Stuart Neville - Collusion

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Une collusion. Ils étaient de mèche. C’est ce qu’on racontait partout. La police, les Anglais et les Loyalistes s’entendaient par-derrière…
Jack Lennon, policier d’Ulster catholique et, à ce titre, ostracisé par sa communauté et par les protestants loyalistes, cherche à retrouver Ellen, sa fille de six ans que son ex-femme a cachée pour la protéger. Sa hiérarchie lui ordonne de laisser tomber, mais Jack n’obéit pas. Confronté à l’enchevêtrement des haines héritées de la guerre civile, Jack en vient à faire alliance avec Gerry Fegan, le tueur des
, qui est lui-même devenu la cible d’une irréductible vengeance.
Sur leur route, ils vont croiser un vieux truand malade et son glaçant homme de main.
Collusion Stuart Neville est originaire d’Armagh, en Irlande du Nord. Après des études de musique, il s’est consacré au design multimedia et à l’écriture. « Neville pourrait bien avoir le talent de rivaliser avec son héros Ellroy… » Daily Mail « Ce n’est pas possible d’être aussi doué que ce sacré Stuart Neville. Collusion est un roman magnifique. » Ken Bruen « Un thriller cérébral mais bourré d’action, aux personnages fouillés, qui donne à voir de l’intérieur le paysage fluctuant de la vie politique en Irlande du Nord. » Publishers Weekly

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À présent qu’ils avaient tout soulevé, tout retourné, tout ouvert, les trois agents de police arpentaient la chambre comme des moutons dans un enclos. Ils allaient bientôt se fouiller les uns les autres, pensa Lennon.

« Faites un dernier tour, ordonna-t-il à Connolly. Ensuite ramassez tout et remettez une serrure. Laissez quelqu’un sur place pour s’assurer que personne ne franchisse le seuil, compris ? Retrouvez-moi en bas dans un quart d’heure. Je veux parler à quelqu’un de l’accueil avant de partir. »

Il gagna l’ascenseur et appuya sur le bouton. Après un regard aux alentours, il sortit à nouveau le téléphone de sa poche, chercha le numéro de Marie. Devrait-il l’appeler ? Au risque de la réveiller si elle dormait, ce qu’il espérait pour elle ? Mais il serait rassuré. Marie aussi, de voir qu’il se faisait du souci au point de prendre des nouvelles. Il pressa la touche verte.

Marie répondit en soupirant. « Quoi ?

— Je voulais juste savoir comment ça allait.

— Je dormais, figure-toi. Maintenant, je suis réveillée. Ellen aussi. »

Il y eut un tintement au moment où les portes de l’ascenseur s’ouvrirent. Lennon entra dans la cabine, appuya sur R.d.C. La voix d’Ellen lui parvenait à l’oreille, toute de bâillements et de paroles ensommeillées. Les portes se refermèrent et il éprouva l’étrange légèreté qui accompagne la descente.

« Pardon, dit-il. C’était juste pour m’assurer que tout allait bien.

— Tout va bien, confirma Marie. Ça irait encore mieux si on dormait.

— Oui… Pardon.

— Tu l’as déjà dit. »

La communication s’interrompit. Les portes de l’ascenseur s’écartèrent sur le hall d’accueil. L’une des hôtesses avait été témoin des entrées et des sorties du suspect. Lennon l’entraîna dans un coin garni de fauteuils confortables. Son badge indiquait qu’elle se prénommait « Ania » et parlait polonais, lituanien, russe et anglais.

« Je ne l’ai pas vu très souvent, dit-elle d’une voix claire et volontairement sonore, avec un accent qu’atténuaient des années passées à Belfast. Il ne disait jamais bonjour. Il marchait toujours tête baissée et ne levait jamais les yeux. Mais une fois…

— Oui ?

— Par terre, juste après son passage… Il y avait quelque chose qui ressemblait à de la terre ou à de la boue. Une petite tache, de la taille d’une pièce d’un centime. J’ai pris un mouchoir en papier et je suis allée voir. Quand je l’ai essuyée, c’était rouge. C’était du sang. »

Son visage ne reflétait aucune émotion, comme si elle annonçait le tarif des chambres. Une ou deux semaines auparavant, Lennon aurait peut-être tenté sa chance. À présent, cette jeune femme à la beauté froide et dure ne le touchait pas.

« Et aujourd’hui ? On a demandé à ce que personne n’approche de la chambre. Est-ce que quelqu’un aurait pu monter sans qu’on le remarque ?

— Je n’ai vu personne. Mais il y a beaucoup d’allées et venues. Des gens qui assistent à une réunion, des hommes d’affaires, des représentants de commerce.

— Y a-t-il une autre entrée ? Un moyen d’accéder aux chambres sans passer par la réception ?

