JCN : Pas de regrets a posteriori ?
Grégoire : Le mot « regret » ne fait pas partie de mon vocabulaire. On fait des choix et on assume les conséquences.
Patrick : Il faut savoir quitter la table. Il faut savoir qu’on n’est pas indispensables, que d’autres peuvent prendre la relève. Moi, je suis dans cet état d’esprit-là. Je pense que le service s’est nourri des centaines d’OT qui sont passés au fil des ans, chacun a apporté sa pierre à l’édifice, et il ne faut pas se dire que l’on peut être un recours. Je fais ma vie maintenant, je suis très heureux. Et je suis très fier de ce que j’ai fait au sein de ce service.
Il n’y a que des magiciens, dont j’envie le talent exceptionnel, pour parvenir à publier des enquêtes retentissantes sans jamais avoir rencontré les personnes censément concernées… Je m’en vais donc remercier très chaleureusement les treize témoins de ce livre. Je veux leur dire avec insistance que je suis très fier de leur confiance et que j’espère ne pas les avoir déçus. À la manière de ce que Patrick a exposé, un ami en effet n’est peut-être pas des plus objectifs pour porter un jugement. Or, la plupart des témoins en sont. Mais, sans cela, ces entretiens auraient-ils vu le jour… ?
Voilà plus de dix ans que je rencontre des membres des services de renseignement. Certains y sont encore, d’autres en sortent à peine, d’autres enfin ont connu les grandes époques, celles d’Alexandre de Marenches, de la décolonisation, et même de la Seconde Guerre. Je me souviens de cet homme qui terminait sa vie dans une maison de retraite à 50 kilomètres de Paris. À 90 ans, il portait encore beau, mais la tristesse étreignait toujours son visage quand il venait m’accueillir à l’entrée. Nous montions nous enfermer dans sa chambre et alors, le vieux monsieur redevenait en quelques secondes l’agent du BCRA qui, dans les années 1943–1944, avait mis le feu à l’Est de la France, détruisant moult écluses, centrales électriques, voies ferrées. Sans quasiment que j’aie à le questionner, il enchaînait immanquablement sur la formation des maquis indochinois, en territoire Vietminh. C’était sa vie. Et il était si heureux de pouvoir enfin en parler, lui qui n’en avait jamais rien dit à sa famille, lui qui était contraint de continuer à n’en rien dire puisque, à chaque repas, il n’était entouré que de « pétainistes », comme, lui, gaulliste impénitent, il aimait à dire. Eh bien, cet enthousiasme juvénile, cet amour du métier, ce sens du service de la nation, ce poids parfois écrasant du secret, je les retrouve exactement aujourd’hui chez Patrick aux incomparables états de service dans la clandestinité, chez François qui me semble n’avoir jamais quitté Massoud et chez tous leurs congénères qui ne sont pas effrayés à l’idée de rencontrer avec moi le représentant d’un monde qu’ils ont été formés à fuir. Certains sont heureux, d’autres aigris. Certains ont réussi une seconde carrière, d’autres se sont retirés loin des tumultes. Certains ont assuré leurs vieux jours, d’autres les vivront dans une maison de retraite à 50 kilomètres de Paris. Peut-être y aura-t-il alors, encore, un auteur pour leur rendre visite…
La démocratie s’immisce partout, même dans le choix d’un titre…
Service de documentation extérieure et de contre-espionnage. La DGSE lui a succédé en 1982.
CIA : Central Intelligence Agency ; MI6 : Military Intelligence.
À tel point que l’autonomisation de sa direction technique est réclamée en particulier par d’autres services de renseignement français qui sont obligés d’utiliser ses moyens pour leurs propres études.
Voir la liste Les treize Benoît : ancien officier du Service action. Daniel : ancien officier du Service clandestin. Fabrice : ancien officier du Service clandestin. François : ancien officier du Service clandestin. Georges : ancien officier du Service clandestin. Grégoire : ancien chef du Service clandestin. Hervé : ancien officier du Service clandestin. Michel : ancien chef de poste. Norman : ancien chef de secteur à la Direction du renseignement. Patrick : ancien chef du Service clandestin. Sandra : ancien officier du Service clandestin. Victor : ancien officier du Service action. Vincent : ancien chef de poste.
, p. 17.
Pour avoir été le premier à lui consacrer tant de pages (voir La Guerre de l’ombre des Français en Afghanistan , Fayard, 2011), je m’autoriserai à en livrer la véritable appellation : le Service mission (SM). Né en 1989 à l’instigation du général Jean Heinrich, il est le troisième pilier de la direction des opérations avec le Service action (SA) et un service encore plus préservé de toute publicité, le SOP, Service opérationnel, surnommé de manière très réductrice les « crocheteurs de serrures » (il est chargé de récupérer des renseignements dans des lieux normalement préservés de toute intrusion [chambres d’hôtel, valise diplomatique…]).
L’année dernière, la DGSE a perdu huit des siens dans le cadre des opérations menées en Libye.
Officiers traitants.
En plus de la Direction des opérations, la DGSE compte quatre grandes directions : la Direction de l’administration et des finances, la Direction technique, la Direction de la stratégie et donc la Direction du renseignement, chargée de l’analyse des renseignements collectés de toutes voies, dont celle des postes à l’étranger qui sont également sous sa responsabilité.
Abréviation de Mahaz-e Melli-e Islami, ou Front national islamique.
Un Pir est un dignitaire soufi.
Inter-Services Intelligence (service de renseignement extérieur pakistanais).
D’aucuns en ont fait le tournant de la guerre en Afghanistan. Une étude plus poussée laisse apparaître cependant que non seulement les pilotes soviétiques se sont adaptés aux nouvelles conditions de vol, mais que surtout, les raisons du départ de l’URSS sont plus profondes, liées en premier lieu à l’effondrement du système communiste à l’intérieur même de ses frontières.
Les commandants Massoud et Wardak en ont également profité.
Le 23 octobre 1983. 58 parachutistes français ont été tués.
Début des années 2000.
Nom de code de Vladimir Vetrov, officier du KGB ayant fait défection à partir de 1980. Il a livré des milliers de documents et le nom de centaines d’officiers de services de renseignement soviétiques opérant en France et dans le monde.
Le brevet de l’École de guerre est quasiment indispensable pour l’accession aux grades supérieurs.
Responsable de la destruction du navire Rainbow Warrior de l’organisation Greenpeace, le 10 juillet 1985.
Rappelons que le SA, s’il appartient à la même direction des opérations, est distinct du Service clandestin. Toutefois, il a lui aussi recours à des méthodes clandestines.
Victor est très svelte.
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