— C’est incroyable, pas vrai ? dit-il en sautillant. Mais ça ne fait aucun doute. Le vaisseau militaire est toujours là.
Elle comprit qu’elle avait sous les yeux une image de l’extérieur de Rama. Elle cilla et écouta les explications de Richard.
— Sitôt après avoir découvert le code d’accès aux paramètres de correction des contours, j’ai pu améliorer la netteté de la plupart des vues. Elles nous parviennent en direct de centaines de caméras dispersées à l’intérieur et sur la coque de Rama. Et je crois avoir également trouvé un moyen d’accéder à d’autres types de données.
Il exultait. Il la prit dans ses bras et la souleva du sol. Il la serra, l’embrassa et fit des bonds de dément.
Quand il se fut un peu calmé, Nicole consacra près d’une minute à regarder l’écran. Elle y voyait le vaisseau militaire, les inscriptions de sa coque ne laissaient aucune place au doute.
— L’appareil scientifique est donc rentré au bercail, commenta-t-elle.
— Oui, et je m’y attendais. Je craignais en fait qu’ils ne soient repartis tous les deux et que nos efforts ne servent en fait qu’à élargir les murs de notre prison.
Elle avait eu les mêmes craintes et lui sourit.
— Tout est très simple, non ? Après avoir traversé la mer Cylindrique, nous allons jusqu’au télésiège et nous montons jusqu’au sommet où nous attendent nos compagnons.
Elle entreprit de ranger ses affaires. Richard continua de presser des touches.
— Que fais-tu, chéri ? lui demanda-t-elle. Je croyais que nous avions décidé d’aller à la plage ?
— Je n’ai pas visionné la totalité des images après avoir amélioré leur définition. Je souhaite m’assurer que nous ne ratons rien d’important. Je n’en aurai pas pour plus d’une heure.
Nicole interrompit ses activités et s’assit en face de l’écran, à côté de Richard. Ce qu’ils voyaient était plein d’intérêt : des vues de l’extérieur mais surtout des différentes régions de l’intérieur de Rama, dont les antres souterrains. Il y avait une vision magnifique des sphères nichées dans l’éponge, prise depuis la voûte de la vaste salle d’où pendaient les filets. Ils la regardèrent un long moment, dans l’espoir de voir passer un octopode noir et or, mais rien ne bougea.
Ils atteignaient les dernières vues lorsqu’ils furent sidérés par une image du tiers inférieur de l’escalier Alpha. Quatre silhouettes en combinaison spatiale descendaient les marches. Ils les fixèrent pendant cinq bonnes secondes puis laissèrent libre cours à leur joie.
— Ils viennent nous chercher ! s’écria Richard en levant les bras au ciel. Nous sommes sauvés !
Richard bouillait d’impatience. Ils se dressaient sur les remparts de New York et scrutaient le ciel depuis plus d’une heure dans l’espoir d’apercevoir un hélicoptère.
— Où diable sont-ils passés ? grommela-t-il. Il ne faut qu’un quart d’heure pour aller du bas de l’escalier Alpha au camp Bêta en V.L.R.
— Ils nous cherchent peut-être dans un autre secteur, suggéra Nicole.
— C’est ridicule. Ils doivent nécessairement passer à Bêta en premier lieu… et même s’ils ne réussissent pas à réparer le relais de télécommunications ils trouveront le message que j’ai laissé là-bas. J’ai précisé que je comptais utiliser le canot pour venir ici.
— Ils savent qu’un hélicoptère ne peut se poser dans la ville et ils vont sans doute prendre un des voiliers.
— Sans s’assurer au préalable que nous sommes dans New York par une reconnaissance aérienne ? C’est improbable.
Richard se tourna vers la mer et y chercha une voile.
— Un bateau. Un bateau. Mon royaume pour un bateau.
Elle rit, mais il se contenta de sourire.
— Deux hommes peuvent assembler un des voiliers remisés dans la hutte du camp Bêta en moins d’une demi-heure. Merde, qu’est-ce qu’ils fabriquent ?
