1 ...6 7 8 10 11 12 ...15 – Vous êtes un brave et digne soldat, dit M. de Rugès en lui tendant la main; le sentiment d’humanité que vous manifestez à l’égard de ces gens qui vous ont accablé d’injures est noble et généreux.»
Le gendarme prit la main de M. de Rugès et la serra avec émotion.
«Notre devoir est souvent pénible à accomplir, et peu de gens le comprennent; c’est un bonheur pour nous de rencontrer des hommes justes comme vous, monsieur.»
Léon et Jean avaient écouté avec attention le récit du gendarme. Les dames et les enfants s’étaient aussi rapprochés et avaient pu l’entendre également, de sorte que Léon et Jean n’eurent rien à leur apprendre. Les Léonard avaient recommencé leurs injures et leurs cris; ces dames pensèrent que, n’ayant rien à faire pour les Léonard, il était plus sage de s’éloigner, de crainte que les enfants ne fussent trop impressionnés de ce qu’ils entendaient. On avait été obligé d’éloigner Jeannette de ses parents, qui, tout garrottés qu’ils étaient, voulaient encore la maltraiter. Mmes de Fleurville et de Rosbourg, et le reste de la compagnie, se dirigèrent vers une partie de la forêt assez élognée du moulin pour qu’on ne pût rien voir ni entendre de ce qui s’y passait. Les enfants étaient restés tristes et silencieux, sous l’impression pénible de la scène du moulin. M. de Rugès demanda à faire une halte [60] faire une halte – сделать привал
et à étaler sur l’herbe [61] étaler sur l’herbe – разложить на траве
les provisions que portait l’âne qui les suivait; ce moyen de distraction réussit très bien. Les enfants ne se firent pas prier [62] les enfants ne se firent pas prier – детей не надо было уговаривать
; ils firent honneur au repas rustique; crème, lait caillé, beurre, galette, fraises des bois, tout fut mangé. Ils causèrent beaucoup de Jeannette et de ses parents.
LÉON
Comment Jeannette a-t-elle pu devenir assez mauvaise pour voler et vendre cette toile avec tant d’effronterie?
MADAME DE FLEURVILLE
Parce que son père et sa mère lui donnaient l’exemple du vol et du mensonge. Bien des fois ils m’ont volé du bois, du foin [63] du foin – сено
, du blé, et ils se faisaient toujours aider par Jeannette [64] ils se faisaient toujours aider par Jeannette – им всегда помогала Жаннет
. Tout naturellement, elle a voulu profiter de ces vols pour elle-même.
CAMILLE
Mais comment osait-elle aller à l’église et au catéchisme? Comment ne craignait-elle pas que le bon Dieu la punît de sa méchanceté!
MADAME DE FLEURVILLE
Elle se tenait très mal à l’église; elle bâillait, elle détirait ses bras [65] détirait ses bras – потягивалась
, elle se roulait sur son banc: ce qui prouve bien qu’elle n’y allait pas pour prier, mais pour faire comme tout le monde.
MADELEINE
Mais au catéchisme elle devait apprendre que c’est très mal de voler.
MADAME DE FLEURVILLE
Elle l’apprenait, mais elle n’y faisait pas attention.
JEAN
Eh, mon Dieu! c’est comme nous: si nous faisions tout ce que dit notre catéchisme, nous ne ferions jamais rien de mal.
LÉON
Dis-donc, Jean, parle pour toi; ne dis pas nous : moi, d’abord, je fais tout ce que me dit le catéchisme.
JACQUES
Ah! par exemple, non.
LÉON
Est-ce que tu y comprends quelque chose, toi, gamin! Tu parles toujours sans savoir ce que tu dis.
JACQUES
Est-ce ton catéchisme qui t’ordonne de répondre comme tu le fais? Est-ce bien lui qui te conseille de me battre quand tu es en colère, de dire des gros mots [66] dire des gros mots – говорить грубости, непристойности
et bien d’autres choses encore?
