Jean-Christophe Grangé - Miserere

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Miserere: краткое содержание, описание и аннотация

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Ce sont des enfants. Ils ont la pureté des diamants les plus parfaits. Aucune ombre. Aucune inclusion. Aucune faille. Mais leur pureté est celle du mal.
C’est toujours un piège d’ouvrir un roman de Jean-Christophe Grangé. On se dit qu’on va juste en humer les premières pages et puis, bing ! en un clin d’œil, vous voilà pris au piège, cramponné au fort volume qui fi le à cent à l’heure. AL. F., Livres Hebdo. Il y a là de quoi leurrer les plus éprouvés des lecteurs de Grangé. Et assez d’ombre pour les contenter. Alexis Brocas, Le Figaro Magazine.

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— Pourquoi ?

Hartmann sourit et, cette fois, la peur traversa les os de Volokine.

— Tu ne devines pas ? Nous avons enfin abouti. Nous possédons le cri.

— Ce n’est pas possible…

— Soixante années de recherches, de sacrifices, ont enfin donné le résultat attendu. Nous avons démontré la justesse des intuitions de mon père. Pour dire la vérité, nous n’en sommes qu’aux balbutiements. Un seul enfant maîtrise la technique. Mais grâce à cet exemple, nous allons pouvoir développer la méthode.

Volokine devint rêveur. Il songea à cet enfant-dieu qui pouvait tuer par son cri. Il songea aux mômes masqués qui l’avaient agressé sur le parvis.

— C’est comme ça que vous allez me finir ? Hartmann s’approcha et joignit lentement ses mains.

— Non. Nous n’en faisons pas une affaire personnelle, Cédric. Nous ne te considérons même pas comme un traître. Mais tu es un flic. Et les flics méritent un traitement de faveur.

La gorge sèche à l’intérieur.

Alors que son cou, à l’extérieur, était enduit de sueur.

— Un traitement de faveur ?

Hartmann fit un signe de tête. Les sbires s’emparèrent de Volokine. Il perdit pied. Il eut l’impression de chuter, au fond de lui-même. Un des hommes tenait une minuscule seringue. L’autre le soutenait par les bras.

— Je te confie à nos médecins. Tu verras, ils ont mis au point des protocoles très sophistiqués.

Volokine hurla. Mais le cri resta à l’arrière de sa gorge. Avec un peu de chance, sa voix resterait bloquée jusqu’au bout. Il saurait mourir en silence.

77

Arro, 6 heures du matin.

Kasdan repéra la plus grande maison du hameau. Il gara son break. Bondit dehors. Frappa à la porte. Le jour n’était pas levé. La nuit semblait verrouillée sur les pierres comme un tombeau sur des os. À la lueur de ses phares, Kasdan avait aperçu des paysages de terreur. Des plaines de caillasses. Des falaises d’herbe rase. Une vision primitive, d’avant les hommes, d’où tout signe de civilisation est absent. Un paysage où les champs sont des steppes. Les pylônes, des stèles de pierre. Les routes des sentiers de poussière. Un paysage qui laisse un goût de silex dans la bouche.

Kasdan sourit. Il se sentait en éveil. L’instant lui semblait porter une imminence. L’affrontement. La vengeance. Il frappa encore. Pas de réponse.

La moitié des baraques étaient en ruine. Les autres, restaurées, semblaient tout de même avoir un pied dans la tombe. Mais Kasdan avait l’impression d’avancer dans le temps. Après la préhistoire, on passait, disons, au Moyen Âge.

Il frappa plus fort.

Enfin, des bruits à l’intérieur.

Un jeune homme ouvrit. Arme au poing. Le clan d’Arro était en guerre. Une espèce de guerre de clans, comme aux temps primitifs, quand on s’entre-tuait pour un point d’eau ou une poignée de braises.

— Je dois voir Rochas.

Le jeune gars, carrure athlétique, cheveux blonds et plats, portait un ensemble de laine polaire bleu turquoise. Il ressemblait à un alpiniste dans son camp de base, prêt à attaquer le K2. Sans répondre, il lança un coup d’œil à sa montre.

— Il doit être dehors à cette heure-ci, fit-il. Il fait son quart.

— Vous faites des rondes ?

L’athlète sourit. Des rides autour des paupières révélèrent un âge plus avancé qu’on n’aurait pu croire.

— Ils pensent tout surveiller, murmura-t-il. Mais ce sont eux qui sont surveillés.

— Rochas, vous pouvez le contacter ?

