Robert Silverberg - Le château de Lord Valentin

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Le château de Lord Valentin: краткое содержание, описание и аннотация

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Sur Majipoor — trois continents immenses, des océans démesurés —, un jeune homme s’éveille. Il ne se souvient que de son nom : Valentin.
Au même instant, des fêtes se préparent : on attend le maître de la planète, le
Mais est-il bien celui qu’il paraît être ? Tandis que Valentin découvre auprès d’une troupe de jongleurs son aptitude à leur art, il est hanté par d’étranges rêves : il serait le vrai
l’on aurait transféré son esprit dans un autre corps…
Carabella, une jolie saltimbanque, l’encourage à revendiquer son identité. Mais pour parvenir jusqu’au
Valentin devra traverser des continents, des océans. La troupe de jongleurs dont il fait désormais partie se rallie à lui… Tous haïssent le
Vont-ils pour autant aider Valentin ?

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Mon amour blond comme les blés
Est aussi tendre que la nuit,
À la douceur d’un fruit volé,
Et nul n’est plus aimant que lui.
Ni les richesses de la terre,
Les trésors du Mont du Château,
Ni tous les joyaux de la mer
N’égalent mon amour si beau,

— Comme c’est joli, murmura Valentin. Et ta voix… ta voix est si belle…

— Tu sais chanter ? demanda-t-elle.

— Euh !… Oui, je suppose.

— Chante pour moi, maintenant, dit-elle en lui tendant la harpe. Une de tes chansons préférées.

Il retourna le petit instrument dans sa main, le considéra d’un air perplexe et déclara au bout d’un moment :

— Je ne connais pas de chansons.

— Pas de chansons ? Pas de chansons ? Allons, tu dois bien en connaître quelques-unes !

— On dirait qu’elles me sont sorties de l’esprit.

Carabella reprit sa harpe en souriant.

— Alors, je vais t’en apprendre quelques-unes, dit-elle. Mais pas maintenant, je ne crois pas.

— Non. Pas maintenant.

Leurs lèvres se joignirent. Carabella ronronnait et gloussait de plaisir et son étreinte se faisait de plus en plus forte. Au fur et à mesure que les yeux de Valentin s’accoutumaient à l’obscurité, il la voyait plus distinctement, le petit visage pointu, les yeux brillants d’espièglerie, la broussaille de ses cheveux bruns. Ses narines palpitaient d’impatience. Pendant un instant, Valentin eut envie de se dérober à ce qui allait inéluctablement se produire, comme s’il craignait obscurément qu’une sorte de pacte fût sur le point d’être scellé, mais il balaya rapidement ces craintes. Ce soir, c’était la fête et il la désirait, comme elle le désirait. Les mains de Valentin glissèrent en bas du dos, revinrent devant en suivant la cage thoracique dont les côtes affleuraient sous la peau. Il évoqua l’image qu’il avait d’elle lorsqu’il l’avait vue nue sous le purificateur : rien que de l’os et du muscle, guère de chair sauf sur les cuisses et les fesses. En un instant, elle fut de nouveau nue, et lui aussi. Il vit qu’elle tremblait, mais ce n’était pas de froid, pas par cette nuit douce et embaumée dans cette alcôve secrète. Une véhémence étrange et presque effrayante semblait s’être emparée d’elle. Il caressa ses bras, son visage, ses épaules musclées, les petits globes de ses seins aux mamelons durcis. Il promena la main sur la peau satinée de l’intérieur des cuisses. La respiration de Carabella s’accéléra et elle attira Valentin contre elle.

Leurs corps avaient tout de suite trouvé la bonne cadence, comme s’ils avaient été amants depuis des mois et avaient eu une longue habitude l’un de l’autre. Elle avait enroulé ses jambes minces et vigoureuses autour de la taille de Valentin et ils commencèrent à rouler l’un sur l’autre jusqu’au moment où ils approchèrent du bord du ruisseau et sentirent la fraîcheur des gouttelettes d’eau sur leurs corps baignés de sueur. Ils éclatèrent de rire et repartirent en roulant en sens inverse. Ils s’arrêtèrent cette fois contre un des buissons gris-vert et Carabella le plaqua contre elle, supportant tout son poids sans difficulté.

— Maintenant ! cria-t-elle, et il l’entendit haleter et gémir, et sentit ses doigts s’enfoncer profondément dans sa chair.

Un spasme furieux la secoua et, au même instant, il s’abandonna totalement aux forces qui explosaient en lui. Après quoi il resta étendu, reprenant sa respiration, à demi étourdi entre les bras de Carabella, attentif au battement sourd de son propre cœur.

— Nous allons dormir ici, murmura-t-elle. Personne ne viendra nous déranger cette nuit.

