Gene Wolfe - Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 2

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Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 2: краткое содержание, описание и аннотация

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Après bien des péripéties, voici Sévérian de retour sur Teur. Un Sévérian métamorphosé, fort de pouvoirs quasi divins et entraînant dans son sillage la Fontaine Blanche — cet objet astronomique qui est l’exact opposé d’un trou noir, un jaillissement de matière né de la semande de l’Autarque.
Mais cela suffira-t-il à redonner vie à Teur et à son soleil moribond ?
Dans cette deuxième et dernière partie de la coda imaginée par Gene Wolfe pour couronner son
, Sévérian sera le moteur de bouleversements cosmiques — un nouveau Déluge, une plongée dantesque dans les Corridors du Temps — qui, ultime révélation, lui apprendront que les sauveurs des mondes sont forcés d’en être aussi les sacrificateurs.

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L’aube arriva enfin. Le soleil de la journée précédente m’avait laissé la peau rougie et sensible ; je restai dans le ravin, où je trouvais de temps en temps un peu d’ombre et avançai soit en pataugeant dans l’eau, soit en empruntant la berge étroite. Je tombai sur le cadavre d’un pécari tué alors qu’il venait boire ; j’arrachai un morceau de chair, la mâchai, et la fis descendre avec un peu d’eau boueuse.

Il était aux alentours de nones lorsque je découvris la première pompe. Le ravin faisait près de sept aunes de profondeur, et les autochtones avaient construit une série de petits barrages comme les marches d’un escalier, en empilant les pierres de la rivière. Une roue à laquelle étaient accrochés des seaux de cuir descendait avidement vers l’eau, entraînée à force de bras par deux hommes trapus couleur de momie, qui poussaient des grognements de satisfaction chaque fois qu’un seau versait son contenu dans leur auge d’argile.

Ils me crièrent quelque chose dans une langue que je ne compris pas, mais ne tentèrent pas de m’intercepter. Je les saluai de la main et poursuivis mon chemin, me demandant pourquoi ils irriguaient leurs champs alors que j’avais vu dans le ciel nocturne la constellation du crotale, l’étoile d’hiver qui engendre le bruit de crécelle des branches prises dans un fourreau de glace.

Je passai devant une dizaine d’installations semblables avant d’atteindre le bourg, auquel un escalier de pierre permettait d’accéder. Des femmes l’empruntaient pour laver du linge et remplir des jarres, restant pour bavarder. Elles me regardèrent d’un œil rond ; j’ouvris les mains pour montrer que je n’avais pas d’armes, bien que ma nudité rendît ce geste manifestement inutile.

Les femmes parlèrent entre elles dans une langue mélodieuse. Je montrai ma bouche pour leur faire savoir que j’avais faim, et une femme efflanquée, légèrement plus grande que les autres, me donna un morceau d’un tissu usagé et rude pour que je m’en ceigne la taille, les femmes étant partout les mêmes.

Comme les hommes que j’avais croisés, ces femmes présentaient des traits particuliers : de petits yeux, une bouche étroite et de grandes joues plates. Il me fallut un mois, sinon davantage, pour comprendre pour quelles raisons ces autochtones paraissaient si différents de ceux que j’avais vus à la foire de Saltus, au marché de Thrax ou ailleurs : ces gens avaient simplement plus de fierté et étaient beaucoup moins enclins à la violence.

Le ravin formait un évasement au pied des marches et n’offrait aucune ombre. Lorsque je compris qu’aucune de ces femmes n’avait l’intention de me nourrir, je grimpai l’escalier et allai m’asseoir à l’ombre d’une maison de pierre. Je suis tenté de placer ici un certain nombre de réflexions, des choses auxquelles j’ai réellement pensé au cours de mon séjour dans la ville de pierre ; mais je dois à la vérité d’avouer que sur le moment je ne pensais à rien du tout. J’étais épuisé, affamé, endolori. C’était un soulagement de ne plus être au soleil et de ne pas marcher, rien de plus.

Un peu plus tard, la femme de haute taille m’apporta un gâteau plat et une jarre d’eau, qu’elle posa à trois coudées de moi avant de détaler. Je mangeai le gâteau et bus l’eau, et m’endormis ce soir-là dans la poussière de la rue.

