Orson Scott Card
Basilica
À un bon lecteur, un bon ami et, plus important, un homme bon: Jeff ALTON
J’ai de nombreuses dettes dans la création de cette œuvre, dont certaines plus manifestes que d’autres.
Comme toujours, ma femme Kristine a été ma première lectrice ; mais pour le présent livre, l’a rejointe dans cette épreuve notre fils aîné, Geoffrey, qui s’est révélé un lecteur très pénétrant et un critique toujours à l’affût des détails. Les bons critiques sont trop rares, et je m’enorgueillis d’en avoir découvert un nouveau.
Je dois également remercier les nombreux amis qui travaillent avec moi sur d’autres projets et qui ont eu la patience d’attendre que j’aie fini ce roman avant de revenir enfin à d’autres travaux trop longtemps reportés. Et merci, encore et toujours, à mon agente, Barbara Bova, qui est la preuve vivante qu’on peut faire du bon travail avec une bonne amie.
Note sur les liens de parenté
Étant donné les coutumes matrimoniales en usage dans la cité de Basilica, les relations familiales sont parfois un peu complexes. Peut-être ces diagrammes de parenté contribueront-ils à éclaircir les choses. Le nom des femmes est donné en italique.
Nièces de Rasa
(Ses meilleures élèves, « adoptées » en une relation définitive de parrainage)
Les surnoms
La plupart des noms comportent des formes diminutives ou familières. Par exemple, les proches parents de Gaballufix, ses amis intimes, sa compagne actuelle et ses anciennes compagnes peuvent l’appeler Gabya. On trouvera ci-dessous d’autres surnoms. (Ici encore, étant donné l’aspect inhabituel de ces noms, ceux des personnages féminins sont portés en italiques.)
Dhelembuvex : Dhel
Dol : Dolya
Drotik : Dorya
Eiadh : Edhya
Elemak : Elya
Hosni : Hosya
Hushidh : Shuya
Issib : Issya
Kokor : Koya
Luet : Lutya
Mebbekew : Meb
Nafai : Nyef
Obring : Briya
Rasa : pas de diminutif
Rashgallivak : Rash
Roptat : Rop
Sevet : Scuya
Shedemei : Shedya
Trujnisha : Trujya
Vas : Vasya
Volemak : Volya
Wetchik : pas de diminutif (titre de famille de Volemak)
Zdorab : Zodya
Le maître ordinateur de la planète Harmonie avait peur. Cela ne se manifestait par aucun symptôme humain ; il n’avait pas les mains moites, ni la bouche sèche, ni l’estomac noué ou retourné. Ce n’était qu’une machine sans parties mobiles, qui tirait son énergie du soleil et ses données de ses satellites, de sa mémoire et de l’esprit d’un demi-milliard d’êtres humains. Pourtant, il ressentait une sorte de peur, il avait l’impression que tout lui échappait, qu’il n’avait plus le pouvoir d’influencer le monde comme autrefois.
Bref, il connaissait la peur de la mort. Pas de sa mort personnelle, car le maître ordinateur ne possédait pas d’ego et il n’attachait aucune importance à prolonger ou non son existence. Mais il avait une mission, inscrite dans son programme depuis des millions d’années, celle d’être le gardien de l’humanité sur ce monde. S’il s’affaiblissait au point de ne plus pouvoir remplir cette mission, il savait sans l’ombre d’un doute – toutes les projections le confirmaient – qu’en l’espace de quelques milliers d’années, l’humanité se retrouverait face au seul ennemi capable de la détruire : l’humanité elle-même, bardée d’armes susceptibles d’anéantir toute une planète.
Le temps est venu, pensa le maître ordinateur. Je dois agir dès maintenant, tant qu’il me reste un peu d’influence sur le monde, ou une nouvelle planète mourra.
Mais comment ? Le maître ordinateur l’ignorait. Cette confusion qui l’empêchait de prendre une décision était l’un des symptômes de son déclin. Il ne pouvait se fier à ses propres conclusions, pour autant qu’il parvînt à en tirer. Il avait besoin de conseils, d’explications, d’une reprogrammation ; peut-être même fallait-il le remplacer par une machine plus performante, plus apte à faire face aux nouveaux défis que lui lançait la race humaine.
L’ennui, c’est qu’il n’existait qu’une seule source fiable capable de lui donner des conseils ; et cette source était si éloignée que Surâme serait obligé de la rejoindre pour obtenir ce qu’il cherchait. Autrefois, Surâme avait la capacité de se déplacer, mais quarante millions d’années avaient passé depuis, et l’usure avait joué malgré le champ de stase qui l’entourait. Surâme ne pouvait se lancer seul dans sa quête. Il lui fallait une assistance humaine.
Deux semaines durant, le maître ordinateur examina son immense base de données, évaluant l’utilité potentielle de chaque être humain actuellement en vie. La plupart étaient trop stupides ou trop peu réceptifs ; et même si certains se révélaient encore capables de recevoir des communications directes, seuls quelques-uns occupaient une position d’où ils pourraient agir efficacement.
C’est ainsi que le maître ordinateur dirigea son attention sur une poignée d’êtres humains de l’antique cité de Basilica. Dans l’obscurité de la nuit, alors qu’un de ses satellites les plus fiables passait dans le ciel de la cité, il se mit au travail et transmit par rayon compact un flux régulier d’informations et d’instructions à ceux qui pouvaient l’aider à sauver un monde nommé Harmonie.
Avant l’aube, Nafai s’éveilla sur sa natte, chez son père. À quatorze ans, il n’avait plus le droit de dormir chez sa mère. Aucune femme de Basilica qui se respectait n’accepterait jamais de placer sa fille chez Rasa si un garçon de quatorze ans y résidait – surtout depuis que Nafai, à douze ans, avait été pris d’une crise de croissance qui ne semblait pas devoir s’arrêter, bien qu’il mesurât déjà presque deux mètres.
Hier encore, il avait entendu sa mère parler avec son amie Dhelembuvex. « Les gens commencent à se demander quand tu vas lui trouver une cousinette, disait Dhel.
— Ce n’est qu’un enfant », avait répondu Mère.
Dhel avait émis un ululement de rire. « Rasa, ma chérie, as-tu donc si peur de vieillir que tu refuses de voir que ton bébé est un homme ?
— Ce n’est pas ça, dit Mère. On aura le temps de penser aux cousinettes, aux compagnes et à tout ça quand il commencera à s’y intéresser lui-même.
— Oh, il s’y intéresse déjà, rétorqua Dhel. C’est juste qu’il ne t’en parle pas, à toi. »
C’était tout à fait exact ; Nafai avait rougi en entendant ces mots, et il rougissait encore en se les rappelant. Comment Dhel pouvait-elle savoir, rien qu’en l’ayant, regardé un instant, qu’il pensait si souvent à « tout ça » ? Mais non, Dhel n’avait rien vu chez Nafai : elle était au courant parce qu’elle connaissait les hommes. C’est simplement une crise que je traverse, se dit Nafai. Tous ceux de mon âge passent par là. Devant un garçon de près de deux mètres, sans poil au menton, on peut se dire, presque à coup sûr : « Celui-là, en ce moment, il pense au sexe. »
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