— Laisse-moi. Je ne serai jamais parmi vous qu’un paria. Il vaut mieux que je disparaisse. Je ne te mérite pas, Ana.
— Tinkar, tu es un lâche ! »
Elle se dressait devant lui, tellement qu’il eut peur que ses semelles magnétiques ne quittent la coque, et qu’il posa ses mains sur ses épaules pour la maintenir.
« C’est possible, Ana. Je le crois. C’est bien la raison pour laquelle je ne veux plus vivre.
— Soit. J’aime donc un lâche. Eh bien, tant pis ! L’enfer, le ciel, le néant, tout vaut mieux pour moi qu’être séparée de toi. Tu ne peux me refuser cette grâce, je pense ? »
Il la saisit, commença à marcher en glissant vers le sas. Elle se dégagea, tira de la poche du scaphandre un petit fulgurateur, le braqua sur lui.
« Oh ! non, Tinkar ! Tu ne me jetteras pas dans le sas !
— Ne sois pas stupide ! Tu as toute la vie devant toi !
— Sans toi, elle m’indiffère. Allons, il nous reste encore quelques instants. Réfléchis. Tu te sens un paria sur le Tilsin ? La belle affaire ! As-tu réellement essayé de t’adapter ? Non ! Bébé Tinkar casse son joujou parce qu’il n’est plus exactement comme il l’aurait voulu ! Tu vas finir par me faire croire que nous avions raison, que les Planétaires … Mais non, ce n’est pas cela. Tu crois avoir tué Iolia, et tu ne peux te le pardonner ? Crois-tu que je me le pardonnerai jamais ? Et pourtant, nous aurions pu être heureux ensemble, et nos enfants auraient été des Stelléens de la nouvelle race, celle qui ne connaîtra plus de préjugés, car nous allons être obligés de nous joindre aux Planétaires pour lutter contre les Autres. De toute façon, je reste, et tu mourras avec sur la conscience non seulement Iolia, mais moi aussi ! »
Il la regarda, engoncée dans le scaphandre, ses cheveux roux ramenés en épais chignon sur la nuque pour pouvoir entrer dans le casque transparent.
« Nos enfants … Jouer le jeu de l’Univers ? Mais si l’Univers ne jouait aucun jeu, s’il était bien la bête aveugle et stupide que croyait le teknor ? » D’un geste rapide, il fit sauter le fulgurateur de la main d’Anaena, l’enlaça et plongea dans le sas.
Il la remit sur ses pieds. Elle s’appuya à la paroi métallique, épuisée de tension nerveuse, n’osant pas croire encore qu’elle avait gagné la partie, qu’elle l’avait sauvé de lui-même. Il posa la main sur la manette de fermeture, resta immobile, les yeux perdus dans les constellations.
« Que fais-tu ? Ferme vite ! »
Il baissa la manette et, pendant que la lourde porte pivotait, cachant les étoiles, il se tourna vers elle et sourit.
« Rien. Je regardais une dernière fois l’abîme. »