JEAN
Et c’est lui qui a eu l’idée de nouer les deux vestes ensemble. – C’est un vrai petit lion, dit Madeleine en l’embrassant.
LÉON, d’un air moqueur
Plutôt un écureuil, en raison de son agilité à grimper aux arbres.
MARGUERITE, vivement
Chacun a son genre d’agilité: les uns grimpent aux arbres comme des écureuils au risque de se tuer; les autres courent comme des lapins de peur de se tuer.
MADAME DE ROSBOURG
Marguerite, Marguerite! Prends garde! [80] prends garde – осторожней, берегись
MARGUERITE
Mais, maman, Léon veut diminuer le mérite de Jacques, et lui-même pourtant trouvait dangereux d’aller au secours de la pauvre Sophie.
LÉON
Il fallait bien que quelqu’un allât chercher des cordes.
MARGUERITE
Avec cela qu’elle a bien servi, ta corde!
MADAME DE FLEURVILLE
Voyons, enfants, ne vous disputez pas; ne vous laissez pas aller, toi, Léon, à la jalousie, toi, Marguerite, à la colère, et remercions Dieu d’avoir tiré la pauvre Sophie du danger où elle s’était mise par sa faute. Rentrons à la maison; il est tard, et nous avons tous besoin de repos.»
Tout le monde se leva et l’on se dirigea vers la maison, tout en causant vivement des événements de la matinée.
Madame de Fleurville avait un chien de garde que les enfants avaient élevé, et qui s’appelait Biribi; ce nom lui avait été donné par Marguerite et Jacques. Le chien avait deux ans; il était grand, fort, de la race des chiens des Pyrénées, qui se battent contre les ours des montagnes; il était très doux avec les gens de la maison et avec les enfants, qui jouaient souvent avec lui, qui l’attelaient à une petite charrette, et le tourmentaient à force de caresses; jamais Biribi n’avait donné un coup de dents ni un coup de griffes.
Un jour, M. de Traypi annonça aux enfants qu’il allait voir laver [81] voir laver – посмотреть, как моют
son chien de chasse, Milord, dans de l’eau d’aloès [82] aloès [-εs] – алоэ
.
«Voulez-vous venir avec moi, mes enfants? Vous nous aiderez à laver et à essuyer Milord.
– Oui, papa; oui, mon oncle; oui, monsieur», répondirent ensemble tous les enfants.
Ils abandonnèrent Biribi, qu’ils allaient atteler à une voiture de poupée [83] une voiture de poupée – игрушечная карета
, et ils coururent avec M. de Traypi à la buanderie (endroit où on fait les lessives) pour voir laver Milord. Un baquet plein d’une eau tiède et rougeâtre attendait Milord, qui n’avait pas du tout l’air satisfait de se trouver là. Quand M. de Traypi entra, le pauvre Milord voulut courir à lui; mais le cocher et le garde le tenaient chacun par une oreille pour l’empêcher de se sauver [84] se sauver – убежать
, et il fut obligé de rester près du baquet, attendant le moment où on le plongerait dedans.
«Allons, Milord, dit M. de Traypi, saute là-dedans, saute.»
Et il aida à sa bonne volonté en l’enlevant par la peau du cou. Le chien s’élança dans le baquet, éclaboussant tous ceux qui se trouvaient près de lui. Madeleine et Marguerite, qui étaient en avant, furent les plus mouillées; un éclat de rire général accompagna ce premier exploit de Milord; M. de Traypi était inondé.
«Ah bas! dit-il, nous nous changerons [85] nous nous changerons – мы переоденемся
en rentrant; profitons de ce que nous sommes déjà mouillés pour laver M. Milord bien à fond [86] pour laver M. Milord bien à fond – ирон . чтобы как следует помыть господина Милорда
.»
Tous les enfants s’y mirent; chacun contribua au supplice de Milord, l’un en lui plongeant le nez, l’autre en lui enfonçant la queue, le troisième en lui inondant les oreilles.
Le pauvre Milord se laissait faire; il avait l’air malheureux; de temps en temps il léchait une main qui l’avait inondé, comme pour demander grâce.
«Pauvre chien! dit Jacques. Papa, laissez-le sortir, je vous en prie: il me fait pitité.
M. DE TRAYPI
Il n’est pas encore mouillé jusqu’au fond des poils; arrose-le, au lieu de le plaindre.
MARGUERITE
Mais pourquoi lui faites-vous prendre ce bain [87] lui faites-vous prendre ce bain – заставляете его принимать эту ванну
, monsieur? Il était très propre.
M. DE TRAYPI
C’est pour faire mourir ses puces [88] faire mourir ses puces – убить блох
: il en est rempli.
LÉON
L’eau fait mourir les puces, mon oncle?
M. DE TRAYPI
L’eau mêlée de poudre d’aloès les tue tout de suite.
LÉON
Ah! que c’est drôle! Je ne savais pas cela.
JEAN
Et faut-il beaucoup de poudre, mon oncle?
M. DE TRAYPI
Non; un petit paquet de 5 grammes dans chaque litre d’eau.
JACQUES
Quand je serai grand, je ferai laver mes chevaux [89] je ferai laver mes chevaux – я распоряжусь, чтобы помыли моих лошадей
dans l’eau d’aloès.»
Tout le monde se mit à rire.
M. DE TRAYPI, riant
Les chevaux n’ont jamais de puces, nigaud.
JACQUES, un peu confus
Mais s’ils n’ont pas de puces, ils ont des mouches qui les piquent, et je pense que l’aloès peut tuer les mouches comme il tue les puces.
M. DE TRAYPI, riant
Je ne peux pas te le dire, je n’ai jamais essayé. Tu penses bien qu’il ne serait pas facile d’avoir un baquet assez grand pour baigner un cheval; et, quand même on l’aurait, les mouches se sauveraient et n’auraient pas la bêtise de se faire noyer [90] n’auraient pas la bêtise de se faire noyer – скорее всего не будут так глупы, чтобы позволить себя утопить
quand elles peuvent s’envoler.
LÉON
Et puis, comment le ferait-on entrer dans le baquet?
JEAN
Ce ne serait pas moi qui m’en chargerais, toujours.»
Pendant cette conversation, Milord avait fini son bain.
On était en train de l’essuyer. Puis on le laissa se sécher plus complètement au soleil; on vida l’eau du baquet, et tout le monde sortit en fermant la porte de la buanderie. On ne pensa plus à Milord; les enfants voulurent reprendre Biribi pour continuer leur jeu, mais Biribi avait profité de sa liberté pour s’en aller; on l’appela, on le chercha, et, ne le trouvant pas, on s’en passa.
Le lendemain, le garde vint dire à Mme de Fleurville que Biribi ne se retrouvait pas.
JACQUES
Oh! le pauvre Biribi! où peut-il être?
MADAME DE FLEURVILLE
Il est probablement allé visiter quelques amis [91] visiter quelques amis – проведать друзей ( совр. франц. aller voir ses amis)
dans les environs. Il faudra que vous alliez le chercher, Nicaise.
NICAISE
Oui, madame; mais j’ai déjà fait un tour ce matin, et personne ne l’avait vu.
JEAN
Ma tante, si vous permettez, nous irons après déjeuner au Val, à la Clémandière, à la Fourlière, à Bois-Thorel, au Sapin, dans tous les viiages enfin où nous pourrions le trouver.
Читать дальше