— Oui, par le parking. Mais il est fermé à clé. Sauf que…

— Sauf que, quoi ?

— Il y a une caméra au-dessus de l’entrée. Les employés de l’accueil ne sont pas censés faire ça, et je n’arrête pas de leur dire… Mais si une voiture approche, ils ouvrent parfois la porte sans regarder. C’est plus facile. Surtout que les clients n’aiment pas être obligés de descendre de voiture et d’aller à pied à la réception.

— Donc quelqu’un aurait pu… »

Avant qu’il n’ait le temps de terminer sa phrase, Lennon entendit le grésillement d’ondes radio derrière lui. Il se retourna. Connolly accourait dans le hall, pâle comme la mort.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Lennon en se levant.

Connolly dérapa sur le carrelage et faillit tomber. « Il faut qu’on y aille.

— Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? »

Connolly semblait sur le point de vomir. « C’est grave, dit-il. Vraiment grave. »

71

Le Voyageur quitta la chaussée à deux voies et s’engagea dans un lotissement de constructions récentes. Grosses maisons de six ou sept pièces, chacune avec son allée goudronnée, quatre-quatre et breaks dans tous les coins. Il pénétra dans un cul-de-sac et gagna l’aire circulaire qui permettait de faire demi-tour au fond. Les freins de la vieille Volkswagen couinèrent quand il s’arrêta.

Au moins, Hewitt lui avait trouvé une automatique. Changer les vitesses l’aurait tué, avec son poignet. Il plia et déplia les doigts sur le bandage puis fit rouler son épaule pour déplacer la douleur. À l’endroit où l’aiguille à tricoter avait percé la peau, il avait l’impression que la chair s’était resserrée autour de l’os.

Il descendit de voiture. Devant le paillasson qui barrait le seuil d’une maison, un chat le regardait. Il inspecta l’impasse tout autour, cherchant une lumière ou un rideau qui tremblait. Satisfait, il ouvrit le coffre et, comme Hewitt l’avait promis, découvrit le long sac contenant son matériel, semblable à un sac de cricket rempli de battes et de protections. La corde en plastique qui le maintenait fermé n’avait pas bougé. Il s’étonna que Hewitt n’y ait pas jeté un coup d’œil. La corde ne servait qu’à décourager les femmes de ménage des hôtels. De l’extérieur, nul n’aurait pu reconnaître la forme de la carabine enroulée dans des couvertures.

Il examina les environs. Suivez Shore Road, avait dit Hewitt. Le long du front de mer, jusqu’aux bateaux.

Les lampadaires de la marina jetaient des lueurs orange et jaunes sur les bateaux amarrés ; certains, de petite taille, d’autres plus grands et dotés de puissants moteurs. Ça puait l’argent. Pas étonnant que le loyaliste gère ses putes ici. Le Voyageur fit le tour du bâtiment à pied pour répertorier les dangers. Il n’en releva aucun. Le loyaliste qui avait donné l’adresse et laissé les clés dans la boîte à gants de la Volkswagen avait été grassement payé, mais mieux valait faire gaffe quand même.

Tenant le Browning près de lui, le canon pressé contre sa cuisse et les munitions dans sa veste, il retourna de l’autre côté de l’immeuble, à l’endroit où les rares résidents permanents garaient leurs véhicules sous la surveillance des lampadaires. Quatre voitures en tout, à quoi s’ajoutait maintenant la Volkswagen. La plupart des appartements étaient loués uniquement lors de week-ends d’escapade ou pendant les vacances. Le loyaliste avait expliqué qu’il n’y aurait personne d’autre à son étage. On pénétrait dans l’immeuble par une porte vitrée que protégeait un auvent. Le Voyageur essaya la première des trois clés qu’on lui avait fournies : impossible. À la deuxième tentative, il se glissa à l’intérieur. Un hall propre et discret, un ascenseur. Il préféra monter à pied et grimpa l’escalier quatre à quatre.

Sixième et dernier étage. Il scruta le couloir par la vitre de la porte. Éclairage tamisé, pas le moindre mouvement. Il ouvrit le battant, le plus doucement possible, mais celui-ci craqua malgré tout. À part ça, aucun bruit. Rien ne bougeait derrière la première des quatre portes, sous laquelle passait un rai de lumière. Sans lâcher la poignée, il s’engagea dans le couloir et avança à pas feutrés sur l’épaisse moquette.

Deuxième porte à droite ; il reconnut un 4 et un B. Il s’approcha en surveillant le mince trait faiblement éclairé. Aucun bruit ne montait de l’autre côté du battant, pas même celui d’une télévision. Il colla son oreille contre le bois. Silence. Par l’œilleton, il ne vit que des ombres déformées. Il recula pour examiner la porte. Solide. En chêne, apparemment, différente des autres. Sans doute de fabrication spéciale.

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