Elle lui caressa le front, écarta de ses yeux les soyeux cheveux blonds et les remit en place en les lissant. Elle lui embrassa délicatement le bout du nez. Elle était détendue, d’humeur folâtre et câline. Sa sombre fureur érotique l’avait abandonnée, probablement consumée dans le brasier de la passion. Mais Valentin, de son côté, se sentait secoué, hébété, interdit. Bien sûr, il y avait eu cette violente extase. Mais pendant ce bref instant de plaisir, il avait eu la vision fugitive d’un royaume mystérieux dépourvu de couleur, de forme et de substance, et il était resté en équilibre précaire à la lisière de cet inconnu avant de retomber dans le monde de la réalité.

Il était incapable de parler. Rien de ce qu’il aurait pu dire ne lui semblait adéquat. Il ne s’attendait pas à être aussi désorienté par l’acte d’amour. Carabella était de toute évidence consciente de cette inquiétude, car elle ne disait rien et se contentait de le tenir, de le bercer lentement, de serrer sa tête contre sa poitrine, de chantonner doucement à son oreille.

Dans la chaleur de la nuit, il glissa petit à petit dans le sommeil.

Quand les images du rêve commencèrent à défiler, elles étaient dures et terrifiantes.

Il fut transporté une nouvelle fois dans cette plaine pourpre et morne qui lui était devenue familière. Du ciel pourpre, les mêmes faces moqueuses le reluquaient, mais cette fois il n’était pas seul. Devant lui se dressait une forme au visage sombre et à la présence oppressante que Valentin reconnut comme son frère, bien que la lumière éblouissante du soleil ambré l’empêchât de distinguer avec précision les traits de l’autre homme. Et le rêve se déroulait sur un fond de musique lugubre, la mélopée funèbre et grave de la musique intérieure annonciatrice d’un rêve périlleux, d’un rêve menaçant, d’un rêve de mort.

Les deux hommes étaient engagés dans un âpre combat singulier dont un seul sortirait vivant.

— Frère ! cria Valentin d’une voix vibrante d’horreur. Non !

Il s’agita, se débattit et remonta à la surface du sommeil où il resta quelques instants en suspens. Mais toute son éducation était trop profondément ancrée en lui. On ne fuyait pas les rêves, on ne s’y dérobait point, aussi effroyables fussent-ils. On s’y plongeait totalement et on acceptait leurs conseils. Dans les rêves se trouvait aux prises avec l’inexplicable, et l’éviter à ce moment-là impliquait un inévitable affrontement et une inéluctable défaite dans l’état de veille.

Valentin s’enfonça délibérément de nouveau franchissant la frontière qui sépare la veille du sommeil, et il sentit de nouveau tout autour de lui la présence hostile de son ennemi, de son frère.

Ils étaient tous deux armés, mais la lutte était inégale. Alors que l’arme de Valentin était une fragile rapière, son frère maniait un sabre massif. Valentin déployait toute son adresse et son agilité pour tenter de franchir la garde de son adversaire. Impossible. À grands coups de sabre puissants l’autre parait toutes ses bottes, le repoussant inexorablement sur le sol crevassé.

Des vautours décrivaient des cercles au-dessus de leurs têtes. Une musique funèbre semblait tomber du ciel en sifflant. Il allait bientôt y avoir une effusion de sang et une vie allait retourner à la Source.

Valentin reculait pied à pied et il savait qu’un ravin s’ouvrait juste derrière lui et que bientôt toute retraite allait lui être coupée. Son bras était endolori, sa vue se brouillait de fatigue, il avait un goût de sable dans la bouche et sentait ses ultimes forces décliner. En arrière… en arrière…

— Frère ! cria-t-il avec angoisse. Au nom du Divin… Sa supplication ne lui valut qu’un rire méprisant et une cruelle obscénité. Valentin vit le sabre descendre sur lui en décrivant un grand arc de cercle et il porta une botte. Il fut ébranlé par un choc terrible qui lui engourdit tout le corps au moment où les deux lames s’entrechoquèrent et où son épée effilée fut brisée net près de la garde. Au même instant, il trébucha sur une racine qui dépassait du sable et tomba lourdement, atterrissant sur des plantes rampantes aux tiges épineuses. L’homme gigantesque se dressait au-dessus de lui occultant le soleil, emplissant tout le ciel. Le timbre de la musique funèbre prit une intensité aiguë. Les vautours battirent des ailes et fondirent sur leur proie. Valentin gémissait et tremblait dans son sommeil. Il se retourna et se nicha contre Carabella pour prendre un peu de sa chaleur alors que le froid horrible de ce rêve de mort l’enveloppait. Il eût été si facile de se réveiller maintenant, d’échapper à l’horreur et à la violence de ces images et de se réfugier en lieu sûr en regagnant les franges de la conscience. Mais il n’en était pas question. Obéissant à sa rigoureuse discipline, il se plongea de nouveau dans le cauchemar. La silhouette gigantesque ricana. Le sabre s’éleva. Le monde tanguait et s’effritait sous le corps étendu de Valentin. Il recommanda son âme à la Dame et attendit le coup de grâce.

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