Je lisais une étrange affection dans tes yeux
Et j'étais très heureux dans ma petite niche;
C'était un rêve tendre et vraiment lumineux,
Tu étais ma maîtresse et j'étais ton caniche.
Vers le Soleil se tend l'effort du végétal;
Le combat se poursuit et la chaleur augmente;
La réverbération devient éblouissante;
Des couches empilées d'air, d'une torpeur égale,
Remuent sournoisement.
J'étais je vous le jure dans mon état normal;
Les fleurs trouaient mes yeux de leur éclat brutal;
C'était un accident.
Je revois maintenant les circonstances exactes.
Nous étions arrêtés près d'une cataracte.
La souple peau des prés s'ouvrit, gueule béante;
La réverbération devint éblouissante;
Il y avait çà et là des fleurs de digitale;
Ma sœur et moi marchions sur un tapis nuptial.
La fille aux cheveux noirs et aux lèvres très minces
Que nous connaissons tous sans l'avoir rencontrée
Ailleurs que dans nos rêves. D'un doigt sec elle pince
Les boyaux palpitants de nos ventres crevés.
Nous avions traversé le jardin aux fougères
L'existence soudain nous apparut légère
Sur la route déserte nous marchions au hasard
Et, la grille franchie, le soleil devint rare.
De silencieux serpents glissaient dans l'herbe épaisse
Ton regard trahissait une douce détresse
Nous étions au milieu d'un chaos végétal
Les fleurs autour de nous exhibaient leurs pétales.
Animaux sans patience, nous errons dans l'Eden
Hantés par la souffrance et conscients de nos peines
L'idée de la fusion persiste dans nos corps
Nous sommes, nous existons, nous voulons être encore,
Nous n'avons rien à perdre. L'abjecte vie des plantes
Nous ramène à la mort, sournoise, envahissante.
Au milieu d'un jardin nos corps se décomposent,
Nos corps décomposés se couvriront de roses.
Traces de la nuit.
Une étoile brille, seule,
Préparée pour de lointaines eucharisties.
Des destins se rassemblent, perplexes,
Immobiles.
Nous marchons je le sais vers des matins étranges.
Doucement, nous glissions…
Doucement, nous glissions vers un palais fictif
Environné de larmes.
L'azur se soulevait comme un ballon captif;
Les hommes étaient en armes.
Maintenant ils sont là, réunis à mi-pente;
Leurs doigts vibrent et s'effleurent dans une douce ellipse.
Un peu partout grandit une atmosphère d'attente;
Ils sont venus de loin, c'est le jour de l'éclipsé.
Ils sont venus de loin et n'ont presque plus peur;
La forêt était froide et pratiquement déserte.
Ils se sont reconnus aux signes de couleur;
Presque tous sont blessés, leur regard est inerte.
Il règne sur ces monts un calme de sanctuaire;
L'azur s'immobilise et tout se met en place.
Le premier s'agenouille, son regard est sévère;
Ils sont venus de loin pour juger notre race.
Les champs de betteraves…
Les champs de betteraves surmontés de pylônes
Luisaient. Nous nous sentions étrangers à nous-mêmes,
Sereins. La pluie tombait sans bruit, comme une aumône;
Nos souffles retenus formaient d'obscurs emblèmes
Dans le ciel du matin.
Un devenir douteux battait dans nos poitrines,
Comme une annonciation.
La civilisation n'était plus qu'une ruine;
Cela, nous le savions.
Nous avions pris la voie rapide…
Nous avions pris la voie rapide.
Sur le talus, de grands lézards
Glissaient leur absence de regard
Sur nos cadavres translucides.
Le réseau des nerfs sensitifs
Survit à la mort corporelle.
Je crois à la Bonne Nouvelle,
Au destin approximatif.
La conscience exacte de Soi
Disparaît dans la solitude.
Elle vient vers nous, l'infinitude…
Nous serons dieux, nous serons rois.
Nous attendions, sereins, seuls sur la piste blanche;
Un Malien emballait ses modestes affaires
Il cherchait un destin très loin de son désert
Et moi je n'avais plus de désir de revanche.
L'indifférence des nuages
Nous ramène à nos solitudes;
Et soudain nous n'avons plus d'âge,
Nous prenons de l'altitude.
Lorsque disparaîtront les illusions tactiles
Nous serons seuls, ami, et réduits à nous-mêmes.
Lors de la transition de nos corps vers l'extrême,
Nous vivrons des moments d'épouvante immobile.
La platitude de la mer
Dissipe le désir de vivre.
Loin du soleil, loin des mystères,
Je m'efforcerai de te suivre.