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Robert Silverberg: Les Sorciers de Majipoor

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Robert Silverberg Les Sorciers de Majipoor

Les Sorciers de Majipoor: краткое содержание, описание и аннотация

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Sur Majipoor, planète géante, le pouvoir est partagé entre le Coronal qui représente, le Pontife qui administre, et la Dame des Rêves qui inspire dans leur sommeil les milliards d’humains et de membres d’autre espèces. A la mort d’un Pontife, le Coronal lui succède et nomme un nouveau Coronal. Jamais dans l’histoire multimillénaire de Majipoor, aucun n’a choisi son propre fils. Or, mille ans avant le règne de Lord Valentin, tandis que le Pontife Prankipin agonise, les ambitions attisent les passions. Prestimion est le candidat idéal bien qu’il n’ait pas été encore désigné par le Coronal en titre, Lord Confalume. Mais Confalume a un fils, Korsibar, d’autant de prestance que Prestimion. Et dont la soeur jumelle, la belle Thismet, est ambitieuse pour deux. Sous le règne pacifique et prospère de Prankipin, adepte des sciences occultes, oracles, mages et sorciers ont conquis la faveur des grands, puis de tout le peuple, embrumant les esprits et répandant le désir de connaître et de maîtriser l’avenir. La guerre qui s’annonce, dont personne ne veut, risque d’être aussi celle des ténèbres.

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Avec un rire tonitruant, le Procurateur leva sa hache à bout de bras et l’abattit en décrivant une grande courbe.

Le coup aurait tranché le bras de Prestimion à la hauteur de l’épaule s’il avait atteint son but. Mais Prestimion s’avança vivement, l’épée levée, de sorte que la garde de son arme frappa violemment le manche de la cognée et le détourna. Puis il leva le visage contre celui de Dantirya Sambail et plongea les yeux dans les traîtres et magnifiques yeux améthyste du diabolique Procurateur.

— Posez cette hache, cousin, et mettons fin à cette guerre. Je n’ai pas envie de vous ôter la vie, mais je le ferai si vous m’y contraignez.

— Que de générosité, Prestimion, que de grandeur d’âme !

Le Procurateur partit d’un gros rire tumultueux et ses yeux devinrent deux globes de feu rougeoyants. Il se pencha en avant et exerça une pression de l’épaule sur celle de Prestimion, dans l’intention de le jeter au sol, car il faisait une demi-tête de plus que lui et devait peser le double de son poids. Mais Prestimion recula d’un bond. Son arme, une fine rapière, avait, par rapport au sabre du Procurateur, le même désavantage en taille que celui qu’il avait lui-même ; mais il n’en avait pas d’autre et il en ferait bon usage.

Tu n’es plus Prestimion de Muldemar, se dit-il. Tu dois devenir Septach Melayn, sinon tu es un homme mort.

Pendant des années, il avait observé avec un vif plaisir l’habileté de Septach Melayn dans le maniement de l’épée. C’était un spectacle d’une beauté absolue. C’était de la poésie ; c’était de la musique ; c’étaient des mathématiques. C’était aussi une question de vivacité de poignet, d’acuité du regard et d’extension intelligente du bras. La grâce naturelle et les membres d’une longueur surnaturelle de Septach Melayn lui donnaient dans ces différents domaines un avantage inné. Prestimion, petit, musclé, râblé, n’était pas bâti sur le même modèle.

Devant lui se tenait le vrai responsable de tous ses malheurs – il en était certain maintenant. Dantirya Sambail avait été pour quelque chose dans tout ce qu’il avait subi. Prestimion sentit la rage monter en lui. En le supprimant, se dit-il, tu effaceras d’un seul coup toutes tes infortunes.

Dantirya Sambail se rua de nouveau sur lui, la hache levée, le sabre prêt à porter le coup de grâce. Prestimion s’écarta légèrement, pivota sur lui-même et se glissa hardiment sous le bras de son massif adversaire, s’approchant si près que la lame de la cognée ne pouvait l’atteindre. Malgré le peu d’espace dont il disposait, il parvint, d’un mouvement preste du poignet, à lever son épée dont la pointe s’enfonça dans l’aisselle du Procurateur et se fraya un chemin à travers les muscles et des ligaments.

Dantirya Sambail poussa un cri de surprise et de douleur ; sa main engourdie lâcha la cognée qui tomba avec un bruit sourd. Mais il eut la présence d’esprit, bien que combattant corps à corps, d’utiliser le sabre qu’il tenait de l’autre main pour frapper sauvagement Prestimion du plat de la lame sur les côtes. Le souffle coupé, il fut projeté cinq ou six pas en arrière et faillit perdre l’équilibre.