Par frustration, il utilisa son com.
— Écoutez-moi bien, les gars ! Si vous êtes à proximité de la mer Cylindrique, adressez-nous une confirmation. Et ensuite grouillez-vous de venir nous chercher. Nous sommes sur les remparts et nous commençons à en avoir assez de vous attendre. Pas de réponse. Nicole s’assit sur le mur.
— Que fais-tu ? lui demanda-t-il.
— Tu te tracasses pour deux. Et rester debout pour agiter les bras me fatigue.
Elle regarda les flots et ajouta :
— Tout serait bien plus simple si nous avions des ailes. Richard inclina la tête et la fixa.
— Mais c’est une excellente idée, pourquoi n’y as-tu pas pensé plus tôt ?
Il s’assit et utilisa son ordinateur pour effectuer quelques calculs.
— Le lâche meurt maintes fois de peur avant de passer de vie à trépas, marmonna-t-il. L’homme brave ne connaît qu’une seule mort.
Elle le regarda taper sur le clavier.
— Que fais-tu, mon chéri ? s’enquit-elle en jetant un coup d’œil à l’écran par-dessus son épaule.
— Trois ! s’écria-t-il. Trois devraient suffire.
Il leva les yeux sur Nicole. Elle était déconcertée.
— Veux-tu connaître le projet le plus insensé de tous les temps ? s’enquit-il.
— Pourquoi pas ?
— Nous allons confectionner des harnais avec les cordes du filet et demander aux aviens de nous transporter sur l’autre berge de la mer Cylindrique.
Elle resta à le fixer pendant plusieurs secondes.
— En supposant qu’il soit possible de fabriquer ces nacelles, comment réussirons-nous à convaincre ces drôles d’oiseaux de nous aider ?
— Nous les persuaderons que c’est leur intérêt… ou nous utiliserons la menace. Je ne sais pas encore, tu pourrais t’en charger.
Elle n’en croyait pas ses oreilles.
— Quoi qu’il en soit, ajouta-t-il en prenant sa main pour redescendre de la muraille, ça vaut mieux que de rester ici à attendre les secours.
* * *
Cinq heures plus tard leurs sauveteurs n’étaient toujours pas là. Lorsqu’ils avaient eu terminé de se confectionner des harnais, Richard était retourné dans la salle Blanche pour utiliser le système de surveillance pendant que Nicole montait la garde sur les remparts. Il revint lui annoncer qu’il pensait avoir vu les humains à proximité du camp Bêta, sans pouvoir toutefois l’affirmer tant la qualité de l’image laissait à désirer. Comme convenu, Nicole avait lancé des appels par com toutes les demi-heures. En vain.
— Richard, dit-elle alors qu’il programmait des séquences graphiques sur son ordinateur, pourquoi penses-tu que nos collègues sont descendus par l’escalier ?
— Qui sait ? Le télésiège est peut-être en panne, et ils n’ont plus de techniciens parmi eux.
— C’est étrange.
Une chose m’ennuie, se dit-elle, mais je n’ose pas lui en parler avant d’avoir trouvé une explication rationnelle. Il ne croit pas en l’intuition. Elle regarda sa montre. Heureusement que nous avons rationné la pastèque. Si les secours n’arrivent pas et que ce projet insensé échoue, nous devrons attendre demain pour partir à la nage.
— Ébauche terminée, annonça Richard avec emphase avant de lui faire signe d’approcher. Si tu l’approuves, je m’attaquerai aux détails.
Il lui désigna le moniteur. Elle vit sur l’écran trois aviens qui survolaient la mer en formation. Chacun d’eux avait une corde nouée autour du corps et une silhouette humaine filiforme était suspendue au bout de trois filins.
— C’est très explicite, déclara-t-elle.
Mais elle ne songea pas un seul instant qu’elle pourrait véritablement occuper la place du petit personnage.
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