Quand la pluie tombait en rafales
Sur notre petite maison
Nous étions à l'abri du mal,
Blottis auprès de la raison.
La raison est un gros chien tendre
Et c'est l'opposé de la perte
Il n'y a plus rien à comprendre,
L'obéissance nous est offerte.
Donnez-moi la paix, le bonheur,
Libérez mon cœur de la haine
Je ne peux plus vivre dans la peur,
Donnez-moi la mesure humaine.
Il existe un pays, plutôt une frontière,
Où la lumière est douce et pratiquement solide
Les êtres humains échangent des fragments de lumière,
Mais ils n'ont pas la moindre appréhension du vide.
La parabole du désir
Remplissait nos mains de silence
Et chacun se sentait mourir,
Nos corps vibraient de ton absence.
Nous avons traversé des frontières de craie
Et le second matin le soleil devint proche
Il y avait dans le ciel quelque chose qui bougeait,
Un battement très doux faisait vibrer les roches.
Les gouttelettes de lumière
Se posaient sur nos corps meurtris
Comme la caresse infinie
D'une divinité – matière.
Les couleurs de la déraison,
Comme un fétiche inachevé
Définissent de nouvelles saisons,
L'inexistence remplit l'été.
Le soleil du Bouddha tranquille
Glissait au milieu des nuages
Nous venions de quitter la ville,
Le temps n'était plus à l'orage.
La route glissait dans l'aurore
Et les essuie-glaces vibraient,
J'aurais aimé revoir ton corps
Avant de partir à jamais.
Dehors il y a la nuit
La violence, le carnage
Viens près de moi, sans bruit,
Je distingue une image Mouvante.
Et les contours se brouillent,
La lumière est tremblante
Mon regard se dépouille
Je suis là, dans l'attente, Sereine.
Nous avons traversé
Des époques de haine,
Des temps controversés
Sans dimension humaine
Et le monde a pris forme,
Le monde est apparu
Dans sa présence nue,
Le monde.
LA LONGUE ROUTE DE CLIFDEN
À l'Ouest de Clifden, promontoire
Là où le ciel se change en eau
Là où l'eau se change en mémoire
Tout au bord d'un monde nouveau
Le long des collines de Clifden,
Des vertes collines de Clifden,
Je viendrai déposer ma peine.
Pour accepter la mort il faut
Que la mort se change en lumière
Que la lumière se change en eau
Et que l'eau se change en mémoire.
L'Ouest de l'humanité entière
Se trouve sur la route de Clifden
Sur la longue route de Clifden
Où l'homme vient déposer sa peine
Entre les vagues et la lumière.
Montre-toi, mon ami, mon double
Mon existence est dans tes mains
Je ne suis pas vraiment humain
Je voudrais une existence trouble
Une existence comme un étang, comme une mer
Une existence avec des algues
Et des coraux, et des espoirs, et des mondes amers
Roulés par la pureté des vagues.
L'eau glissera sur mon cadavre
Comme une comète oubliée
Et je retrouverai un havre,
Un endroit sombre et protégé.
Avalanche de fausses raisons
Dans l'univers privé de sens,
Les soirées pleines de privation,
Les murailles de la décadence.
Comme un poisson de mer vidé,
J'ai donné mes organes aux bêtes
Mes intestins écartelés
Sont très loin, déjà, de ma tête.
La chair fourmille d'espérance
Comme un bifteck décomposé,
Il y aura des moments d'errance
Où plus rien ne sera imposé.
Je suis libre comme un camion
Qui traverse sans conducteur
Les territoires de la terreur,
Je suis libre comme la passion.
La clarté paraît dangereuse
Et les femmes ont rarement besoin
D'être satisfaites de leur sexe,
Évidemment.
L'avantage d'avoir des organes sexuels internes,
Je le lis avec clarté dans ton regard
Au demeurant presque innocent.
Tu attends ou tu provoques,
Mais au fond tu attends toujours
Une espèce d'hommage
Qui pourra t'être donné ou refusé,
Et ta seule possibilité en dernière analyse est d'attendre.
Pour cela, je t'admire énormément.
En même temps tu es si faible et si soumise,
Tu sais qu'une quantité excessive de sueur diminuera le [désir
Que je suis seul à pouvoir te donner
Car tu n'en veux pas d'autre,
Et tu as besoin de ce désir.
Pour cela, aussi, je t'admire énormément.
En même temps tu as cette force terrifiante
De ceux qui ont le pouvoir de dire oui ou de dire non
Cette force t'a été donnée
Beaucoup peuvent te chercher, certains peuvent te trouver
Ton regard est la clef de différentes possibilités d'existence et de différentes structurations du monde
Tu es la clef offerte par la vie pour un certain nombre d'ailleurs
À ton contact, je deviens progressivement meilleur
Et j'admire, également, ta force.
Je suis en présence de toi
Comme devant un autre monde
Pourtant je vais au fond de toi
Je m'arrête, j'écoute les secondes
Et il y a un autre monde.
NAISSANCE AQUATIQUE D'UN HOMME
Il y a d'abord cet acte qu'il faut bien qualifier de charnel,
Faute d'un meilleur terme
Acte où nous engageons pourtant une bonne partie de nos ressources spirituelles
Et de nos croyances
Car nous créons les conditions, non seulement pour un être, mais aussi pour le monde, d'une nouvelle naissance,
Nous en fixons l'initiation et peut-être le terme.
Il y a ensuite cette espèce d'être animal
Qu'on a bien du mal à mettre en rapport avec la femme
Telle que nous la connaissons
Je veux dire, la femme de nos jours,
Celle qui prend le métro
Et qui n'est plus capable d'amour.
Il y a ce geste de l'embrassement qui remonte si naturellement vers les lèvres et vers les mains
Devant l'objet fripé qui sort
Qui était protégé il y a quelques instants encore
Qui vient brutalement de tomber en direction de l'humain
De manière irrémédiable
Et nous pleurons, nous aussi, cette chute.
Il y a cette espèce de croyance en un monde délivré du mal
Et des cris, et de la souffrance,
Un monde où envisager l'horreur de la naissance
Comme un acte amical
Je veux dire, un monde où l'on pourrait vivre
Depuis le premier instant
Et jusqu'à la fin, jusqu'au terme naturel;
Un tel monde n'est en aucun cas décrit dans nos livres.
C'est comme une veine qui court sous la peau, et que l'aiguille cherche à atteindre,
C'est comme un incendie si beau qu'on n'a pas envie de l'éteindre,
La peau est endurcie, par endroits presque bleue, et pourtant c'est un bain de fraîcheur au moment où pénètre l'aiguille
Nous marchons dans la nuit et nos mains tremblent un peu, pourtant nos doigts se cherchent et pourtant nos yeux brillent.
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