Le Procurateur s’élança pesamment vers lui, le dominant de toute sa taille, le visage empourpré d’excitation, sentant la victoire à portée de main, le sabre pointé vers l’avant. Mais le coup porté de la main gauche était mal assuré. Grimaçant, souffrant à la fois de ses côtes endolories et de la blessure infligée plus tôt par Mandralisca, Prestimion leva son épée et passa prestement sous la garde de Dantirya Sambail, visant le cœur pour l’obliger à parer l’attaque en écartant le bras. Puis, avec un vif changement de direction qui lui eût valu les compliments de Septach Melayn, il fit courir la pointe de sa rapière sur l’intérieur de l’avant-bras armé du Procurateur, faisant jaillir du coude au poignet une longue traînée vermeille.

Le sabre de Dantirya Sambail tomba dans un grand bruit de métal. Prestimion plaça aussitôt la pointe de son arme sous la mâchoire inférieure de son adversaire, piquant la chair molle du cou.

— Allez-y, fit le Procurateur. Enfoncez-la, cousin.

— Quel plaisir ce serait ! répondit Prestimion. Mais je ne le ferai pas, cousin. Non. Pas comme cela ; on ne tue pas un prisonnier sans défense, même un prisonnier comme vous.

Il ne pouvait pas. Il ne voulait pas. Sa colère était retombée. Il y avait eu assez de sang versé. Et Dantirya Sambail était certes un être malfaisant, mais il était très aimé sur son continent natal. Prestimion ne voulait pas avoir à supporter la haine de millions d’habitants de Zimroel quand il serait Coronal. Il vit son frère Abrigant s’extraire de la mêlée furieuse et s’avancer vers lui, accompagné de Rufiel Kisimir de Muldemar et de quatre ou cinq autres combattants de sa cité. Le goûteur Mandralisca était avec eux, blessé, les mains liées. Ses yeux lançaient des éclairs et il semblait disposé à cracher un flot de venin sur eux tous.

En voyant Prestimion qui tenait en respect le Procurateur, ils se hâtèrent vers lui. Abrigant saisit un des bras couverts de sang de Dantirya Sambail, Rufiel Kisimir l’autre et ils les lui passèrent sans ménagement derrière le dos.

— Achève-le ! s’écria Abrigant. Qu’attends-tu ?

— Sa dernière heure n’a pas encore sonné, répondit posément Prestimion en baissant son épée.

Il prit une longue inspiration, grimaça et se frotta les côtes.

— Emmenez-le, attachez-le et placez-le sous bonne garde. Il tâtera quelque temps des tunnels de Sangamore avant d’être traduit en justice. La vie lui sera ôtée un autre jour et pas de mes mains. Emmenez le goûteur aussi. Mais assurez-vous qu’ils soient enfermés dans deux cachots distincts.

Sur ce, il s’éloigna, laissant Dantirya Sambail bouche bée, abasourdi.

— Tout est perdu, cela ne fait plus de doute, constata Navigorn. Notre armée n’est plus qu’une horde débandée, incapable de trouver le moyen de fuir. Les hommes de Prestimion nous encerclent et ils savent que la victoire leur est acquise. Farholt est tombé au champ d’honneur, Farquanor aussi, avec tant d’autres. Nous devrions aller déposer les armes devant Prestimion, si nous voulons épargner des vies, y compris les nôtres.

— Comment ? fit Korsibar en lui lançant un regard incrédule. Nous rendre, Navigorn, c’est ce que vous suggérez ?

— Je ne vois pas d’autre issue.

— Ce ne sera pas la première bataille que nous aurons perdue dans cette guerre.

— C’est notre plus lourde défaite. Et, cette fois, nous serons faits prisonniers tous les deux, ainsi que tout votre Conseil.

— J’ai remarqué que vous ne dites plus « monseigneur ».

— Que puis-je dire ? fit Navigorn avec un petit geste attristé. Le sort en est jeté. La partie est terminée, Korsibar, et nous avons perdu.

C’en était trop. Dans son premier mouvement de fureur, Korsibar faillit lever son épée contre Navigorn, mais il parvint à se contenir.

— Je suis encore Coronal, Navigorn, articula-t-il simplement d’une voix funèbre. Il n’y aura pas de reddition. Et vous n’êtes plus à mon service.

— Oui, fit Navigorn. En effet.

Il se retourna et s’éloigna d’un pas vif dans la boue rougie du champ de bataille. Korsibar le suivit un long moment du regard. Il n’éprouvait rien. Absolument rien. Il avait l’impression que tout sentiment était banni de lui. Une sorte de froid l’engourdissait et gagnait tout son corps, remontant des jambes vers le cœur et du cœur au cerveau.

Je n’ai jamais voulu être roi, se dit-il. On m’a offert la couronne et je l’ai saisie comme dans un rêve.

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