Il avança sur le seuil, sans proposer à Kasdan d’entrer. Au contraire. Il le tenait en joue du regard, prenant sa mesure. Un flic de Paris, la mine pas fraîche, tremblant, tout ça à 6 h du matin.

— Quelle est l’urgence ?

Kasdan expliqua la situation. Volokine. Ses années d’enfance passées à la Colonie. La quasi-certitude qu’il ne passerait pas la nuit. L’urgence d’intervenir, hors de toute légalité.

— Entrez. Et calmez-vous. Je vais appeler Rochas.

Dans le corps habité d’une ferme, on espère toujours trouver chaleur et réconfort, des matériaux feutrés, de la douceur, qui rompraient avec la dureté du dehors. Mais en général, c’est l’inverse qui vous attend. Carrelage au sol. Ciment au mur. Quelques meubles disparates. Pas de chauffage. On est à l’intérieur mais on est toujours dehors. Dans le froid et la brutalité.

— Café ?

Le jeune homme vivait dans une grande pièce carrée, obscure, où trônait une grande table recouverte d’une toile cirée qui donnait froid dans le dos.

— Café, répondit Kasdan. Mais contactez Rochas. L’homme s’affaira sans répondre. La cuisine occupait un angle de la pièce. À l’opposé, dans un coin sombre, un lit était défait. Toutes les vies se comprimaient dans ce seul espace.

La machine à café crépita. Aussitôt relayée par les crachotements d’une VHF. Le gars appelait son chef.

Servit le café dans deux chopes.

— Rochas arrive.

— Il est d’accord pour intervenir ?

— Vous allez lui expliquer vous-même. Sucre ?

Kasdan nia de la tête. But une gorgée. La sensation l’apaisa. Il fallait rester calme. Convaincre cette petite armée. Sans elle, pas d’intervention. Sans intervention, pas de sauvetage.

Il laissa passer quelques secondes puis demanda :

— Depuis combien de temps vous vivez à Arro ? L’homme chaussait des bottes de Gore-Tex.

— Depuis toujours.

— Vous êtes né dans la communauté ?

— Je suis le fils de Pierre Rochas.

À cet instant, et à cet instant seulement, Kasdan remarqua la clarté singulière du regard posé sur lui. Il se souvenait de la brillance extraordinaire des yeux de Rochas. Le fils avait attrapé ces iris de cristal en guise d’héritage.

— Vous me devez des explications.

Kasdan se tourna vers la voix qui venait de retentir. La silhouette de Rochas père se découpait à contre-nuit. Chevelure épaisse, larges épaules, engoncées dans un anorak brillant, fusil d’assaut calé sous l’aisselle. L’ensemble avait la symétrie d’un tableau, chargé de puissance et d’héroïsme.

L’ancien flic répéta ses explications. Insistant sur le fait que Volokine allait être démasqué dans les prochaines heures. Si ce n’était déjà fait.

— Votre collègue est taré.

— Volokine est un super-flic. Mais il est kamikaze.

— Et vous croyez qu’on va attaquer comme ça la Colonie ? Pour le petit déjeuner ?

— Je ne vous parle pas d’attaque, mais d’intervention. Vous connaissez Asunción. Vous savez sans doute comment y pénétrer. Il faut récupérer Volokine. C’est l’urgence. Après ça, on aura tout le temps de prévenir les flics, les vrais.

Rochas entra dans la salle et se servit une chope de café. Son calme le rapprochait du paysage minéral, dehors.

— Soit votre protégé n’a pas été identifié et la mission est simple. La zone des ouvriers agricoles est accessible. Soit il est déjà prisonnier et ça risque d’être beaucoup plus compliqué. Voire impossible.

— Vous êtes partant ou j’y vais seul ?

Rochas sourit et s’adressa à son fils d’un ton neutre. Rien entre eux ne trahissait leurs liens familiaux.

— Tu réveilles les autres. (Il se tourna vers Kasdan.) Vous, vous venez avec moi. Je vous expliquerai en chemin l’opération.

— Vous avez déjà votre idée ?

Rochas avança d’un pas. La clarté de ses yeux évoquait la mer. Plus que la mer, un certain coin de mer, une crique, un lagon.

— L’idée, elle est ici. (Il pointa son index sur sa tempe.) Depuis toujours. Seule l’occasion manquait. (Il sourit encore. Un plissement de séduction, irrésistible, s’opéra dans son visage.) Après tout, l’occasion, c’est peut-être vous et votre histoire de flic infiltré. Du jamais vu.

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