LÉON
Imbécile, va! si je ne méprisais ta petitesse, je te ferais changer de ton.
JACQUES
Tu méprises ma petitesse et tu crains papa et mon oncle, sans quoi....
M. DE TRAYPI , sévèrement
Jacques, tais-toi; tu provoques toujours Léon, qui n’est pas endurant, tu le sais.
JACQUES
Oh oui! je le sais, papa, et j’ai tort; mais,… mais,… c’était si tentant....
M. DE TRAYPI
Comment? tentant de dire des choses désagréables à ton grand cousin?
JACQUES
Papa, c’est précisément parce qu’il est grand; et comme vous étiez là pour me protéger....
M. DE TRAYPI , sévèrement
Tu t’es laissé aller [67] tu t’es laissé aller – ты поволил себе лишнее
. Ce n’est pas bien, Jacques; ne recommence pas.
M. DE RUGÈS
À ton tour, Léon, tu mérites un reproche bien plus sévère que Jacques, parce que tu es plus grand.
LÉON
Je n’ai rien fait de mal, papa, ce me semble [68] ce me semble (= il me semble) – кажется
.
M. DE RUGÈS
Tu as été orgueilleux, impatient et maussade; tâche de ne pas recommencer non plus, toi; si je me mêle de tes discussions, ce ne sera pas pour te soutenir.
– Et pour tout oublier, dit Mme de Fleurville en se levant, je propose une partie de cache-cache, de laquelle nous serons tous, petits et grands, jeunes et vieux.
– Bravo, bravo! ce sera bien amusant, s’écrièrent tous les enfants. Voyons, qui est-ce qui l’est?
– Il faut l’être deux, dit Mme de Rosbourg; ce serait trop difficile de prendre étant seul.
– Ce sera moi et ma sœur de Fleurville, dit M. de Traypi; ensuite de Rugès avec Mme de Rosbourg; puis ceux qui se laisseront prendre. Une, deux, trois. La partie commence: le but est à l’arbre près duquel nous nous trouvons.»
Toute la bande se dispersa pour se cacher dans des buissons ou derrière des arbres.
«Défendu de grimper aux arbres! cria Mme de Traypi.
– Hou! hou! crièrent plusieurs voix de tous les côtés.
– C’est fait, dit M. de Traypi. Prenez de ce côté, ma sœur; je prendrai de l’autre.»
Ils partirent tout doucement chacun de leur côté, marchant sur la pointe des pieds, regardant derrière les arbres, examinant les buissons.
«Attention, mon frère! cria Mme de Fleurville, j’entends craquer les branches de votre côté.
– Ah! j’en tiens un», s’écria M. de Traypi en s’élançant dans un buisson.
Mais il avait parlé trop vite; Camille et Jean étaient partis comme des flèches et arrivèrent au but avant que M. de Traypi eût pu les rejoindre. Pendant ce temps Mme de Fleurville avait découvert Léon et Madeleine, elle se mit à leur poursuite; M. de Traypi accourut à son aide; pendant qu’ils les poursuivaient, Marguerite et Jacques les croisèrent en courant vers le but. Mme de Fleurville, croyant ceux-ci plus faciles à prendre, abandonna Léon et Madeleine à M. de Traypi et courut après Marguerite et Jacques; mais, tout jeunes qu’ils étaient, ils couraient mieux qu’elle, qui en avait perdu l’habitude, et ils arrivèrent haletants et en riant au but, au moment où elle allait les atteindre.
Essoufflée, fatiguée, elle se jeta sur l’herbe en riant, et y resta quelques instants pour reprendre haleine [69] reprendre haleine – передохнуть
. Elle alla ensuite rejoindre son frère, qui faisait vainement tous ses efforts pour attraper Léon, Madeleine et les grands; quant à Sophie, elle n’était pas encore trouvée. À force d’habileté et de persévérance, M. de Traypi finit par les prendre tous malgré leurs ruses, leurs cris, leurs efforts inouïs pour arriver au but. Sophie manquait toujours.
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