John Barnes - La mère des tempêtes

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La mère des tempêtes: краткое содержание, описание и аннотация

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Un début de guerre nucléaire libère dans l’atmosphère d’immenses volumes de méthane enfoui sous les fonds marins polaires. Or le méthane est un gaz à effet de serre.
Il va faire chaud, partout sur la planète déjà torride, l’été prochain, en 2028. Des ouragans gigantesques vont parcourir les océans, se transformer en tornades au-dessus des continents, faire naître des vents supersoniques et soulever des marées de tempête de cent mètres de haut.
Et autant de passions humaines, de l’amour à la panique.
John Barnes réunit, dans ce somptueux roman-catastrophe, une science approfondie de la météorologie et de l’écologie, un sens aigu du suspense et un talent impressionnant qui lui permet de dresser le tableau d’une planète entière balayée par la mère des tempêtes. Au-delà d’une fiction, Barnes nous prévient de ce qui nous attend, sur une Terre déjà menacée par le réchauffement planétaire.

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Les snipers sont plutôt rares, car l’État du Bangladesh est si pauvre que peu de gens ont les moyens de se payer une arme. Maigre consolation.

Il consulte à nouveau l’ordinateur : situation inchangée. L’aéroglisseur amarré près du ghat doit impérativement partir dans huit minutes, ce qui lui laisse le temps d’y faire monter douze cents femmes et enfants. L’immense vague engendrée par Clem 114 est déjà en route vers eux et les communications sont coupées avec les soldats affectés dans les Sundarbans, les marécages formant la côte sud de la division de Khulna.

Une idée lui vient à l’esprit ; il fait signe à un sergent, qui le salue aussitôt. Il se demande ce que cet homme pense de lui. Dans un quart d’heure, ça n’aura plus d’importance.

— Trouvez-moi un mollah, ordonne le capitaine Musrahaf. Tout de suite. Un mollah du quartier.

Le sergent s’exécute sans mot dire.

Musrahaf est raisonnablement sûr que personne dans la foule ne sait ce qui va arriver. La région misérable où le Gange et le Brahmapoutre se rejoignent avant de se jeter dans la mer est la plus peuplée de la planète. Le Bangladesh ne fait plus partie des nations les plus pauvres du globe – Musrahaf se rengorge un peu en pensant aux progrès que sa patrie a réalisés en une trentaine d’années, dépassant des pays comme la Zambie et le Paraguay qui avaient pourtant de meilleurs atouts. Mais sa réussite et sa population ne présentent aucun intérêt pour l’opinion publique globale, aux yeux de laquelle le Bangladesh est quasiment invisible. La vague haute de deux mille mètres qui fonce sur eux, portée à des proportions inouïes par la structure du plateau continental, ne fera l’objet d’aucun reportage, et son existence même sera une surprise pour ceux qui n’auront pas écouté les infos locales.

Quand il était jeune, il venait ici tous les jours – sa mère vendait des stringala, des boulettes de viande enroulées dans des feuilles de légume cuites à la poêle, dans le bazar situé non loin du gath, et il l’aidait souvent à tenir le stand pendant qu’elle cuisinait. C’était une femme avisée, car elle nourrissait sa famille avec les stringala qu’elle n’avait pu vendre le soir venu ; ils étaient parfois fauchés quand ils se couchaient, mais ils n’avaient jamais faim.

Il donnerait la moitié des minutes qu’il lui reste à vivre pour retourner au stand de sa mère, les narines emplies du fumet du poivre et des oignons, les yeux rivés à ses livres scolaires (elle le poussait sans cesse à étudier), anticipant le moment où ses sœurs et lui mangeraient les stringala invendus.

Deux de ses sœurs sont déjà en Assam, la troisième a épousé un riche Allemand qui a émigré avec elle en Ontario lorsque l’Europe a expulsé les Noirs, les Jaunes et les métis. Il a trois neveux qu’il ne verra sans doute jamais… mais ils sont à Toronto et ils ne risquent rien.

Le sergent revient avec un mollah, et le capitaine Musrahaf lui explique la situation à voix basse. Le mollah accepte sa proposition et file vers la mosquée la plus proche. Musrahaf se félicite d’être tombé sur un mollah jeune et agile.

Alors qu’il disparaît au coin d’une rue, on entend s’estomper le bruit des moteurs du dernier aéroglisseur ; les gens attendent patiemment le suivant. Seuls Musrahaf, le mollah et le sergent savent qu’il n’y en aura pas.

