â Je suis heureux dâavoir fait votre connaissance, madame, mais je dois y aller, jâai un rendez-vous sur les pistes.
Dehors, le soleil extrêmement lumineux surexposait le paysage. De toute façon Oskar ne se trouvait pas dans un endroit qui lui était familier. Le cadre qui sâétalait sous ses yeux lui donnait la sensation que les Autres se trouvaient à leur aise, il voyait en effet une multitude de skieurs qui, par petits groupes, se dirigeait vers les installations. Ils avaient lâair tranquilles, sûrs de ce quâils devaient faire. On voyait quâils avaient tous un programme.
Quand il arriva à la sortie du village, il remarqua que quelques skieurs isolés se dirigeaient vers une petite vallée : peut-être aurait-il trouvé par là des pistes moins fréquentées. Il ne devait pas oublier quâil était entré illégalement dans le Grand Ski-lift et quâil espérait se fondre dans cet environnement. Les skis sur lâépaule, il arriva au fond de la petite vallée où tournait une remontée peu utilisée. Il pourrait montrer sa carte et commencer à sâentraîner sur les pistes damées, sans crainte dâêtre repéré.
Il passa sa journée à monter et descendre la même piste. Personne ne lui prêtait attention, les employés des remontées étaient distraits, ils discutaient entre eux. Ce fut une journée de ski pénible. Il avait essayé de se rappeler des mouvements de base, mais câétait difficile, il ne se souvenait presque de rien. Quiconque lâaurait vu, haletant, le pantalon trempé de neige, aurait inévitablement pensé quâOskar Zerbi était débutant. Au cours de cette première journée, il pensa plusieurs fois quâil était inutile de rester dans le Grand Ski-lift. Cela nâavait aucun sens. Et il se demanda quel pouvait être le véritable motif pour lequel il sâétait aventuré de façon si risquée dans des vacances de ce genre. Voulait-il se retrouver lui-même par le ski ? Une idée incompréhensible, en apparence.
Oskar observait attentivement les autres skieurs pour en reproduire le style, et comprendre éventuellement quelque chose dâessentiel quâil ne savait pas encore. Pendant sa dernière descente, il vit un skieur expert qui faisait ses virages avec une grande souplesse, et il essaya de lâimiter. Mais il ne put réussir un seul virage sans défauts, comme lâavait en revanche fait le skieur-guide ; il perçut cependant quelque chose, et comprit quâen restant quelques jours, il pourrait faire des progrès importants.
à lâhôtel, il dîna dans sa chambre, car il avait peur de rencontrer la dame-qui-avait-envie-de-parler. Avant de sâendormir, il pensa que ce quâil faisait était encore « standard », et que cela nâaurait apporté aucun changement. Malgré tout, quand il aurait retrouvé un peu dâhabitude du ski, il se serait peut-être amusé.
Il ne pensa plus à rentrer en Ville. Il nâavait rien à faire là -bas.
Il passa plusieurs jours à sâentraîner seul, toujours sur la même piste. Il en connaissait maintenant par cÅur chaque creux et chaque variation de pente. Il savait bien à quels endroits il devait se concentrer pour pouvoir descendre sans fautes, au moins sur cette piste. Cela faisait plusieurs jours quâil skiait dans le Grand Ski-lift sans encombre. à midi, il sâarrêta dans une buvette au départ du télésiège.
Il sâétait assis de façon à avoir le visage à lâombre pour ne pas être gêné par la lumière intense du soleil. Il regardait vers le village, lâesprit vide. Dans ces journées dâexercice intense, il ne pensait pas, se bornant à réexaminer mentalement la piste, pour pouvoir encore mieux la descendre.
Il sâétait installé à une table à lâécart, un jeune couple était assis à quelques mètres : les deux enfants qui jouaient un peu plus loin devait être les leurs. à un certain moment, il se rendit compte que lâhomme le regardait : il nây avait pas dâautres touristes installés, et cela lâinquiéta. Il nâavait pas complètement oublié quâil se trouvait illégalement dans le Circuit, et il sentit un frisson de peur en se sentant observé. Ces vacances étranges avaient commencé de façon non conventionnelle, et il devait les normaliser dâune façon ou dâune autre. Il aurait par exemple pu rentrer en Ville, à son travail et à sa famille. Mais après cette considération de bon sens, il sentit comme un vide, prouvant que dans la réalité des choses les événements étaient enchevêtrés de façon plus complexe. Lâhomme se leva et vint vers lui en souriant.
â Excusez-moi, Monsieur, mais ma femme et moi étions en train de penser quâil est parfaitement ridicule que dans un endroit aussi isolé vous mangiez tout seul dans votre coin.
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