Don se leva pour prendre un autre morceau de pizza. Quand on laisse la croûte de côté, ça se mange vite, une pizza…
— Bon, poursuivit Sarah, ils nous fournissent aussitôt les opérateurs arithmétiques de base. Encore une fois, je les ai transposés dans notre notation.
Elle tourna la molette de sa souris et voici ce qui défila à l’écran :
[Question] 2+3
[Réponse] 5
[Question] 2-3
[Réponse] -1
[Question] 2*3
[Réponse] 6
[Question] 2/3
[Réponse] 0,6
— Tu vois ce qu’ils ont fait, là ? Ils ont fourni un symbole pour « Question » et un autre pour « Réponse ». On trouve aussi un symbole pour la virgule décimale et un pour la répétition d’un chiffre à l’infini, pour lequel j’ai utilisé ce machin, là, le « ».
— On appelle ça une esperluette, dit Don.
Elle lui lança un de ces regards qui signifient : « Bon, je le savais… », et poursuivit :
— Ensuite, ils établissent un symbole pour « la relation entre », que j’ai transcrit par « : », et ça nous permet d’accéder à plein d’autres concepts.
Voici ce qu’elle afficha :
[Question] 2/3 : 0,6
[Réponse] =
[Question] 5 : 3
[Réponse] >
[Question] 9 : 1
[Réponse] >>
[Question] 3 : 5
[Réponse]
[Question] 1 : 9
[Réponse]
[Question] 1 : -1
[Réponse] [opposé]
— Tu vois ? dit-elle. Maintenant, on passe aux appréciations. Neuf n’est pas seulement jugé plus grand que un, mais beaucoup plus grand que un, et un, à son tour, est beaucoup moins que neuf. Ensuite, ils nous donnent leurs symboles pour « correct » et « incorrect ».
Voici ce qui apparut à l’écran :
[Question] 2+5
[Réponse] 7 [correct]
[Question] 3*3
[Réponse] 9 [correct]
[Question] 8-3
[Réponse] 6 [incorrect]
— Et là, dit Sarah, ça devient vraiment passionnant…
— J’ai du mal à contenir mon enthousiasme… dit Don.
Elle lui donna une petite tape affectueuse sur le bras et grignota un morceau de pizza avant de modifier l’écran.
— On trouve ça un peu plus loin dans le message. Regarde :
[Question] 8/12
[Réponse 1] 4/7 [incorrect]
[Réponse 2] 4/6 [correct] [alpha]
[Réponse 3] 2/3 [correct] [bêta]
— Tu comprends ce qu’ils veulent nous montrer, là ? J’ai affecté des lettres grecques aux deux nouveaux symboles qu’ils introduisent. Voyons si tu trouves ce qu’ils signifient.
Il faut reconnaître que Don eut le mérite de s’arrêter de se goinfrer de fromage et de pepperoni pour examiner attentivement l’écran.
— Eh bien… finit-il par dire, les réponses deux et trois sont correctes, mais, hmm, la trois est plus correcte que la deux, parce que la fraction est réduite, c’est ça ?
— Bravo ! C’est exactement ça ! Alors, tu vois, ils viennent juste de nous donner le moyen d’exprimer des concepts très puissants.
Elle appuya sur une touche, et les termes alpha et bêta furent remplacés par des mots :
[Question] 8/12
[Réponse 1] 4/7 [incorrect]
[Réponse 2] 4/6 [correct] [mauvais]
[Réponse 3] 2/3 [correct] [bon]
— C’est-à-dire qu’ils nous fournissent un terme permettant de distinguer, entre deux réponses techniquement correctes, celle qui est préférable à l’autre, c’est-à-dire celle qui est bonne et celle qui est mauvaise. Et rien que pour enfoncer le clou, pour bien nous montrer qu’ils font cette distinction, voilà ce qu’ils nous donnent :
[Question] [mauvais] : [bon]
[Réponse] [opposé]
Sarah traduisit :
— Quelle est la relation entre « mauvais » et « bon » ? Eh bien, ils sont opposés, exactement comme « un » et « moins un » qu’on a vus tout à l’heure. Ils nous disent que ces deux termes doivent être considérés comme antinomiques, ce qui n’est pas la même chose que « bon » et « meilleur », ce qui aurait pu être une autre manière de traduire alpha et bêta .
— C’est fascinant, dit-il.