Le lendemain matin, j’errai de par la ville. Les maisons étaient construites avec des galets de la rivière retenus par un mortier de boue. Les toits étaient presque plats et faits de troncs rabougris recouverts d’un mélange de boue, de paille, de coquilles et de tiges végétales. À une porte, une femme me donna la moitié d’une galette noircie. Les hommes que je croisais m’ignoraient. Plus tard, lorsque je connus mieux ce peuple, je compris que cela tenait à l’obligation dans laquelle ils étaient de pouvoir expliquer tout ce qu’ils voyaient ; et comme ils n’avaient pas la moindre idée de ce que j’étais ni d’où je venais, ils faisaient semblant de ne pas m’avoir vu.

Ce soir-là je m’assis à la même place que la veille, mais lorsque la femme de haute taille revint, posant cette fois mon gâteau et la jarre un peu plus près, je pris l’un et l’autre et la suivis jusqu’à sa maison, l’une des plus vieilles et des plus petites. Elle eut peur lorsque je repoussai le panneau tressé mal en point qui fermait sa porte, mais je m’assis dans un coin pour boire et manger et m’efforçai de lui montrer, par toute mon attitude, que je ne lui voulais aucun mal. J’eus un peu plus chaud cette nuit-là, auprès de son petit feu, que dehors dans la rue.

Je me mis en devoir de réparer la maison en retirant les pierres prêtes à s’écrouler et en les redisposant ; la femme me regarda faire pendant un moment avant de partir pour la ville. Elle ne revint que tard l’après-midi.

Le jour suivant je la suivis et découvris qu’elle se rendait dans une maison plus grande où elle broyait du maïs dans un mortier, lavait les vêtements et balayait. Je connaissais alors déjà le nom de quelques objets, et je l’aidais chaque fois que je comprenais ce qu’elle faisait.

Le maître de cette maison était un chaman. Il servait un dieu dont l’effrayante image se dressait à l’extérieur de la ville, à l’est. Après avoir travaillé quelques jours pour sa famille, j’appris qu’il assurait chaque matin, avant mon arrivée, l’acte principal de son culte. Après cela, je me levais plus tôt et apportais le petit bois à l’autel sur lequel il faisait brûler de la farine et de l’huile ; à la fête du milieu de l’été, il ouvrait la gorge d’un coypu, sur un fond de battements de pieds et de petits tambours. C’est ainsi que je vécus au milieu de ce peuple, partageant leur vie autant que je le pouvais.

Le bois était une denrée très précieuse. Les arbres ne poussaient pas sur la pampa, et on n’en trouvait qu’à la limite des champs. Le feu de la femme de grande taille, comme ceux de tous les autres, était fait de paille, de brindilles, de coques de fruit, tout cela mélangé à des bouses séchées au soleil. On trouvait parfois de la paille jusque dans le feu que le chaman rallumait chaque matin lorsque, chantant une mélopée, il captait les rayons du Vieux Soleil dans son bol sacré.

Je n’avais pas eu de mal à remettre en état les murs de la maison de la femme, mais j’étais plus en peine pour le toit. Les troncs étaient menus et vieux et plusieurs étaient craquelés de façon menaçante ; j’envisageai un moment d’ériger une colonne de pierre pour soutenir les plus abîmés, mais cette colonne n’aurait fait qu’encombrer un peu plus la maison déjà petite.

Après y avoir réfléchi, je jetai à bas toute la structure et la remplaçai par un entrecroisement d’arches comme celles que j’avais vues dans l’abri de berger où j’avais laissé le châle des Pèlerines, faites de pierres plates de la rivière qui venaient se rejoindre au sommet. Je me servis d’autres pierres, de terre battue et des troncs que j’avais retirés du toit comme échafaudage en attendant l’achèvement des arches, et je renforçai les murs à l’aide d’autres pierres encore, afin qu’ils supportent le poids de l’ensemble. La femme et moi dûmes dormir dehors pendant la construction ; mais elle accepta cet inconvénient sans se plaindre, et lorsque j’eus terminé et revêtu la structure en ruche d’une couche de boue et d’herbes mêlées comme avant, elle se retrouva avec une nouvelle demeure, haute et solide.

Lorsque je m’étais mis au travail et avais commencé à abattre l’ancien toit, personne ne m’avait prêté attention ; mais quand je me mis à monter mes arches, des hommes vinrent des champs pour me voir, et certains m’aidèrent. Au moment où je démantelais le dernier échafaudage, le chaman lui-même fit son apparition, accompagné du hetman du bourg.

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