supportable. La chair l’emporta et les écailles se lissèrent en une peau bronzée et dorée. La lune passa du rouge d’un rubis au rose d’un saphir, et enfin, à la glace étincelante d’un diamant. La bête se recroquevilla à l’intérieur de sa cage.
Pour l’instant.
Ayant regagné le contrôle complet, Corin ferma les yeux, libérant le souffle qu’il avait retenu. Quand il les ouvrit à nouveau, des ailes sombres éclipsèrent la lune lorsqu’une bête différente vola de l’autre côté de la fenêtre. Le bref triomphe de Corin fut anéanti. Il avait peut-être gagné une bataille intérieure, mais il était en train de perdre la guerre à l’extérieur.
Corin se leva de sa chaise et se dirigea vers les papiers sur son bureau. Des annotations, et des formules, et des équations étaient couchées sur le parchemin. Un breuvage, qui passait du rouge au vert puis au bleu, bouillonnait dans un creuset au-dessus d’une flamme.
— Oooh, grogna Béryl en retirant ses gants. On en a fini avec la journée fous une raclée à ton frère au boulot ? Et moi qui pensais qu’on était en train de resserrer nos liens.
L’expérience était terminée. Elle avait été couronnée de succès. Corin prit la fiole de liquide et l’examina, écrivant davantage de notes sur le parchemin. L’inoculation était pour bientôt, mais il manquait encore quelque chose.
Peut-être davantage de pollen d’anthère de fée. Ou un peu plus de poils de la crinière d’un lion métamorphe. Probablement encore quelques copeaux de griffe d’ours métamorphe. Avec seulement quelques petits ajustements supplémentaires, la potion serait prête pour être partagée avec ses frères, dans quelques jours, peut-être une semaine ou deux.
Corin reposa son stylo et prit le cube de monsieur Rubik comme s’il détenait la solution. Cet engin déconcertant ne détenait aucune réponse. Corin n’avait jamais résolu l’énervante énigme. Ses essais quotidiens ne distrayaient sa bête que durant un bref instant. Et aujourd’hui n’était pas un de ces jours-là.
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