Elle déplaça la souris et un nouvel écran apparut.
— Maintenant, dit-elle, voyons ce qu’on peut faire quand les choses ne sont pas aussi nettement tranchées. Regarde ça : qu’est-ce que veut dire gamma ?
{3 5 7 11 13 } = [gamma]
— Une suite de nombres impairs ? proposa-t-il. Des nombres de deux en deux ?
— Regarde bien. Il manque le neuf.
— Ah oui, c’est vrai. Heu, et puis il y a encore ce machin, là.
— On appelle ça une esperluette, dit Sarah en imitant le ton qu’avait eu Don un peu plus tôt, ce qui le fit sourire. Bon, je vais te donner un indice, quelque chose que j’ai repéré à d’autres endroits. Quand l’esperluette est collée à droite d’un chiffre, ça veut dire que ce chiffre se répète indéfiniment. Mais s’ils sont séparés par un espace – une petite pause dans la transmission, comme dans cet exemple –, alors je crois que ça signifie que c’est la séquence qui se poursuit indéfiniment.
— Trois, cinq, sept, onze, treize…
— Allez, je te donne un autre indice. Le nombre suivant serait dix-sept.
— Hmm…
— Ce sont des nombres premiers, dit-elle. Gamma est leur symbole pour les nombres premiers.
— Ah, oui… Mais pourquoi commencer seulement à trois ?
À présent, Sarah avait un large sourire.
— Tu vas voir, dit-elle, c’est là que ça devient vraiment génial. (Elle promena son curseur à l’écran.) Il y a encore un peu de théorie des ensembles pour établir le symbole « appartient à », mais je ne vais pas t’ennuyer avec ça. Voilà où on en arrive :
[Question] 5 [appartient à] [nombres premiers]
[Réponse] [correct]
— Est-ce que cinq appartient à l’ensemble des nombres premiers – ou en langage plus courant, cinq est-il un nombre premier ? Et la réponse est oui. Effectivement, cinq faisait partie des chiffres donnés à titre d’exemples pour définir le symbole « nombres premiers ».
Elle fit apparaître une autre paire Question Réponse :
[Question] 4 [appartient à] [nombres premiers]
[Réponse] [incorrect]
— Est-ce que quatre est un nombre premier ? interpréta Sarah. Non.
Elle fit tourner la molette de la souris.
[Question] 3 [appartient à] [nombres premiers]
[Réponse] [correct]
— Est-ce que trois est premier ? Oui, absolument. Et deux, alors ? Ah, jetons un coup d’œil.
Quelques coups de souris, et ceci apparut :
[Question] 2 [appartient à] [nombres premiers]
[Réponse 1] [correct] [bon]
[Réponse 2] [incorrect] [bon]
[Réponse 3] [delta]
— Hein, quoi ?
— Exactement ma première réaction, dit Sarah en souriant.
— Alors, qu’est-ce que c’est, ce delta ?
— Voyons si tu y arrives tout seul. Regarde un instant les réponses un et deux.
Il fronça les sourcils.
— Hé, attends un peu… Elles ne peuvent pas être bonnes toutes les deux. Le chiffre deux est bel et bien un nombre premier, donc ça ne peut pas être une bonne réponse si on dit le contraire.
Elle eut un petit sourire énigmatique.
— Ils donnent exactement les mêmes réponses pour le chiffre un, dit-elle en défilant un peu plus bas.
[Question] 1 [appartient à] [nombres premiers]
[Réponse 1] [correct] [bon]
[Réponse 2] [incorrect] [bon]
[Réponse 3] [delta]
— Encore une fois, c’est n’importe quoi, dit-il. Soit un est premier, soit il ne l’est pas. Et en fait, il l’est, n’est-ce pas ? Un est un nombre entier qui n’est divisible que par lui-même ou par un, c’est bien ça la définition ?
— C’est ce qu’on t’a appris au lycée de Humberside ? Oui, c’est comme ça qu’on définissait autrefois les nombres premiers, et c’est ce que tu trouveras encore dans quelques vieux bouquins de maths. Mais aujourd’hui, c’est différent. On considère généralement comme premiers les nombres qui peuvent se décomposer strictement en un seul produit de deux facteurs distincts, eux-mêmes et un. Comme « un » se réduit à un seul facteur entier, ce n’est pas un nombre premier.
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