Il reste quatre minutes à tenir lorsque le muezzin lance l’appel à la prière – avec une heure d’avance, mais personne ne prête attention à ce détail. Comme un seul homme, les fidèles rescapés de la Seconde Émeute globale s’agenouillent pour prier ; ceux qui disposent d’un tapis l’étalent sur le sol, les autres se contentent de se tourner vers La Mecque, et Musrahaf en fait autant.

La vague titanesque arrive du sud-est, c’est-à-dire dans la direction opposée à celle du lieu saint, et aucun des fidèles n’a le temps de réagir. Juste avant d’être emporté, Musrahaf se dit que le fait de mourir en prières lui garantit sans doute un coin de paradis.

Quoi qu’il en soit, tout est fini en un éclair ; la vague noire, déjà écumante de cadavres, fonce vers le nord. Elle va parcourir plusieurs kilomètres avant de perdre suffisamment de sa puissance pour laisser quelques survivants.

C’est à Progreso, un petit village situé au sud de Pijijiapan, que Passionet réussit enfin à contacter Mary Ann. Jesse sait qu’elle envisage sérieusement de démissionner, mais comme c’est grâce à la chaîne qu’elle est devenue riche, elle estime devoir d’abord en discuter avec ses responsables. Il décide d’aller jouer avec les petits-enfants de Tomás – deux des garçons se débrouillent plutôt bien au football, un sport qu’il a pratiqué au lycée, et ils organisent un match miniature, durant lequel il réussit à oublier l’intrusion de la réalité dans son aventure.

Il manque sursauter lorsque Mary Ann se dirige vers lui ; on vient de les avertir qu’ils se remettraient en route dans dix minutes, mais Jesse a été endurci par ses épreuves et il lui suffira de boire un peu d’eau pour se sentir à nouveau en forme. La route qu’ils suivent, en haut d’une corniche longeant la côte, ne présente guère de difficultés, et la plupart des réfugiés semblent dans de bonnes dispositions.

— Ça y est, dit-elle, je sais ce qu’ils veulent et c’est tout nouveau. Je ne sais pas comment te l’expliquer. Tu as capté les reportages de Surface O’Malley ces derniers mois ? C’est la fille qu’ils ont choisie pour assurer mon intérim et sans doute aussi ma succession, même s’ils sont trop polis pour me le dire en face.

— Non, je ne la connais pas. Quel rapport avec la situation présente ?

— Il y a quelques jours, alors qu’elle se trouvait à Bangkok, elle a réussi en l’espace d’une heure à violer toutes les règles du métier, et le public a adoré. Naturellement, la direction a trouvé ça génial et nous sommes tous supposés nous inspirer de son exemple.

Durant l’heure qui suit, elle donne tous les détails à Jesse alors qu’ils poursuivent leur marche vers l’autoroute fédérale 200 ; cela fait une journée qu’ils l’ont quittée pour laisser la place à des convois plus importants, se rabattant sur une nationale mal carrossée du Chiapas. Vu leur vitesse, cela ne fait guère de différence pour eux, excepté qu’ils y gagnent en tranquillité et que les fermiers du coin sont davantage enclins à venir les saluer et leur vendre du maïs et des melons.

— Tu as l’intention d’accepter ? demande finalement Jesse. Tu es prête à feindre la sincérité tout en feignant d’être ce que tu n’es pas ?

Son commentaire est plus sarcastique qu’il ne l’a voulu ; il contemple les vallées alentour, où la végétation est marbrée par des coulées de boue, le ciel équatorial d’un bleu azur, et se rend compte qu’il est contrarié par cette intrusion de la réalité dans le petit paradis qu’il s’était fabriqué pour Mary Ann et pour lui.

Elle éclate de rire, mais c’est de toute évidence par pure politesse et pour éviter une prise de bec.

— En dernière analyse, je pense que je dois le faire, Jesse.

Elle lui prend la main et, comme à chaque fois, il est bouleversé à l’idée de toucher un de ses fantasmes d’adolescent, lequel fantasme est également cette chère Mary Ann, la femme courageuse avec qui il partage une grande aventure…

Il hausse les épaules et lui sourit.

— Parce que c’est un devoir ? Pour qui te prends-tu, pour Berlina Jameson ? Je croyais que le but de Passionet était avant tout de distraire.

— C’est ce que je croyais, moi aussi, et eux également, je pense. Si je suis restée aussi longtemps au téléphone, c’est parce que c’est Doug Llewellyn lui-même – le président de Passionet – qui voulait me parler, ce qui est plutôt exceptionnel. En règle générale, je n’ai affaire qu’à un vice-président, et encore pas toujours. De tous les employés de Passionet, ce sont les gens comme moi qui sont les plus connus du public, mais nous sommes loin d’être les plus importants aux yeux de la compagnie – il est trop facile de nous remplacer, sans doute.

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