«Sophie, Sophie, criait-on, fais hou ! qu’on sache de quel côté tu es.»
Personne ne répondait.
L’inquiétude commençait à gagner Mme de Fleurville.
«Il n’est pas possible qu’elle ne réponde pas si elle est réellement cachée, dit-elle; je crains qu’il ne lui soit arrivé quelque chose [70] je crains qu’il ne lui soit arrivé quelque chose – боюсь, как бы с ней что-нибудь не случилось
.
– Elle aura été trop loin, dit M. de Rugès.
– Pourvu qu [71] pourvu que – лишь бы только
’elle ne se perde pas, comme il y a trois ans, dit Mme de Rosbourg.
– Ah! pauvre Sophie! s’écrièrent Camille et Madeleine. Allons la chercher, maman.
– Oui, allons-y tous, mais chacun des petits escorté d’un grand», dit M. de Traypi.
Ils se partagèrent en bandes et se mirent tous à la recherche de Sophie, l’appelant à haute voix; leurs cris retentissaient dans la forêt, aucune voix n’y répondait. L’inquiétude commençait à devenir générale; les enfants cherchaient avec une ardeur qui témoignait de leur affection et de leurs craintes.
Enfin Jean et Mme de Rosbourg crurent entendre une voix étouffée appeler au secours. Ils s’arrêtèrent, écoutèrent.... Ils ne s’étaient pas trompés.
C’était Sophie qui appelait:
«Au secours! au secours! Mes amis, sauvez-moi!
– Sophie, Sophie, où es-tu? cria Jean épouvanté.
– Près de toi, dans l’arbre, répondit Sophie.
– Mais où donc? mon Dieu! où donc? Je ne vois pas.»
Et Jean, effrayé, désolé, cherchait, regardait de tous côtés, sur les arbres, par terre: il ne voyait pas Sophie.
Tout le monde était accouru près de Jean, à l’appel de Mme de Rosbourg. Tous cherchaient sans trouver.
«Sophie, chère Sophie, cria Camille, où es-tu? sur quel arbre? Nous ne te voyons pas.
SOPHIE, d’une voix étouffée
Je suis tombée dans l’arbre, qui était creux [72] creux – полый
; j’étouffe; je vais mourir si vous ne me tirez pas de là.
– Comment faire? s’écriait-on. Si on allait chercher des cordes?»
Jean réfléchit une minute, se débarrassa de sa veste et s’élança sur l’arbre, dont les branches très basses permettaient de grimper dessus.
«Que fais-tu? cria Léon: tu vas être englouti avec elle.
– Imprudent! s’écria M. de Rugès. Descends, tu vas te tuer.»
Mais Jean grimpait avec une agilité qui lui fit promptement atteindre le haut du tronc pourri [73] tronc m pourri – прогнивший ствол
. Jacques s’était élancé après Jean et arriva près de lui avant que son père et sa mère eussent eu le temps de l’en empêcher [74] avant que son père et sa mère eussent eu le temps de l’en empêcher – до того, как родители успели ему в этом помешать
. Il tenait la veste de Jean et défit promptement la sienne. Jean, qui avait jeté les yeux dans le creux de l’arbre, avait vu Sophie tombée au fond et s’était écrié:
«Une corde! une corde! vite une corde!»
Léon, Camille et Madeleine s’élancèrent dans la direction du moulin pour en avoir une. Mais Jacques passa les deux vestes à Jean, qui noua vivement la manche de la sienne à la manche de celle de Jacques, et jetant sa veste dans le trou pendant qu’il tenait celle de Jacques:
«Prends ma veste, Sophie; tiens-la ferme à deux mains. Aide-toi des pieds pour remonter pendant que je vais tirer.»
Jean, aidé du pauvre petit Jacques, tira de toutes ses forces. M. de Rugès les avait rejoints et les aida à retirer la malheureuse Sophie, dont la tête pâle et défaite apparut enfin au-dessus du trou. Au même instant, les vestes commencèrent à se déchirer. Sophie poussa un cri perçant. Jean la saisit par une main, M. de Rugès par l’autre, et ils la retirèrent tout à fait de cet arbre qui avait être son tombeau; Jacques dégringola lestement jusqu’en bas; M. de Rugès descendit avec plus de lenteur, tenant dans ses bras Sophie à demi évanouie [75] à demi évanouie – в полуобморочном состоянии
, et suivi de Jean. Mme de Fleurville et toutes ces dames s’empressèrent autour d’elle; Marguerite se jeta en sanglotant dans ses bras. Sophie l’embrassa tendrement. Dès qu’elle put parler, elle remercia Jean et Jacques bien affectueusement de l’avoir sauvée. Lorsque Camille, Madeleine et Léon revinrent, traînant après eux vingt mètres de corde, Sophie était remise; elle put se lever et marcher à la rencontre de ses amis; elle sourit à la vue de cette corde immense.
«Merci, mes chers amis, dit-elle. Mais vous me croyiez donc au fond d’un puits comme Ourson, pour avoir apporté une corde de cette longueur?
CAMILLE
Nous ne savions pas bien au juste où tu étais, et nous avons pris à tout hasard [76] à tout hasard – на всякий случай
la corde la plus longue.
MADELEINE
Oui, car Leon a dit: «Une corde trop longue ne peut pas faire de mal, et une corde trop courte pourrait être cause de la mort de Sophie».
MARGUERITE
Pauvre Sophie, cette forêt nous est fatale.
MADAME DE FLEURVILLE
Voilà Sophie bien remise de sa frayeur, et nous voilà tous rassurés sur compte; je demande maintenant qu’elle nous explique comment cet accident est arrivé.
M. DE RUGÈS
C’est vrai, on était convenu de ne pas grimper aux arbres.
SOPHIE, embarrassée
Je voulais… me cacher mieux que les autres. Je m’étais mise derrière ce gros chêne, pensant que je tournerais autour et qu’on ne me trouverait pas.
MADAME DE TRAYPI
Ah! par exemple! j’ai pris Madeleine, et puis Léon, qui avaient voulu aussi tourner autour d’un gros arbre.
SOPHIE
C’est précisément parce que je vous voyais de loin prendre Madeleine et Léon, que j’ai pensé à trouver une meilleure cachette. Les branches de l’arbre étaient très basses; j’ai grimpé de branche en branche.
MARGUERITE
C’est-à-dire que tu as triché.
JACQUES
Et que le bon Dieu t’a punie.
SOPHIE
Hélas oui! le bon Dieu m’a punie. De branche en branche j’étais arrivée à un endroit où le tronc de l’arbre se séparait en plusieurs grosses branches; il y avait au milieu un creux couvert de feuilles sèches; j’ai pensé que j’y serais très bien. Je suis montée dans je creux; au moment où j’y ai posé mes pieds, j’ai senti l’écorce et les feuilles sèches s’enfoncer sous moi [77] j’ai senti l’écorce et les feuilles sèches s’enfoncer sous moi – я почувствовала, что кора и сухие листья провалились подо мной
, et, avant que j’aie pu m’accrocher aux branches, je me suis sentie descendre jusqu’au fond de l’arbre. J’ai crié, mais ma voix était étouffée par la frayeur, puis par la profondeur du trou où j’étais tombée.
JEAN
Pauvre Sophie, quelle horreur, quelle angoisse tu as dû éprouver!
SOPHIE
J’étais à moitié morte de peur [78] j’étais à moitié morte de peur – я была чуть жива от страха
. Je croyais qu’on ne me trouverait jamais, car je sentais combien ma voix était sourde et affaiblie. Je pris courage pourtant quand j’entendis appeler de tous côtés; je redoublai d’efforts pour crier, mais j’entendais passer [79] j’entendais passer – я слышала, как ходят
près de l’arbre où j’étais tombée, et je sentais bien qu’on ne m’entendait pas. Enfin, notre cher et courageux Jean m’a entendue, et m’a sauvée avec l’aide de mon petit Jacques....
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